La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez la chronique d'Henry Broncan. L'entraîneur d'Agen revient sur le dénouement du Pro D2 et la performance de Mont-de-Marsan.

Dimanche 15 juin

A partir de Gruissan, par St-Pierre la Mer, les Cabanes de Fleury et Vendres, je rejoins à travers vignes, étangs, graus et roseaux, par-dessus l'Aude, le stade de Valras - trop de grillages - où les lot et Garonnais de Lacapelle -Biron affrontent en demi-finale de Promotion Honneur les Isérois d'Echirolles. Les Capelains de Christian St-Béat ont envahi les tribunes de rouge et blanc : tout le village - 450 âmes - est venu porter son équipe alors que les supporters des bleus se comptent à peine sur les doigts des deux mains. Cela n'empêche pas les Alpins de démarrer la rencontre pied au plancher dans le sillage d'un excellent numéro huit d'autant que l'habituel bon buteur des riverains de la Lède ne peut régler la mire à 3 reprises : 16 à 5 aux citrons un peu amers pour nos protégés. Malgré l'écart on sent pourtant que les menés ont le potentiel pour revenir : plus jeunes, plus alertes, plus vifs. Il suffit d'ajuster quelques passes. Dans les tribunes, à mes côtés, 3 amoureux du rugby : un de l'ASBH - Ah ! ce match contre Tarbes ! - un autre de Pontarlier - nous montons en Fédérale 2, "bonjour à Laurent Lubrano qui a joué chez nous"  - un de l'USAP - "vivement Marseille et bonjour à Didier de Vitry"   - se plaisent à louer la qualité du jeu, la correction des débats et l'ambition des deux équipes. Dans ce contexte, les Capelains refont surface, égalisent à 16 partout, passent devant à la 77e - un junior est venu apporter son pied - mais une intervention de M. Suan, juge de touche habitué des divisions professionnelles, permet aux Isérois d'égaliser et d'imposer des prolongations par ailleurs méritées et même souhaitées par mes voisins qui continuent de se régaler.

Malgré la pluie qui se mêle de la partie, avec les encouragements de leur forte colonie et de leur Président du Comité Jacques Laurans , les poulains de John Killingley - un coach de sa Gracieuse Majesté, rien de moins ! - poursuivent sur le même tempo : 29-19, des chants et des rires d'un côté, des larmes de l'autre, la haie d'honneur des vainqueurs aux vaincus, un jeune et excellent arbitre du Languedoc salué par tous ; les danses et les chants envahissent la buvette. Dimanche, attention aux basques de Bidart, peut-être sur un terrain du Gers ; il ne faudra peut-être pas rejouer au lièvre et à la tortue.

J'apprends que le LOU est tombé à Guy Boniface et c'est sur l'insistance de mon ami Georges que je me rends dans le camp des "non-textiles" de Sérignan pour regarder Racing-La Rochelle ; le temps frais et un crachin digne de la Bretagne n'incitent guère à la dénudation : quelques courageux cependant. Sur Colombes, par contre, c'est chaud : un match de TOP 14, bien pris en main par Vakaola et au pied par Wisniewski ; d'abord une promenade de santé pour ceux de Pierre Berbizier sauf que du côté des Charentes-Maritimes, historiquement, on ne lâche rien : Benjamin Ferrou intenable et Rémi Vaquin enfin sur le terrain, secouent les cocotiers fidjiens et samoans ; Florian Ninard y va de son essai dominical. 17-17 à l'heure de jeu. Le métier des Pichot, Auradou, Raiwalu et Dubois remet les ciel et blancs sur la route des étoiles. Dimanche, à Limoges, le Stade Montois ou le Racing Métro auront rendez-vous avec l'Elite.

Sur le match d'hier soir, nous avions peu à faire.

Jeudi 19 juin

Obligé de quitter Gruissan pour regagner Agen. Malgré la pluie - tout lundi - malgré le vent - tout mardi - j'ai du mal à m'éloigner de la Tour Barberousse, de Notre Dame des Auzils et de la plage des Clalets... Hier, le VTT m'a tué jusqu'à l'Ile Ste-Lucie aux portes de Port La Nouvelle. Ce matin, au Joffre, mon copain, l'ex-treiziste de l'USC, m'a vanté tous les mérites des Dragons : "Ils savent raffûter avec une main et passer dans le dos avec l'autre ; leur jeu au pied est millimétré ; ils courent tous davantage que les quinzistes ; Marcel Brutus est plein ; les quinzistes doivent s'inspirer de ce jeu, etc... Vous, les entraîneurs du XV, vous n'en tenez pas suffisamment compte..."

Vendredi 20 juin

Le vent de Gruissan est excellent pour chasser les idées noires. C'est donc avec plaisir que je retrouve Armandie. Une journée passée au contact de l'Association. Des difficultés comme toutes les "assos" de France mais Vivi, Gérald, et Gilles sont des battants. Francis est parti avec l'équipe de France des Cités et lundi, je vais aider Christian Lagarde du côté de "Drop de béton".

Samedi 21 juin

Il y a des jours de pur bonheur d'autant qu'il est inattendu. D'abord, au lever, c'est enfin un beau ciel bleu et un soleil divin sur Armandie et Garonne. C'est vrai que le premier jour d'été vient d'arriver.

Direction Bergerac où se tiennent les assises du Comité Périgord-Agenais. Tous les "petits clubs" du 24 et du 47 sont là, d'abord pour les discours, salle René Coicaud, ensuite pour la fête chez Anatole France. L'occasion de découvrir St-Vite, Lanquais, Castelmoron, Prigonrieux, Excideuil, St-Romain, etc... Des femmes - de plus en plus - et des hommes, le rugby chevillé au corps, inquiets toujours : manque de temps, de bénévoles... d'argent ; en fait inquiets parce qu'ils aiment leurs clubs comme leurs enfants et que l'avenir de ses "petits" inquiète toujours même s'ils sont centenaires. A la tribune, Jacky Laurans et son équipe valorisent l'augmentation du nombre de licenciés, la diminution des cartons jaunes et rouges, la baisse du prix des licences, la répartition des bénéfices de la Coupe du Monde, la construction d'une cinquantaine de terrains synthétiques, etc... Une grosse "pique" à mes amis d'Issigeac dont un des vieux joueurs s'est rendu coupable d'un geste impardonnable sur un arbitre du P.A. Je suis heureux que ce club, d'abord interdit de compétition pour 2008-2009, ait bénéficié de la clémence du Comité Directeur. Il y aura du rugby dans le bourg fortifié la saison prochaine. Richard Bohringer qui a tourné "La Soule" en y multipliant les 3èmes mi-temps peut être rassuré.

Sur la scène, à l'heureuse initiative de Michel Gouzon, "Les Années Boum", un groupe de chanteurs danseurs - 9 filles et garçons - venus de Peyrehorade, - on sait tout faire au pays de Gaston Dubois - va dérider les derniers grincheux. Dans ce genre de manifestation, je plains toujours les artistes : chaque convive, quand il n'a pas le nez plongé dans sa fourchette, raconte sa vie à ses voisins, commente son recrutement, avance sa blague à deux sous, refait son monde et n'écoute personne d'autre que lui... Faux, au banquet du P.A ! L'assistance est subjuguée par la qualité du spectacle, le dynamisme des acteurs, l'harmonie de la mise en scène. On reprend les refrains, on se plait même à se lever pour danser, on applaudit chaleureusement.

Les applaudissements les plus nourris ? Il faut quand même les adresser au Stade Montois pour le délice qu'il nous a réservé dans l'après-midi. Tant pis pour les débordements hors norme de Nalaga mais l'exploit et la meilleure pub pour la D2 sont venus de Limoges : le plus petit budget - 2,4 M d'euros - a donc coulé le gros - 9,9 M d'euros - pour rejoindre, à moindre frais, la troupe de Boudjellal dans le TOP 14. Je pavoise : une équipe de rugby, même démunie financièrement mais nantie d'une âme, de ce supplément d'âme forgé dans les difficultés de la saison précédente - la Fédérale 1 lui a longuement tendu ses griffes - a donc montré aux puissances économiques que notre sport peut encore échapper aux logiques de l'entreprise. Deux étrangers - il en faut - contre douze chez les Parisiens dans le quinze de départ ! Une victoire - excusez-moi - à "l'auscitaine" - Quel orgueil ! - puisque cinq landais ont porté le maillot de mon pays !

Nicolas Etcheverry, ce gaucher qui ne fait chanter aucun droitier de l'hexagone - sauf peut-être Anthony - formé au pays des piliers, en terre basque, chez Usandisaga, champion de France Espoirs en mai 2007, avec le FCAG. A l'intersaison, j'avais dit à Marc : "Prends-le, il ne te décevra jamais et il ne te cassera pas les oreilles." Et pourtant, je lui ai toujours préféré Montanella, Barcella et même le vieux Marty !

Jérôme Dhien, le capitaine, a évolué chez nous, en 2000-2001, année où j'avais été relégué Directeur Sportif de l'Association. Un poste peut-être en retrait mais où j'avais beaucoup appris. Malgré les difficultés qu'avait connu le secteur pro, j'avais pu lier d'excellentes relations avec Jérôme d'autant que son père, isérois lui aussi, avait gardé de cuisants souvenirs de confrontations Voiron-LSC à ne pas raconter aux enfants. Nous nous revoyons avec plaisir... sauf lors de l'après match du 30 mars dont le final m'a rappelé... le début des rencontres dont je parle ci avant.

Lionel Duthil a quitté le Gers pour retrouver les pins à la faveur de la possibilité d'un poste de joker médical. En juin 2006, grâce à Jean-Pierre Constiaux, mon agent fidèle - je remercie d'autres agents qui se prosternaient devant moi du temps de ma "splendeur" et qui m'on vite lâché en période de disgrâce - j'avais déraciné ce pur landais de son St-Vincent de Tyrosse. Même sa copine - belle, intelligente, presque aussi gracieuse que ma voisine - avait dû l'accompagner pour officier dans une pharmacie gersoise. Je devine leur joie d'avoir pu, en cours de saison, retrouver l'air du pays. Et voilà, un Lionel revigoré qui, à la 53e, nous lâche Pichot trop lourd, Vakaola et Bobo, la tête dans les îles.

Yannick Lafforgue, même s'il a été formé à Nice, est un gersois : mère lombézienne, père auscitain - la belle union - oncle entraîneur du LSC puis du FCAG. Pas de quoi obtenir un statut privilégié de mon côté "Qui aime trop châtie trop !" . Il a souffert auprès de moi. J'étais allé le chercher à Béziers, ayant en mémoire un surdoué, en benjamin et en minime qui venait illuminer les parties à toucher de la Cité des 3 Rois. Les jaunes et noir, Marc et Stéphane, ont su lui donner la confiance que je lui refusais.

De tous les cinq, mon émotion bat un peu plus fort pour Bénat, étonnant numéro neuf en première période, sorti pour cheville défectueuse aux citrons. Bien que champion de France 2004 à Pau, contre Bayonne, ce titre ne peut effacer les affrontements entre deux forts caractères pendant deux saisons. Je me souviens l'avoir fait pleurer dans un vestiaire de Marmande aux débuts de notre liaison. Par la suite, ce grand sensible - il cache son cœur derrière des tours pendables - a su me résister. Il s'est d'ailleurs bien vengé en m'abandonnant à l'été 2004, pour suivre sa compagne dans la région parisienne. Ensuite, il n'a pas oublié de nous châtier, le 1er décembre 2007 à Guy Boniface : à cause de lui, nous sommes restés 2 heures dans les vestiaires. Enfin, le 30 mars 2008, à Armandie, ses cinq coups de pied nous ont enfoncé dans la crise et m'ont précipité vers la sortie ! Au soir de la finale 2004, profitant de mon absence - les grandes joies font parfois plus de mal que les peines les plus profondes - il avait fait, pour les supporters auscitains, une imitation de son coach, parait-il, mémorable ! Ce soir, je lui adresse le texto suivant : "N'oublie pas d'imiter Marc !"

Réponse immédiate : "Merci Henry, ça me fait plaisir, à bientôt COACH."

Pardon aux Agenais de parler de victoire à l' "Auscitaine" ; on peut dire aussi à l' "Agenaise" : Damien Cler, Romain Lauga et Jean-Marc Mazonnetto -formé à Lectoure, quand même - ont porté longuement la tunique bleu et blanche. François Tandonnet, l'enfant de Moirax, actuellement blessé, a participé au renouveau. Ne pas oublier les deux coachs, eux aussi ex-SUA, les "beaufs" Marc Dalmaso et Stéphane Prosper.

Un mot quand même sur José Suta, pas d'Auch ni d'Agen : le match que nous a sorti le Wallisien ! Il devait bien y avoir quelque mauvaise langue se croyant forte d'affirmer : "Il s'en va au Racing... Il voudra que le Racing monte !". Quel formidable démenti apporté à ces "toquards". Eric Blanc avait cru bon de m'interroger sur lui dès l'été dernier et je lui avais répondu que c'était la meilleure affaire qu'il pouvait réaliser.

J'espère que tous mes joueurs du SUA - ai-je le droit d'écrire tous mes dirigeants ? - ont vu la rencontre. Magnifique leçon qu'on nous a donné cet après-midi, en adéquation totale avec le discours que j'ai voulu leur tenir tout au long de la saison et dont certains se sont gaussés. Le Stade Montois nous fournit la preuve aveuglante qu'une équipe de rugby, c'est d'abord beaucoup d'amour, de travail, d'humilité, de remises en question. Bien sûr, 2008-2009 sera rude et j'entends d'ici les réflexions ironiques des jaloux de tout poil mais la joie d'aujourd'hui, personne ne peut leur ravir et je me permets de la partager un peu avec eux.

D'ailleurs dès la fin de leur match, mon ami d'Auch, Gérard Lacrampe dans un SMS : "Quel beau moment de rugby offert encore par la PRO D2. Une fois de plus l'esprit de groupe a prévalu. Il reste encore des groupes d'hommes porteurs des valeurs d'humilité, d'amitié et de solidarité."

Du pur bonheur, je me répète.

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