La cuillère de bois

"Quatre ans de plus. Et rien n'a changé. Quarante-huit matchs de plus pour, au final, revivre la même désillusion, éprouver la même tristesse. Et déplorer le même néant. 2003-2007. Deux échecs. Deux éliminations en demi-finale face à l'Angleterre. Un adversaire solide mais limité, organisé mais prévisible. Et pourtant..."Le Figaro ne cache pas comme toute la presse hexagonale son désarroi, sa déception suite l'élimination en demie des Bleus après les nombreux espoirs nés à Cardiff et l'exploit face aux Blacks.

Leurs comptes en banque seront crédités de 80.000 voire 110.000&euro selon qu'ils terminent quatrième ou troisième du Mondial (La Dépêche du Midi vendredi). Pourtant, les Bleus ont bien signé un chèque en bois au peuple de France qui croyait à plus de "85% en leurs chances de victoire". Un chèque sans provision que L'Indépendant du dimanche attribue au "syndrome de la décompression".

Dès l'exploit de Cardiff, les plumes tentaient de tirer le signal d'alarme : "Gare à ne pas commettre les mêmes erreurs qu'en 87 et 99 et des exploits sans lendemain", martelaient en substance tous les journaux de France. Les Bleus de leurs côtés y allaient de leurs affirmations : "Pas deux fois dans le même piège."

Mauvaise stratégie

Mais les titres qui ont commencé à fleurir dès ce dimanche printanier venaient comme autant de preuves que décidément, non, les Bleus ne parvenaient pas à enchaîner les gros matchs. Et c'est toute la faillite du système Laporte qui est stigmatisé : "Après la défaite, le coaching de Laporte est mis en cause", titre en Une le Nouvelobs en ligne qui laisse rarement la place au rugby même dans les plus grands moments. La proximité de l'entrée au gouvernement de Bernard Laporte comme secrétaire d'état aux sports, ne doit pas être étrangère à cette recrudescence d'intérêt. Midi Olympique informe d'ailleurs que Bernard Laporte sera "au ministère dès le 22 octobre avec un déplacement à Madrid dès le 23".

Sa stratégie sera-t-elle meilleure que celle mise en place pour affronter les Anglais ? En effet, ce fut "une stratégie qui ne fait pas l'unanimité des joueurs" (Midi Olympique ). "Les pieds devants," s'exclame Libération qui enchaîne : "Peut-être le futur secrétaire d'Etat aux Sports aurait-il surtout dû rappeler à ses hommes que le rugby se joue aussi à la main (d'autant qu'il n'a jamais été dans la nature des Français de briller au pied) et que la prise de risques peut parfois se révéler payante, ainsi que l'a démontré l'arrière anglais, Jason Robinson."

Mais si Joe Worsley n'avait pas fait une cuillère à Vincent Clerc, les Bleus seraient certainement en finale et rien de tout ça ne serait écrit... D'où cette "grande désillusion" (Midi Olympique) qui est tout simplement "rageant[e]" pour le JDD et Le Parisien du dimanche. Le réveil a été très difficile dimanche pour la presse nationale et euphorique pour les confrères d'Outre-Manche. "Et si, s'interroge Libération, au-delà de sa stratégie déplorable, le XV de France avait péché physiquement." Comme Vian le chantait, "fais moi mal Johnny". Là il n'y pas de "h" qui se balade, mais c'est bien dans ce titre que le JDD trouve son inspiration pour mettre en exergue la très belle performance de Wilkinson, comme une explication plus que probable de l'échec des Bleus.

Les Tricolores sont d'ailleurs en train de boire le calice jusqu'à la lie avec l'annonce dès dimanche soir de la citation à comparaître de leur star Sébastien Chabal pour plaquage dangereux sur Shaw.

Quel successeur à Laporte ?

Bernard Lapasset ne veut pas "faire dans le franco-français" (rugbyrama.fr), la presse s'en charge pour lui ! Après les analyses et les coupes sombres, l'autre question centrale de ce début de semaine est "qui pour succéder à Laporte ?". Pour Midi Olympique, la chose semble acquise : "Qui avec Saint-André ?" De son côté, La Dépêche du Midi se veut formel : "Saint-André, la fausse piste". Alors les noms de Patrice Lagisquet, de Guy Novès reviennent dans les spéculations. "Du changement en perspective", avance avec grande perspicacité Le Figaro pour qui Saint-André fait aussi figure de favori. Mais en attendant de savoir qui sera à la tête du XV de France, s'ils seront un ou plusieurs. "Les vétérans tirent leur révérence" (Le Figaro). Après le match de la troisième place, ce sera en effet, "la fin d'une aventure", pour certains Bleus (Midi Olympique ). Personne en France ne pensait à une telle issue pour les joueurs du XV de France. Tout le monde voyait un 1998 bis avec descente des Champs Elysées et projections des visages de joueurs sur l'Arc de Triomphe...

Au fait, à la BBC Online, Jonny Wilkinson avoue "avoir eu peur au moment de passer la pénalité à cinq minutes de la fin. "C'était éprouvant pour mes nerfs," a-t-il confié". Et pour tous ceux des Français alors ? Dernière petite information, ce sont les Sud-Africains qui affronteront les Anglais en finale de la Coupe du monde de la France.