La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique hebdomadaire, l'ancien entraîneur du XV de France, Pierre Villepreux, se penche, après ce qui s'est passé entre Brive et Biarritz, sur les difficultés rencontrées par les arbitres pour interpréter certaines phases de jeu, en particulier au sol, et sur l'évolution de la règle.

Brive/Biarritz va certainement relancer les carences arbitrales dans certaines phases de jeu, en particulier celles plaquages-post plaquages. Cet arrêt du mouvement du ballon si particulier au rugby crée très souvent des situations d'autant plus cruciales qu'elles sont de plus en plus nombreuses dans le rugby moderne. Elles devraient dans l'esprit de la règle être facilitantes pour la continuité du jeu et devraient ainsi assurer une partie du spectacle. Pourtant, leur répétition et la longueur des sorties de balle sont un peu frustrantes, de nombreuses pénalités, voire des cartons. On est presque satisfait quand intervient la sanction.

Pour les arbitres, ce sont des phases particulièrement difficiles à gérer. Pire, elles semblent quelquefois être interprétées différemment selon qui officie. Leur interprétation prête à la critique de la part des entraîneurs et joueurs qui ont du mal à savoir comment s'y comporter.

Les Brivistes effectivement pouvaient à juste titre se plaindre d'une décision en faveur de Biarritz à un moment significatif dans ce match très équilibré... C'est vrai que quand l'erreur sanctionnée à tort ne coûte pas de points, on la digère plus facilement. Celle-ci leur coûta 3 points alors que la pénalité aurait du être inversée (faute de Barcella ).

Si ces phases de jeu au sol ne sont pas faciles à gérer pour les arbitres, elles ne le sont pas davantage pour les joueurs. Pourtant, quand on lit le règlement, il est plutôt clair et compréhensible. La règle plaqueur plaqué et le post plaquage qui s'en suit ne sont pas de nouvelles règles comme on l'entend trop souvent dire. Elle a été aménagée pour permettre une meilleure équité dans la contestation du ballon. Il s'agit bien en effet de donner autant de possibilité aux antagonistes. Pour les utilisateurs, conserver le ballon et le libérer à un degré de vitesse variable selon les situations. Pour les défenseurs non utilisateurs, d'avoir le droit et la possibilité de le contester et éventuellement de se l'approprier.

Il faut se rappeler lors des saisons passées que le ballon pouvait être conservé par les utilisateurs sans possibilité de "contest" par les défenseurs. C'était l'arbitre qui imposait, dès que le ruck était constitué, aux défenseurs de ne plus prendre part à la récupération du ballon. S'était installé pour les attaquants un rugby confortable appelé de conservation, fait d'interminables phases de jeu qui disait-on traduisait une certaine maîtrise. Les attaquants pouvaient garder la balle sans jeu. On prenait son temps, y compris en utilisant aussi les "pick and go" qui y ont perdu du même coup leur vocation originelle très dynamique où il s'agissait bien d'avancer et non d'aller se coucher dans les pieds des défenseurs comme c'est le cas aujourd'hui. Le commandement "ruck" par l'arbitre a ainsi, dans cette période, grandement facilité ses décisions mais aussi celles des joueurs.

La contestation possible du ballon avec les mains par le premier "défenseur et attaquant soutien debout" a de fait créé une nouvelle et différente activité dans la zone plaqueur plaqué et a rendu beaucoup plus vulnérable le plaqué qui est souvent coupable. Le jeu a évolué : plus de récupération (turn-over), moins de "pick and go" qui deviennent moins efficaces, mais du même coup beaucoup plus de pénalités sifflées pour x raisons, contre le porteur de balle, le plaqueur, le récupérateur, les déblayeurs. Entre joueurs réglementairement bien placés (debout avec la bonne orientation corporelle) et ceux qui sont à plat ventre (pas sur leur pieds), la discrimination pourrait sembler facile pour l'arbitre mais à la vitesse du jeu, il faut que l'arbitre évalue tout en même temps le positionnement de ceux qui viennent de manière critique (ni debout, ni couché). L'arbitre est forcement exposé à entrer dans un jugement subjectif qui est d'autant plus accru que son souci est de faire en sorte que le jeu se continue, que le ballon vive, ce qui peut l'amener à oublier certaines fautes afin de favoriser le jeu successif. Pour lui, il ne s'agit pas en effet de siffler pour siffler, mais bien de percevoir et de comprendre, si malgré les éventuelles fautes dans la situation globale existante, le jeu mérite de se poursuivre rentablement au profit de l'une ou l'autre équipe. Ce choix rend sa décision encore plus complexe.

La maîtrise de la règle pour les arbitres, comme pour les joueurs, passent par la compréhension tactique qu'elle sous-entend et à laquelle il faut accéder dans le rapport de force existant dans chaque situation. En ce sens, les erreurs arbitrales sont en ce moment tout aussi excusables que les erreurs des joueurs puisqu'on est passé d'une saison à l'autre à une application différente de la règle plaqueur plaqué. L'acquisition de références et automatismes nouveaux ne se fait pas immédiatement. Il faudra encore un peu de temps, pour que la "synchronisation" comportements joueurs-jugements et cohérence arbitrale soit meilleure. Cela passera de toute façon par de nouveaux comportements en jeu et particulièrement dans la volonté des joueurs en situation d'affrontement de trouver des options à la main avant la percussion ou de libérer la balle avant la fatidique chute au sol du joueur et du ballon, seule façon de placer le joueur contestateur en situation défavorable. Dans sa forme actuelle, le jeu frontal individuel tel qu'il est le plus souvent pratiqué aujourd'hui ne facilite pas la résolution de ce problème et pénalise plus dans l'instant le plaqué que le plaqueur. Ce qui implique pour évoluer, de chercher des solutions tactiques de pénétration à plusieurs en jouant debout en utilisant le jeu de passe. On visera alors à éviter d'être plaqué, y compris dans des zones de fortes concentrations défensives.

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