La chronique de Broncan (suite)

Par Rugbyrama
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Dans la suite de la chronique parue hier, le manager agenais Henry Broncan raconte le titre de champion de France Espoirs à 7 obtenu par ses poulains.

Vendredi 10 octobre

Une note de l'IRB, la veille de Bordeaux, nous avait mis la puce à l'oreille et le bourdon dans le crâne. La confirmation tombe sur M.O, de la main de Nicolas Zanardi et un coup de fil du fils passé la veille, à Marcoussis, par la journée coachs-referees – vous voyez que l'on peut se prendre pour Shakespeare – rajoute à mon désarroi : le maul est mort, mourant tout au moins. Les législateurs influencés par les médias télévisuels –le ballon doit être visible pour tous les... téléspectateurs ! – ont condamné cette épreuve collective magnifique, cette épreuve sans autographe, sans 3 étoiles, sans lumière, sans personne en avant, même pas le ballon. Certes, on objectera justement que celui-ci pourra revenir vers l'avant avant de prendre l'air mais nous serons quelques uns de déçus, nous qui imaginions des mauls qui dureraient 80' comme un gigantesque armée de l'ombre, pas une tête en l'air, bras serrés, petits pas, direction l'en-but conquis par tous : un très bon arbitre des années 80 à l'époque où l'essai n'était qu'à 3 points nous annonçait alors : "essai à 5 points !"

Dans son billet, Jacques Souquet retrouve un rugbyrama de 20 ans et se souvient des tables d'Hagetmau et de Lombez –les Samatanais ne vont pas être contents- l'En-but tartinait au foie gras et écopait le Madiran. Retour divin en Chalosse. Auparavant ça tartinait aussi mais grave sur la pelouse sous laquelle vers et grillons préféraient se terrer.

Samedi 11 octobre et dimanche 12 octobre

Nous voilà partis pour Bayonne avec 12 Espoirs, Pat Diniz et Loulou Campistron à la fois entraîneurs, soigneurs, administratifs et... chauffeurs des deux minibus : le souvenir d'une année de juniors à l'USA Mirande où le conducteur du car Claude Labriffe n'hésitait pas à jouer avec nous quand nous n'étions pas tout à fait 15 ! C'était notre temps des sans-papiers !

Nous n'avons pas eu de mal pour compter le groupe : les jeunes agenais aiment le rugby à 7 et c'est avec beaucoup de plaisir que le groupe a pris la route de l'océan. Deux jours à se retrouver ensemble autour de l'ovale. De mon côté, je retrouve mes protégés de la saison passée, Max Carabignac, Michel Denêtre et Sofiane Guitoune accompagnés de 3 Crabos Romain De Cottignies, Brice Dulin, et Mathieu Lamoulie, 2 Reichels Lilian Balangué et Lamssrine, 3 Espoirs Mathieu Khalfi, Thierry Guibert et Ludovic Bevilacqua, et enfin, l'arrière fidjien Taniela Rawaqa en mal d'adaptation sur les bords de Garonne mais si heureux de pouvoir évoluer dans son rugby de prédilection. Je crains un peu pour nos performances à venir car la poule s'avère particulièrement ardue avec au programme l'Aviron Bayonnais tenant du titre, le Stade Toulousain conduit par Michel Marfaing, un gage de volonté de réussir, Bourgoin et Montferrand, deux des meilleurs centres de formation. Dans l'autre poule, Montpellier, Montauban, Toulon, Racing-Métro et Mont de Marsan. Au total, dix grands clubs du rugby français dont 2 seulement opèrent en D2. Sur les bords de la Nive on ne connaît que Jean Dauger et Loulou qui n'a guère évolué qu'entre Durance et Monflanquin, a du mal à trouver la Floride, pas celle de Miami mais d'un petit stade coincé contre une ligne de chemin de fer ; nous croyons arriver en retard. En fait nous sommes les premiers à découvrir une pelouse intermittente où les cailloux combattent les graviers ce qui n'empêche pas les moustiques de se multiplier, ruisseau à proximité, soleil lourd d'octobre oblige. Mes vieilles jambes cherchent en vain un coin de tribune, à défaut une modeste banquette pour se relaxer. Quand à ma gorge sèche, en quête de buvette, elle devra se contenter d'avaler les insectes déchaînés. Drôle de façon de vouloir promouvoir une discipline pour laquelle l'Hexagone ne se passionne guère mais qui, pourtant, est bien notre seule chance d'introduire le rugby au Jeux Olympiques.

Mes garçons, encore jeunes, encore humbles, ne se plaignent pas des conditions matérielles ; ils n'ont qu'une envie, celle d'en découdre avec leurs rivaux prestigieux. L'ASM, malgré Lapandry – à surveiller quand la caisse sera remplie – et Radosaljevic –après qui je cours depuis 3 ans mais qui devra s'affiner pour s'affirmer – est la première victoire de cet enthousiasme 24-0. Le Stade Toulousain fort des Swanepoel, Du Toit, Lamera et d'Aram revient à 17 à 17 mais s'incline en fin de match 31-17 sur un exploit personnel de Brice Dulin puis sur une course rageuse de Lamssrine, un 3ème ligne en tutorat avec Lavardac, repéré par Francis Porte, retenu au dernier moment et qui ne craint ni les cailloux, ni les moustiques... ni les Stadistes ! L'Aviron Bayonnais est beaucoup plus difficile à manoeuvrer : le demi de mêlée Lopes va vite, mais que ce fut difficile. A Bourgoin, si on ne fait pas le quintal, on ne peut pas jouer mais à ce sport, les kilos sont parfois un handicap. Certes Michel Denêtre souffre en pilier et Lilian Balangué au talonnage. Nonobstant Thierry Guibert file deux fois à dame, les crochets de Taniela désorientent les grenats aux pas lourds 42-14 au final.

Quelques craintes pour une soirée festive dans le Petit Bayonne mais non, les "petits" veulent le titre. Le trio Sofiane, Max, Michel en manque de reconnaissance, veut décrocher le Bouclier.

Pour les phases finales, le dimanche, déménagement aux pieds des remparts où un terrain synthétique a découragé enfin les moustiques. Toujours pas de buvette, encore moins de banda, confidentialité de circonstance, pas une affiche en ville. Seul le repas de midi placé sous l'égide du nouveau Président de la fédération française de rugby, M. Camou, a rassemblé un court instant les participants et leur encadrement mais comme chacun veut se préparer pour les rencontres de l'après midi nous n'avons ni le temps ni l'envie de communiquer longuement. La soirée précédente aurait constitué un meilleur choix mais décidément tout respire le bâclé. Cependant les plaisirs de la table –un repas très convenable : présence des édiles oblige ? – me permettent de rencontrer les deux responsables du Racing : un Vicquois et un Fleurantin devenus parisiens –nous sommes plus envahissants que les Auvergnats ! -

Demi finale contre Montpellier entraîné par Tissot. Brice Dulin avec l'insouciance de ses 18 ans provoque la différence : 17 à 0 et comme le Stade Toulousain a battu le Racing, nous revoilà contre Michel Marfaing. Les duels renouvelés, en équipe deux, Espoirs, Reichels, etc... contre le plus grand club de France, du temps de Lombez –et oui nous rivalisions avec eux à ce niveau-là- puis d'Auch et enfin d'Agen ont créé des liens d'amitié avec l'ensemble de l'encadrement stadiste. Nous aimons bien nous taquiner et j'estime bien leur homme à tout faire, depuis près de 3 décennies, l'infernal Jojo. Je l'apprécie depuis que je l'ai vu, en pantalon de ville et chaussures vernies, repêcher un ballon de son équipe, dans notre Savère, là où en général, les formations visiteuses abandonnaient leurs ovales que nous repêchions, dans la semaine, pour ajouter un capital de nos équipes de jeunes !

Lors de cette finale, le Stade Toulousain explose physiquement devant nos jouvenceaux. Décidément, la préparation physique d'Alex Desjardin pour les uns, de Gilles Laffitte pour les autres, les conseils d'Eric Bourdheil vendredi soir, le management impeccable de Pat Diniz, la complicité rassurante de Loulou Campistron, constituent un alliage qui nous rend invincibles 21 à 0 à la mi-temps – colère de Michel Marfaing - 42 à 0 au trille final – admiration de Michel Marfaing -.

La joie explose : Max est désigné meilleur joueur du Tournoi, Sofiane reçoit le Bouclier dont d'abord la corde casse et ensuite la plaque se détache. Rien ne sera épargné mais la victoire détruit les ressentiments. On cherche un pot final : "Rentrez chez vous". Mais rien n'affectera notre allégresse. C'est au Guernica, le mal nommé que nous fêterons la victoire avant de reprendre le chemin du Lot-et-Garonne. La forêt landaise arbore ses plus beaux atours.

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