La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique hebdomadaire, notre expert Pierre Villepreux se projette sur la finale du Top 14 entre Clermont et Perpignan, et sur les options tactiques que pourraient utiliser ces deux équipes. Comme à son habitude, il prône un maximum de jeu.

Perpignan et Clermont se sont-ils suffisamment rassurés après leur victoire en ½ finale pour aborder la finale avec confiance ? Les ressources et donc les compétences utiles de ces deux collectifs sont réelles et il suffirait certainement de vouloir entreprendre un peu plus pour élever leur niveau de performance et rendre ainsi le jeu produit plus riche et encore plus enthousiasmant. Bien sûr, il s"agit bien pour les uns et pour les autres de gagner, mais bien de se convaincre que la victoire est possible avec la recherche d"un jeu plus ambitieux et volumineux. L"exploitation des trop seules situations favorables ne suffit pas. Il faut aussi accepter de provoquer le jeu et faire preuve de créativité. Les deux équipes en ont les moyens et j"espère que le bon jeu entrevu, parfois le très bon mais trop épisodique, des uns et des autres motivera tous les acteurs pour aller plus loin dans la quête d"un rugby qui a aussi pour objectif de satisfaire le public qui a été convoqué au stade de France. Il serait bien que ce ne soit pas seulement les supporters qui puissent dire quelques années après "j"y étais ". Ceux qui sont neutres, ceux qui n"ont pas de favori attendent, avant d"en choisir un, d"apprécier le spectacle.

Vern Cotter le technicien clermontois interviewé par un journaliste stigmatise ce qu'il appelle les "facteurs clés du jeu, le tactique, le technique, le physique, le psychologique". Il est bien évident que pour mobiliser individuellement et collectivement toutes ces ressources et qu'elles interagissent favorablement et avec pertinence les unes sur les autres, il convient aussi que le jeu produit soit riche tactiquement sinon on s'appuie essentiellement sur le combat en faisant appel prioritairement à la dimension physique et au mentale. Parfois cela suffit, ce fut en partie le cas pour Clermont contre le Stade toulousain qui n'arriva pas à se dépêtrer du jeu agressif (au bon sens du terme) de son adversaire. La force des pulsions et désirs collectifs de dominer l'autre dans le rapport physique ne pouvait s'exprimer que dans un rugby joué au plus près des phases de conquête ou des phases de conservation. Clermont délaissa volontairement de jouer son option favorite large-large.

Pourtant, paradoxalement c'est quand même une action créative, le coup de flair de James qui, en changeant ce qui était prévu sur la droite face à la montée en pointe de Dusautoir, trouva une porte de sortie sur le gauche. Il n'eut besoin de personne pour conclure. Il mit, dès le début du match Clermont en position de conforter le jeu choisi. Il faut dire que les Toulousains ont su un peu les aider. Moins performants dans le combat "au près", leur chance résidait dans le jeu au large. Ils ne surent pas y jouer pas suffisamment. Quand ce fut le cas, les enchaînements de passes sonnèrent anormalement et bizarrement faux en n'exploitant pas ou mal des situations plus que favorables. Face à une défense qui avait choisi systématiquement de glisser abusivement pour ne pas être débordée sur les extérieurs, des prises de balle plus à plat, et des courses de fixations plus appropriées auraient permis aux Rouge et Noir de retrouver la fois le goût du jeu et la cohérence tactique collective qui leur a manqué celle qui habituellement fait leur force

Face aux Catalans, il me semble que Clermont devra faire évoluer son jeu tactique. Les Sang et Or ne manquent pas d'arguments dans le jeu frontal et les lignes arrières auront l'audace d'aller défier leurs adversaires au large, si ils adoptent ce même type de défense. Depuis quelque temps, l'Usap a su bien faire évoluer son jeu. Pourquoi pas le temps d'une finale ne pas aller plus loin ?

Le temps de la préparation d'une finale permet à l'entraîneur de finaliser la stratégie. Mais, on ne peut pas tout prévoir et il est souvent vain de chercher à apporter des solutions à tous les problèmes que pourraient poser l'adversaire.

En revanche, il faut créer les conditions pour que les joueurs perçoivent qu'ils bénéficient particulièrement dans les moments cruciaux de la rencontre d'un degré élevé d'autonomie qui leur permettra de changer de registre tactique et sans réticence pour le faire. La stratégie n'est alors pas figée, elle se finalise dans le cadre d'une liberté d'adhésion collective qui fera que le joueur et le collectif entreront dans un processus qui donnera la priorité à la créativité et l'adaptabilité et devrait finir par dominer la seule exécution répétitive d'actions de jeu programmé pas toujours adaptée et qui bien souvent montre à un moment du match ses limites. Entraîner la liberté créative n'est pas utopique. Il s'agit bien de donner au joueur pris individuellement et au collectif au fil de sa formation les moyens de répondre avec une liberté sans cesse plus grande, aux problèmes et situations variables/complexes rencontrés sur le terrain. Le plus souvent, on attend la fin du match pour accéder à cette liberté. C'est bien souvent sur trop tard, car en la matière il ne s'agit pas d'obéir à un carcan temporel, mais bien d'être disponible en terme d'intentions de jeu, dès le début du match. Il est navrant d'avoir vu le Stade français s'enfermer dans un jeu sans ambition compte tenu de la qualité de ses joueurs. Le Stade a perdu son jeu, pas les joueurs ; il a toujours les compétences pour trouver ou apporter les bonnes réponses à condition de refuser de s'enfermer dans un système de jeu beaucoup trop fermé alors qu'il a les capacités pour rechercher créativement, efficacement et librement des option différentes, que celles-ci aient été ou non expérimentées dans les entraînements précédents.

Perpignan et Clermont disposent de types de joueurs capables d'influencer, s'ils le veulent, le jeu et par même sa qualité et leurs partenaires.

La finale est un instant particulier, il faut avoir envie, par ses intentions, de communiquer avec le public et ainsi de contribuer aussi au spectacle attendu. Il n'y aura pas deux vainqueurs, une bonne raison pour se lâcher et ne pas avoir à regretter après en affirmant qu'on aurait pu, puisque si on peut il n'a aucune raison de ne pas le faire.

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