La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique, le plus Gersois des Agenais Henry Broncan nous narre sa savoureuse visite dans le club de Montpazier, en Dordogne. Il revient également, en défenseur ardent de la formation en France, sur l'émergence de jeunes Espoirs dans le Top 14 ou sur la 8e journée de Pro D2.

Vendredi 23 octobre

A cause d’une sollicitation d’autant plus pressante qu’elle était exquise, nous voici, G.M et moi, au-delà du Haut-Agenais, cette fois-ci dans le Périgord pourpre. Nathalie, que tout le rugby du Périgord-Agenais connaît – dirigeante, Présidente ensuite du club de Lanquais, maintenant déléguée sportive –m’avait demandé, il y a environ un mois, de venir un vendredi soir, faire un entraînement aux joueurs du Stade Monpaziérois car cette équipe avait connu de grosses difficultés à l’intersaison et avait même failli mettre la clef sous la porte de ses vestiaires. J’avais fait part de ce desiderata à mon directeur administratif car je savais qu’il avait fait ses premiers pas de rugbyman, en tant que benjamin puis de minime, au sein du S.M. Nous voilà donc sur la route des Bastides, d’abord les "Alphonsines" : Villeneuve, Monflanquin puis Villeréal, avant d’arriver au pays des "Anglaises" puisque Monpazier, Molières, Lalinde et encore Beaumont doivent leur existence à Edouard 1er, ce roi de la dynastie des Plantagenêts.

Le premier plaisir de la soirée sera la visite de ces lieux historiques en compagnie de Monsieur le Maire, du Président du club de rugby, de quelques dirigeants et bien sûr de Nathalie. On dit de Monpazier que cette petite ville (540 habitants ) est le chef d’œuvre des bastides. On n’en trouverait aucune autre où "les détails seraient mieux étudiés, où l’ordre, la symétrie, la prévoyance auraient été portés plus haut". Nous voilà d’abord sur la place centrale, les arcades des cornières, la petite halle superbe de modestie : mes hôtes et G.M se souviennent des inarrêtables parties de rugby à toucher disputées sur le pavement sous le regard des fenêtres à meneaux. La douceur de la soirée et l’heure tardive de l’entraînement – début prévu à 20 heures – nous autorisent à flâner de "charretières" en "traversières" et à nous enfiler dans les étroits "carreyrous" qui quadrillent les îlots d’habitations. Arrêt particulier à la "Porte du Paradis", sans doute lieu privilégié dans le passé de rendez-vous galants de l’autre côté de la poterne. Normal que cette cité si gracieuse ait été l’objet des convoitises des rois d’Angleterre, les fondateurs, et des rois de France. D’ailleurs, de nos jours, les sujets de Gracieuse Majesté recommencent à se multiplier dans les parages. Parmi les récits du moyennageux, on raconte qu’une forte animosité régnait déjà entre les Monpaziérois et leurs voisins de Villefranche du Périgord, sur fond de rivalités religieuses, les uns surtout catholiques, les autres plutôt protestants. D’après les Mémoires de Sully, une nuit, les habitants de chacune des deux bastides, décidèrent sans se concerter bien sûr, d’aller piller la ville voisine. Ils réussirent d’autant plus facilement dans leurs entreprises qu’ils ne rencontrèrent réciproquement nulle résistance dans les lieux envahis. Se rendant compte de l’ineptie du contexte, chacun de revenir dans ses pénates sans toucher aux biens des ennemis. Dans quelques semaines, les deux clubs doivent se rencontrer dans un derby qui devrait valoir son pesant de champignons : ne dit-on pas, que de nos jours, les deux cités se disputent le titre de Reine des cèpes !

Après un petit blanc sec savouré à la meilleure des tavernes, nous voilà quand même sur le pré ! Ils sont 24, chiffre record – au mois d’août, il ne restait que 9 licenciés ! – le président et les siens sont allés recruter des footballeurs, un basketteur, trois anciens cadets qui avaient abandonné l’ovale et il y a même trois ou quatre néophytes en matière sportive. Qui plus est, le Maire en personne, a rechaussé les crampons, la trentaine largement sonnée et ce, à un poste pourtant exposé aux pitres vilenies, celui de talonneur. L’entraîneur ex-flanker de Fumel, Philippe Laborde, resté fidèle dans la tourmente estivale, nous a préparé le canevas de la soirée. Nous voilà démarrant par une séance à dominante plutôt athlétique. Soulignons qu’il s’agit su seul entraînement hebdomadaire et c’est pourquoi nous mettons en place du "physique intégré" à base de skills. Une bruine toute anglaise rend les ballons glissants mais la perfide Albion ne parvient pas à troubler l’application des Vert et Blanc ; seul M. le Maire a tendance à manquer toutes ses passes... à droite. Gégé me succède sur le mouvement général ; sevré de terrain depuis plusieurs années et requinqué par l’herbage de sa jeunesse, il nous faudra l’interrompre dans son intervention car neuf heures sonnent au clocher de la collégiale et il faut que Philippe fasse un minimum de mise en place car un long déplacement périlleux est prévu, dimanche, à Thiviers. Je m’aperçois alors que, décidément, ce Maire fait tout dans son pays : vu sa dextérité manuelle, je craignais pour ses lancers en touche et je ne fus pas surpris de voir un pilier prendre l’affaire en mains ; par contre, stupéfaction de voir le premier désigné... premier sauteur dans l’alignement ! Pire, dans les quelques répétitions accomplies, tous les ballons lui furent gracieusement adressés ! Il doit y avoir de la subvention municipale là-dedans ! Tout naturellement, sans même une intervention du coach, les joueurs se remplacent sur les postes de titulaires face à la maigre mais virulente opposition : en fin de semaine, on ressent le besoin express de se défouler... d’autant qu’on n’a pas trouvé de champignons et notre édile n’est pas le dernier à se jeter vigoureusement dans les rucks au risque de blesser l’un de ses administrés. Courte allocution finale et pas de prise de tête lors de l’annonce de la composition de l’équipe : deux absents pour des raisons qui n’ont pas besoin d’être explicitées ; nous voilà 22 et on verra dimanche après-midi pour déterminer le 15 de départ. Tout le monde jouera, c’est sûr. Trois ou quatre éléments se rendront directement à Thiviers et les autres ont rendez-vous au stade de Monpazier, à midi, pour se répartir dans les voitures ; une heure et demie de route et aucun frais de déplacement ; aux antipodes du monde Pro ! Une cure de jouvence, un retour près d’un demi-siècle en arrière !

Faut-il en ces temps de crise, vous raconter le repas qui a suivi dans la "maison du rugby" : la proximité anglaise interdit le terme "club house" ! Apéros obligatoires, soupe périgourdine, pâté de sanglier, estouffade monpazieroise royale... vin généreusement obligatoire... deux heures à table et trois kilogrammes gagnés !

A une heure du matin, retour dans un brouillard par contre entièrement britannique. Au dessus de Lacapelle, à deux pas des Saint-Béat, nous avons, Gérald et moi, bien cru rencontrer le fantôme du Duc de Gontaud-Brion, promenant sa tête décapitée au bout de son bras. J’ai raconté l’histoire à ma voisine et elle n’a pas voulu me croire !

Samedi 24 octobre

Sur l’annexe 2 et sous une pluie fine, les Espoirs brivistes s’imposent logiquement 16-12. Après leur victoire à Wallon, les nôtres ont-ils péché par excès de confiance ? Les Corréziens m’ont paru plus homogènes et leur succès est loin d’être usurpé même si les Bleus avaient les clés de la victoire dans les deux touche-pénalties des dernières secondes ! A noter chez les vainqueurs un excellent pilier droit venu de Géorgie – encore un ! - ainsi qu’un ardent ailier, passé arrière en cours de match. Samedi prochain, déplacement sur la Rade. A 18h30, sur Armandie, le SUA en vingt minutes inflige vingt points à des Palois désemparés par le rythme imposé. Par la suite, les ondées continuelles, la fatigue oyonnaxienne, la réaction béarnaise rendront la suite stérile mais la défaite narbonnaise assure une première place que nous saurons conserver.

A 21 heures, coup de fil de mon ami Georges, délégué sportif au match Castelsarrasin-Lombez Samatan : ..."Mais tes mecs du Gers, ils ont largement le niveau de Fédérale 1 !..."

Dimanche 25 octobre

Après le toucher du matin – plus d’une vingtaine de participants sur Pistre – longue conversation avec mes amis de la SNCF lot-et-garonnaise sur l’éventualité de la réouverture de la ligne de passagers Agen-Auch. Pourquoi pas ? Cela permettrait peut-être de réduire les accidents de la route, encore quatre morts dans le Gers en fin de semaine !

Des images TV des matchs de la veille : à Paris, le demi de mêlée de l’Usap Cazenave, traverse le Stade de France. A Maurice-Trélut, l’arrière du TPR Adrien Domerc déchire la défense grenobloise. Tous deux n’ont pas encore 20 ans, tous deux sont issus du club d’Argeles-Gazost et de la section sportive du collège de la cité pyrénéenne... Allez les jeunes !

Dans le derby du Confluent, le SC Aiguillon s’impose largement contre les voisins de Port-ste-Marie. Dans les tribunes, Michel Couturas, au sifflet Patrick Péchambert, la veille en TOP 14, (Montpellier-ASM ), aujourd’hui en 1ère série.

Coup de fil de Dordogne : le Stade Monpaziérois s’est imposé à Thiviers 20 à 6, qiatre essais, bonus offensif, première place au classement, il doit faire chaud, ce soir, dans la maison du Rugby.

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