Retour aux sources

Par Rugbyrama
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Chronique savoureuse d'Henry Broncan, aujourd'hui manager agenais, qui s'apprête à retrouver Auch et le Gers pour un match épique.

Samedi, c'est le retour au pays ; j'ai joué au Football Club Auscitain en 1961-62 : C'était en juniors B, sans doute les Crabos de nos jours et quelquefois, j'avais l'honneur d'occuper le poste d'arrière chez les Reichels, dirigés par un entraîneur de renom, Ludwiczack, dit "Kajok", une sorte d'idole que mes yeux d'enfant avaient découvert sur Mathalin, la célèbre cuvette. A ses côtés, évoluait le "monstre sacré" du FCA, le redoutable et inamovible capitaine des rouges et blancs, Justumus, dit "Doudou" surnom tout à fait immérité car aucun des visiteurs n'a pu détecter une once de tendresse chez ce numéro 8 dont le casque blanc tenait lieu de panache rassembleur pour les joueurs et les supporters. Singulière coïncidence : une amie et supportrice agenaise, égarée volontairement dans l'antre des Agenais de Paris, le Sous-bock, m'envoie, tard dans la nuit de samedi dernier, le texto suivant : "Soirée géniale ; je suis avec un de tes anciens joueurs, Pierre-Emile."  Ce dernier n'est autre que le petit-fils de "Doudou" et le numéro 8 du Paris Université Club. Mon ami Sacha a donc dans ses rangs l'illustre descendant de celui qui tirait les oreilles du géant Hoche quand ce dernier venait promener sa haute stature sur la pelouse ( gersoise !). L'autre petit-fils, capitaine des champions de France Auscitains Espoirs en 2007, évolue, lui aussi en troisième ligne centre, au sein de l'équipe de Lille, en Fédérale 1 et lui aussi, c'est un chef... L'hérédité !

En 1961, avec mon complice Laffargue de Saint-Médard, nous nous rendions, depuis Miramont d'Astarac, sans casque, à moto - aucune obligation à l'époque - jusqu'au Moulias, sur nos chères mobylettes bleues ; un peu plus d'une vingtaine de kilomètres, sans trop de danger - peu de voitures - mais aussi avec pas mal d'incidents techniques : crevaisons, carburateurs bouchés, redémarrages besogneux... et beaucoup d'inconvénients divers ; nez et mains gelés : deux bonnes raisons pour ne pas sentir les intervalles et pour multiplier les en-avants ! Alors, souvent, nous adoptions la solution de nous transformer en auto-stoppeurs ; les temps étaient davantage à la confiance et nos sacs de sport rassuraient les conducteurs : nous n'étions jamais en retard.

Dans les années 60, le championnat des juniors était, dans un premier temps, uniquement régional, c'est-à-dire que chaque saison, des cadets aux Reichels, le FCA affrontait Lourdes, Condom, Lannemezan, Bagnères et surtout les redoutables oursons du Stadoceste Tarbais, les ennemis jurés ! Autant dire que ces jeunes gens, qui arboraient pourtant le maillot commun des sélections Taddéi de l'Armagnac Bigorre, prenaient acte de se chamailler, à 15 ans, et poursuivaient leurs rancunes jusqu'aux seniors. Notre effectif n'était pas pléthorique d'autant que les meilleurs d'entre nous évoluaient dans l'équipe Reichel. C'était le cas d'Andranik Torossian. Ce dernier s'initiait, cette année-là au rugby et, nos premiers entraînements de la saison consistaient en des exercices à toucher, domaine dont il ne saisissait alors aucune des subtilités. On le casait sur une aile et il passait les séances à attendre, en vain, ce ballon que nos égos refusaient de lui passer. Heureusement pour lui, vint l'heure du premier match amical début septembre à Mauvezin. Claude Raffin, plus tard longuement cheville ouvrière de l'ACA, nous entraînait. Il était accompagné par les pères Chaubet et Garet, parfois Coutens, des bénévoles attachés corps et biens au FCA. Dans les vestiaires des rives de l'Arratz, à la question du coach : "Qui veut jouer Talonneur ?" nous avons tous regardé la pointe de nos crampons. J'avais eu, une courte expérience de pilier droit, l'année précédente, au sein des réserves de l'USA Mirande et je n'avais aucune intention, malgré mes joues rondes et mon surpoids, de poursuivre l'apprentissage en première ligne. C'est donc avec soulagement que j'entendis l'Arménien, pourtant si taciturne, rompre le silence : "Je veux bien essayer". Le demi de mêlée de la RSM ne vit pas un ballon revenir sur son introduction pendant 80 minutes ! Une semaine après, sur le terrain de Bagnères, Torossian "cravatait" Pierre Ramouneda qui était pourtant la terreur des juniors d'Armagnac-Bigorre. Le mois suivant, Andranik partait avec les Reichel et un an après, il portait le maillot de l'équipe 1. Par la suite, tous ceux qui l'ont eu comme vis-à-vis, ne l'ont jamais oublié.

Le reste de la troupe n'était pas du même niveau : en troisième ligne, les "normaliens" Claude Beyregne et Jean-Paul Lafontan, sont devenus, le premier, un entraîneur réputé et le second - jambe cassée sur ce même match de Mauvezin alors qu'il était sorti en fraude de l'EN - le président actuel du Lombez-Samatan Club dont il faut saluer le cavalier seul dans sa poule. Maurice Fouroux - le grand frère - évoluait à la mêlée, à l'ouverture et même au talonnage alors que Jacques commandait déjà brillamment les cadets. Au niveau supérieur, ferraillaient Falan, Semont, Vasvelho, Vidal, Da Silva, Ferrer, Bassac, Michalski. Nous les admirions car ils flirtaient avec nos stars de l'équipe 1 : Poudensan, Aurensan, Tilloles, Le Droff, Verdié, etc…Ces authentiques gersois remplissaient le Moulias seulement pourvu d'une seule tribune, celle d'honneur actuellement. La marathon n'existait pas encore et la rivière, le Gers, bien visible, constituait une menace pour des arbitres trop impartiaux.

Cette tribune sera la plus virulente, samedi soir. C'est celle que j'ai toujours appréciée le plus lors de mes neuf années aux commandes du club auscitain. Je la sentais pousser derrière mes piliers à chaque mêlée, hurler pour le moindre maul qui avançait, exercer sa pression sur l'arrière visiteur à la chute des up and under, invectiver le référé à chaque décision prise contre nous... Je ne me souviens pas l'avoir entendu, une seule fois, siffler ses protégés.

Dans la tribune d'honneur, où la bataille fait rage à chaque début de saison, pour l'accès aux sièges en cuir, passage obligatoire pour les notabilités locales, on fait davantage dans la connaissance, le raisonnement, le savoir, l'argumentation, l'analyse... En gros, à l'Est, on soutient et on réfléchit en paix, à l'Ouest, on réfléchit avant de soutenir. Quelquefois, les deux tribunes se décident à faire cause commune. Populaires et aristocrates unissent leurs efforts et là, c'est impressionnant !

Je me souviens en 2003 d'une bagarre générale lors du dernier match de championnat contre Toulon, d'un carton rouge délivré par Mr Gastou à Caucaunibuca en 2004, d'une pénalité victorieuse de Jean-Baptiste Dambielle face à l'USAP en 2005... Dans ces moments-là, Président du Conseil Général, Préfet, Maire, Présidents du Club et de la CCI, Chefs d'entreprises, Ouvriers et Chômeurs sont unis dans des pulsions qui transcendent l'équipe... A ce propos, Maman Bastide, est-elle toujours aussi passionnée! Réponse : samedi soir.

P.S : Mon second petit-fils est arrivé lundi matin : 3,5 kg, 54 cm, prénom : Alix. Des proches m'ayant fait remarquer que ce prénom était à 80 % féminin, j'ai cru bon d'alerter mon fils Pierre. Pour une fois, nous étions d'accord car, lui aussi, depuis Marcoussis où il prépare ses diplômes en compagnie de Christian et Christophe, il avait demandé à la mère de changer ce petit nom peut-être pas suffisamment masculin. J'ai compris qu'il avait reçu un niet radical. Décidément, chez nous, les Broncan, les générations passent et ce sont toujours les femmes qui commandent !

A propos de femmes, ma voisine sera bien sûr la plus belle fleur du Moulias samedi soir. Je lui ai conseillé, si elle se trouve à proximité de la maman de Raphaël, de ranger le bonnet et l'écharpe bleus et blancs et de ne surtout pas crier : "Allez Agen" .

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