Le cauchemar de Skrela

Juste avant le match face à l'Argentine en début de tournée, David Skrela avait confié que le match d'ouverture de la Coupe du monde contre les Pumas, au Stade de France, restait le pire souvenir de sa carrière. Pas sûr que ce soit encore le cas, car samedi soir, toujours à Saint-Denis, le buteur toulousain a vécu un véritable cauchemar: cinq pénalités et un drop manqués, soit 18 points dilapidés dans la nuit dionysienne. Il n'avait pourtant rien vu venir. "A l'entrainement, j'avais tout mis vendredi, et je ne ressentais pas plus de pression que d'habitude." Et voilà qu'aux yeux de tous, Skrela restera comme celui qui a privé les Bleus d'une victoire à leur portée face à l'Australie.

Evidemment, le raccourci est contesté par le clan tricolore. A commencer par Marc Lièvremont, qui n'a pas épilogué sur le manque de réussite de son buteur. "A mes yeux, c'est anecdotique, assure le sélectionneur. C'est un fait de match, ça nous a forcément pénalisés, mais même sans cette réussite au pied, nous avions largement la place pour gagner ce match. Nous avons perdu à 15. Je n'ai pas envie de blâmer David, j'ai simplement envie de le réconforter." Pas un de ses coéquipiers n'avait le coeur à lui reprocher quoi que ce soit. "Un jour sans, ça arrive pour un buteur et personne n'en veut à David", souffle Damien Traille.

"Parfois, on a envie de tout arrêter"

Malgré ce soutien unanime, David Skrela n'a pas fui ses responsabilités. Egal à lui-même, c'est-à-dire affable et sincère, il s'est présenté devant les journalistes sans rechigner à s'expliquer. Mais derrière le sourire de circonstance, on sent poindre l'abattement. On lui glisse que le XV de France tout entier le dédouane de toute culpabilité. Mais rien n'y fait. "Tout le monde me dit que ce n'est pas grave, mais je suis responsable à 100% de cette défaite, martèle-t-il. Vous pouvez prendre le problème dans n'importe quel sens, c'est à moi de mettre le ballon entre les poteaux. C'est dur. Je suis triste pour moi et plus encore pour l'équipe, parce que nous aurions dû gagner ce match ."

Il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre que cette soirée allait sentir le sapin. L'échec sur sa première pénalité, dès la 3e minute, ne constituait pas l'entame idéale. Mais ce n'est pas là qu'il a accusé le coup. "Le drop face aux poteaux, qui ne passe pas loin, m'a mis aussi un coup au moral", avoue l'ancien Columérin. Après, c'est le cercle vicieux: "Au bout d'un moment on commence à se poser des questions. On essaie de modifier sa frappe. J'ai peut-être trop voulu frapper dans la balle, du coup, j'étais alors moins relâché." Rien ne pouvait dès lors le sortir de sa galère. Damien Traille aurait-il pu prendre le relais et le tirer de ce mauvais pas? "Il est rentré en cours de match et ce n'est pas évident, reprend-il. Peut-être que cela aurait pu être la solution. Mais nous ne l'avons pas fait sur le coup."

Pour couronner le tout, il a fini le match sur la touche, après avoir reçu un carton jaune pour une cravate. "Un mauvais réflexe", justifie-t-il, la tête ailleurs, toujours tournée vers ses maudits pieds. Quand même, quelle soirée pourrie, décidément. De quoi tout foutre en l'air? Presque. Mais presque seulement. "C'est vrai que c'est très dur à vivre , concède Skrela. Parfois, on a envie de tout arrêter. Mais on ne peut pas tout plaquer pour ça. Des soirées comme celle-là, malheureusement, font partie de la vie d'un joueur, et plus encore d'un buteur." Maintenant, il va falloir digérer. "Je dois rebondir. Ca va me faire du bien de retrouver ma famille et mon club. Je vais me remettre au boulot et essayer de tourner la page." Skrela veut faire face. Comme toujours.