La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le manager du SU Agen qui se délecte d'un repas d'anciens marqué par des anecdotes savoureuses mais qui n'oublie pas de s'intéresser aussi bien à Biarritz qu'à Albi.

Mercredi 30 septembre

Il est des jours où tout va bien: le soleil de ces derniers jours de septembre dans le plus pur des ciels bleus du Lot-et-Garonne laisse croire que l'été ne se terminera jamais et, comme le SUA vient de s'installer, solidement, en tête du championnat de la D2 avec la ferme intention de ne pas lâcher la pôle position, c'est une douce sérénité qui envahit la ville, envoûtée par les couleurs de son club favori. Dans ces moments-là, les Agenaises resplendissent, sourires et formes à l'avenant : les fossettes de ma voisine vous indiquent la direction du septième ciel, c'est-à-dire celui qui se trouve juste sous son balcon. Il faut vite savoir profiter de ces instants si rares et l'après-midi passée, à Laroque-Timbaut, chez le Président Mencel, en compagnie de notre équipe 1 lors d'un entraînement décentralisé, confirme bien que le bonheur soit parfois à portée de main. Chez les Roquentins, j'apprends que l'un d'entre eux, dans la première moitié du siècle dernier, William Gayraud, s'est particulièrement illustré en tant que sportif de haut niveau particulièrement éclectique : champion de natation, de boxe (sélectionné olympique en 1920), aviron, pelote basque, athlétisme, bobsleigh, squash et bien sur rugby d'abord au SUA puis au Stade Toulousain. Lors du Tournoi des 5 Nations toujours en 1920, il fit partie de la première équipe de France victorieuse à l'étranger, en l'occurrence, l'Irlande, inscrivant le premier essai. A ses côtés, opéraient de grands noms de l'ovale : Crabos, Struxiano, Jauréguy, etc.

A 14h, Djal Narjissi qui se découvre une vocation d'éducateur – en attendant de devenir arbitre (? !) – accompagné par Jean Monribot et Laurent Cabarry, prend en charge l'école de rugby locale renforcée par celle de Pont-du-Casse. Je leur ai adjoint mes deux protégés, le fidjien Togatogo dit Leka et le géorgien David Losaberidze, respectivement 19 et 18 ans, une façon de les mettre en contact avec notre pays, notre langue, nos enfants… Tout se passe dans la bonne humeur. A 15h30, Christian et Christophe lancent sur le pré les professionnels. Ambiance décontractée car pas de match le week-end prochain, mais beaucoup d'application dans le maniement des nombreux ballons. Des jeux divers permettent de mettre en valeur l'habileté technique des participants. Les gosses devenus maintenant spectateurs ne manquent pas une once des évolutions. Ce soir, ils s'endormiront facilement, la tête remplie de passes croisées et redoublées, de réceptions de balles aériennes et de diagonales millimétrées.

A l'heure du thé, en compagnie du Président de l'Association et du directeur de celle-ci, nous filons sur Montauban où nous avons pris rendez-vous avec nos homologues du grand club tarn-et-Garonnais pour, tout simplement, prendre connaissance du mode de fonctionnement de nos voisins. Nos correspondants de la cité d'Ingres sont deux personnages quelque peu atypiques de notre sport : Serge Gros aurait pu détester le rugby, lui dont l'enfance a été enthousiasmée par le titre de 1967 et par les cris de "Allez Sapiac". Devenu à son tour tout naturellement joueur, c'est une mêlée effondrée qui l'a fait rejoindre les rangs des gens en souffrance. Loin d'être découragé par notre pratique, il s'est lancé à fond dans l'éducation et la prévention afin que nos jeunes ne connaissent pas un malheur similaire. En même temps, il a embrassé une carrière de dirigeant pour servir son club de toujours et le voilà, maintenant, Président de cette U.S.M qui lui tient le c&oeligur si vert.

De son côté, Michel Ambal, Directeur actuel du Centre de Formation, ne pouvait échapper au rugby ; d'abord parce qu'il est né dans le grand Beaumont, celui des frères Barrau, Guillas…et surtout celui des piliers-paysans de la fin des années 60, les Trainini, Bergamasco, Valentin… qui, avec les Peccolo, Boué, Bonastre…faisaient exploser tous les packs de l'Hexagone. De plus, Michel est le fils de Marceau, le géniteur de toute cette brillante génération, un enseignant exigeant, remarquable pédagogue parti un temps au SUA – le titre de 1976 acquis contre Béziers 13-10 – avant de filer sur Auch : remontée dans l'élite, en 1982, avec un demi de mêlée arraché à Armandie, Henri Cazaubon, le relayeur parfait de la méthode agenaise chère à Charles Calbet.

J'aime beaucoup Michel Ambal parce que d'abord c'est un technicien que je comprends car il ne vous abreuve pas de ces termes techniques qui vous obligent à consulter le dictionnaire, sans d'ailleurs trouver son compte ; ensuite il ne se prend pas au sérieux et parle davantage de ses échecs que de ses réussites, témoigne plus de ses incertitudes que de ses assurances, n'oublie jamais que la Roche Tarpeïenne est proche du Capitole…c'est-à-dire que, pour le MTG, Bourgoin avoisine le Stade Français ! Et ce type-là, malgré ses doutes, avance toujours, multiplie les interventions, passe son temps au stade, tempère les excès d'optimisme et soigne les états d'âme de son environnement.

Avec un peu d'émotion – j'ai joué à l'USM de 1968 à la Noël 1970 – nous visitons les installations mises en place entre 2004 et 2007 juste avant qu'une forte houle n'affecte le MTG. Salles de réunion, de vidéo, de massages, de directeur général, de directeur adjoint, de coachs, de préparateurs physiques, de musculation, de réathlétisation…occupent l'arrière des tribunes d'honneur mais Sapiac reste avant tout Sapiac : une cuvette atypique entourée de sa piste cycliste, un stade au cadre unique au monde et j'espère qu'aucun Président désireux d'agrandir le nombre de spectateurs n'osera toucher à ce qui fait toute l'originalité montalbanaise.

Comme en rugby, tout finit à table – en politique et dans les affaires, tout commence à table ! - nous voilà partis le long de notre cher canal direction Castelsarrasin et là, c'est la surprise offerte par Serge. Autour de la table, il a voulu réunir, en plus de l'autre grand Serge, celui de Russie, quatre des partenaires de mon court séjour de joueur dans le Tarn et Garonne. Ensemble, nous allons passer une nuit d'autant plus agréable qu'elle était inespérée, oreilles et fenêtres ouvertes pour laisser passer histoires et douceurs du temps. Beaucoup de récits d'anciens combattants certes, des souvenirs bien sûr embellis mais des heures de fous rires en se remémorant des errements de jeunesse à ne pas mettre dans les oreilles de nos jeunes sous peine de perdre toute crédibilité. Etaient présents un seconde ligne de fort tonnage, David transformé en Goliath et pourtant un des minots de la finale de 1967 déjà façonné en bras armé du pack – l'époque nécessitait un tel accessoire – parti par la suite vivre dans la Cité de Carcassonne, revenu maintenant en son pays et immédiatement au service de l'Association. A ses côtés, le numéro huit de l'époque, capable de jouer arrière – un ballon manqué sous la pression à Aurillac - technique éprouvée, malin comme un demi de mêlée, adjoint aux sports de la Mairie, délégué sportif – SUA contre l'USO ce terrible mai 2009 - reconverti dans le vélo... pauvre vélo ! En fait celui de mon vis à vis est encore plus à plaindre car cet ancien trois-quarts centre, Christ sur la croix en 1968, visage décharné, genoux cagneux, sac d'os redouté pour ses tampons mais également activiste de la relance est devenu, raison sociale oblige (?) un bon gros débonnaire plus large que Martinet dont il ne doit guère apprécier les plats cuisinés, tête ronde, ventre adéquat, deux chaises à table. Normal, une bonne dizaine d'années de Présidence vous façonne : repas d'affaires, réceptions mondaines, soirées de gala… ; "Qui aime bien, taquine bien" ; c'est certainement le plus vert et noir de tous : des centaines de milliers de km à supporter et à transporter les siens et au printemps dernier, en pleine crise, un mois supplémentaire de Direction du club, un intérim terrible : "J'ai cru vraiment que nous allions mettre la clé sous la porte..." Près de lui, comme au bon vieux temps, mon compère de toujours, l'autre trois-quarts centre, taille, cheveux élégance et humour intacts ou... presque. Formé à Rieumes, au pays des attaquants, joueur devenu spectateur, il reste un adepte du jeu à risques ce qui lui a valu des quolibets de la part de quelques bien-pensants des populaires, les mêmes qui, alors qu'il était devenu entraîneur, cherchèrent aussitôt à lui couper la tête. Pourtant, dans son métier d'enseignant E.P.S, il a formé bien des générations de rugbymen. Avec lui, notre complicité remonte au Lycée Fermat, l'équipe de la Violette de Toulouse ; à la mêlée opérait le père Cazalbou ! En 2009, les trois premiers font partie de l'encadrement de l'Association, le dernier sans doute encore blessé, reste dans sa réserve, sans oublier d'assister à chaque match, et Serge Gros, qui connaît nos liens a tenu à l'inviter. Les écrevisses et le vin délient les langues et le sourire de Sergueev qui découvre les revers de nos médailles. Au milieu d'anecdotes rocambolesques, nous apprenons qu'un des meilleurs numéro 9 de l'histoire de l'USM se refusait à exécuter une combinaison en général efficace ailleurs que devant la tribune présidentielle ! De même, lorsque les joueurs les plus huppés, placés en bout de ligne, le sollicitaient à haute voix pour qu'il leur expédie le ballon, il refusait de s'exécuter, rejouait au ras et lâchait à ses proches :  "On va quand même pas être commandés par ces c… d'internationaux !"

Pour moi, la meilleure anecdote arrive sur la fin tout comme les plus belles rencontres se gagnent juste avant le dernier trille. Match contre Brive : Capitaine des Tarn-et-Garonnais, un formidable pilier gauche, une légende. Ce soir, j'apprends qu'il était d'une extraordinaire modestie et qu'il craignait toujours, avant les matchs, d'être dominé par son vis à vis. Côté Corrèze, on annonce un jeune "tueur", corps splendide, futur crack de la mêlée et notre numéro un de s'inquiéter toute la semaine, lui qui avait pourtant affronté les plus grands du monde. Son coéquipier, numéro 6, était un trois-quarts centre reconverti à ce poste, avec une fâcheuse tendance à abandonner les rigueurs de la poussée pour s'en aller vagabonder dans les espaces déployés. Encore avant le match, le gaucher supplie son flanker de rester auprès de lui jusqu'à la fin de la mêlée. Au bout de la première, l'anxieux lui jette un cri de délivrance : "C'est bon Arnaud, tu peux aller t'amuser, il ne vaut rien en mêlée !" Comme un moment de bonheur !

Samedi 3 octobre

Gruissan, le vent, les flamants, les cormorans…La cité ne m'a jamais paru aussi belle qu'en ces premiers jours d'automne. Les deux quotidiens régionaux chantent la victoire du Maire aux Primaires des socialistes ; la Coupe de France par équipes regroupe un bon millier de triathlètes qui barbotent sur le canal entre le Port et l'étang avant de s'élancer sur leur vélo direction Narbonne et terminer à pied leur activité en bordure du vieux village : de vrais sportifs (ves) athlétiques, impressionnants par leur envie de se défoncer dans 3 épreuves si différentes. De plus, les temps étant pris sur le 3ème, il est indispensable de faire preuve d'un esprit d'équipe qui n'est pas sans rappeler curieusement celui du rugby.

A 16h30, Biarritz, un temps tenu en échec par les carences de son buteur et par la réussite insolente de Porical, atomise des Catalans curieusement absents des débats. Comme quoi, tout arrive, même chez les meilleurs. Par contre, qu'Harinordoquy nous garde des prestations semblables pour l'équipe de France. Déchaîné, l'enfant de Garazi !

En soirée, Albi poursuit sa croisade, courageusement, sans pleurer. Malgré un groupe plus que décimé, le SCA accroche Bourgoin mais perd le bonus défensif sur une faute de jeunesse. J'entends d'ici certains entraîneurs du Top 14 se lamenter si on les avait obligés à jouer 3 matchs en 8 jours et ils ont pourtant des effectifs largement supérieurs en qualité et en quantité aux frères Blachu. Nous souhaitons aux jaunes et noirs d'autres victoires identiques à celle remportée contre Bayonne. Ce soir-là aussi, tous les bien-pensants ont crié au scandale oubliant de mettre en avant la qualité des mauls albigeois que les Basques se sont avérés ( ?) incapables de contrer alors qu'ils auraient pu quand même se douter que leurs hôtes allaient mettre l'accent sur cette façon de jouer, méthode peut-être peu spectaculaire – je l'aime beaucoup, car très collective – mais pourtant très efficace avec la fin de l'autorisation des écroulements.

Dimanche 4 octobre

Il faut quand même trouver une solution pour rendre plus attractif ce championnat Espoirs. Aujourd'hui, le Stade Toulousain accueille le SUA. Sur la pelouse, une vingtaine d'internationaux de moins de 20 ans, le long de la main courante, Yannick Bru, Christian Lanta, Christophe Deylaud... et à peine une centaine de spectateurs dont une trentaine de copines de joueurs plus une vingtaine de copains, plus une quarantaine de parents, le tout sur un terrain annexe impersonnel, à une enjambée de la rocade. Côté FFR, on essaye de privilégier le lever de rideau et même le coucher des équipes 1 mais l'accouchement est difficile. Dans le monde professionnel, il y a les exigences de la TV, de l'échauffement des vedettes, de l'état de la pelouse, des salaires des agents de sécurité qui doivent arriver plus tôt... etc... C'est pourtant si beau un lever de rideau pour celui qui aime le rugby ! Et le rugby ce n'est pas seulement 30 équipes professionnelles.

Le Stade Toulousain fort en 1ère ligne, bien dans l'alignement (Ledevedec, Desroches puis Boukerou), puissant en 3ème ligne (l'Ex-agenais Thuery et d'Aram), efficace au niveau des trois-quarts (Bezy, Lamerat, Doussaint), domine la 1ère mi-temps : 24 à 8 aux citrons et la colonie de supporters agenais plus nombreux que les rouges et noirs de s'inquiéter. Malgré les recommandations de Michel Marfaing, les Toulousains se relâchent et le SUA du trio Barrau, Crenca, Gelez exécute une partition de haut niveau sous la houlette du duo Guitoune-Bales : 24 à 0 pour la deuxième période et pour les visiteurs, soit au final un cinglant 32 à 24. Joie chez les vainqueurs, tristesse des vaincus mais la valse des embrassades, la reprise des portables et la récupération des écouteurs calment vite tous ces excès. Gardons méfiance pour le match retour, c'est le mot d'ordre de Jean-Jacques Crenca. Le Stade n'a guère apprécié et un Stade revanchard, ça fait mal.

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