Ducalcon, repris de justesse

Si le Castres olympique n'avait pas traîné ses guêtres dans les bas-fonds du classement durant l'intégralité de la saison, il ne fait nul doute que l'heure de Luc Ducalcon soit arrivée plus tôt. Car à Castres, tous les observateurs, dirigeants, entraîneurs, partenaires, concierges, boulangers et autres artisans-maçons sont unanimes : "Lucho" méritait d'être sélectionné pour cette tournée en Nouvelle-Zélande et en Australie. Sa convocation avec France A leur apparaissant plus comme un os à ronger que comme un tremplin dont il n'avait, franchement, pas besoin. "Cela me tue qu'il n'ait pas été sélectionné pour la tournée du XV de France" , nous avait soufflé en semaine, au détour d'un café de Bucarest, son partenaire au Castres olympique Rodrigo Capo Ortega. "S'ils ne le prennent pas maintenant, qu'est-ce qu'il faut qu'il fasse pour être appelé ?"

Il est vrai que cette saison, ce fils de militaire antillais venu seulement au rugby en Crabos, à... l'aile de l'US Tours a proprement explosé, après plusieurs saisons passées à bourlinguer, de La Rochelle (où il se forma au poste de pilier droit) à Narbonne. "Je suis à des années-lumière de mes débuts en pro à Narbonne , se satisfaisait-il récemment. Tout me paraît plus simple, je trouve plus facilement mes repères avec mes partenaires, mes vis-à-vis. Le fait d'avoir pu enchaîner les matchs avec mon club y est probablement pour quelques choses." Enchaîner, le mot est faible... Sur les 32 matchs joués cette saison par le CO, Luc Ducalcon accuse 26 participations dont 22 titularisations. Un bilan de cadre, proprement incontournable. Et pour de bonnes raisons. A droite de la mêlée tarnaise, Luc Ducalcon a largement contribué à son bon rendement, qui en fit l'une des quatre meilleures de France avec celles de Biarritz, Toulouse et Bourgoin.

"Je ne pense pas jouer"

Mais pas seulement. Car c'est aussi dans le jeu courant que les qualités physiques extraordinaires du garçon se révèlent, notamment sa capacité à avancer à l'impact, cela même en prenant le ballon arrêté. Un dynamisme et une puissance pure qui firent également des ravages avec France A. Lors de ses deux titularisations, Ducalcon fut rien moins que l'un des tout meilleurs français. Et comme la chance finit toujours par sourire à ceux qui veulent bien la provoquer, c'est à l'issue de la "finale" de la Coupe des Nations contre l'Ecosse A, de retour à son hôtel, que Luc Ducalcon apprit de la bouche de son encadrement la bonne nouvelle. A savoir cette convocation pour l'Australie, en remplacement du pilier clermontois Thomas Domingo. "C'est incroyable", soufflait-il, encore abasourdi et quelque peu gêné par les chambrages légitimes de ses partenaires de France A. "Je ne pense pas qu'ils m'appellent pour jouer, plutôt pour couvrir une éventuelle blessure. Du coup, je ne vais même pas rentrer chez moi."

En effet, parti lundi de Bucarest, Luc Ducalcon passa la nuit à Paris avant de s'envoler le lendemain pour le bout du monde. Au grand désarroi de tous ceux qui l'attendaient à son retour de Roumanie pour des vacances bien méritées... Même si c'est pour la bonne cause. "Ce que je vais faire maintenant ? Me gaver de somnifères, et d'ores et déjà tâcher de prendre le rythme horaire australien" rigolait-il à l'aéroport de Bucarest. Même si rattraper huit heures de décalage, qui plus est après avoir participé à trois matchs en huit jours, pour 180 minutes jouées, défie les limites de résistance du corps humain. D'où la légitime question de la nécessité de cette convocation, qui plus est pour probablement regarder Australie-France depuis les tribunes Interrogation dont on laissera à Marc Lièvremont le soin de répondre. Car pour l'heure, Luc Ducalcon est bien à cent mille lieux de se la poser...