Deux arbitres sur un terrain ?

Par Rugbyrama
  • Arbitres Lionel Nallet 2010
    Arbitres Lionel Nallet 2010
Publié le Mis à jour
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Alors que les Tri-Nations viennent de débuter, le staff néo-zélandais a relancé le débat sur l'arbitrage en proposant que deux directeurs de jeu officient, l'un après l'autre, durant chaque rencontre. Interrogés à ce sujet, les spécialistes français ne sont pas convaincus.

La presse néo-zélandaise s'en est largement fait l'écho. Le sélectionneur Graham Henry et son adjoint Wayne Smith ont relancé le débat sur l'arbitrage ce mardi, en proposant notamment qu'il y ait deux arbitres de champ sur chaque rencontre. "Pas en même temps, le second remplacerait le premier à un moment opportun du match, vers la 50e ou 55e minute", a expliqué Henry. Selon lui, cela "permettrait d'avoir deux arbitres de qualité qui pourraient coller un maximum au jeu". "Je pense qu'il faut réfléchir à quelque chose, a-t-il ajouté. Le jeu va de plus en plus vite, le ballon est porté de plus en plus longtemps par les équipes alors il faut que des décisions justes soient prises. Sinon, ça devient frustrant pour ceux qui jouent, qui entraînent et qui regardent le match".

Jutge : "Un problème de cohérence"

Le dernier match des All Blacks, victorieux de l'Afrique du Sud samedi (32-12), a été entaché d'une obstruction sur Botha, puis d'un coup de tête de ce dernier, qui n'avaient pas été vus, ni par Alan Lewis, ni par ses juges de touche. Du coup, la polémique a été relancée. Et la proposition d'Henry a pris tout son sens. L'ancien arbitre international Joël Jutge, aujourd'hui adjoint à la DTNA, ne pense pas qu'il s'agisse d'une bonne solution toutefois. Selon lui, son application engendrerait un problème majeur : celui de la cohérence. "Les entraîneurs et les joueurs en demandent beaucoup, et tout au long de la partie, c'est normal. Or, il est déjà difficile d'être cohérent 80 minutes durant pour un seul et même homme. Le rugby fait référence à des règles mais il est aussi beaucoup question d'interprétation. Ajouter un deuxième arbitre amènerait forcément une interprétation différente et pourrait nuire au jeu."

Au-delà de la cohérence, Michel Lamoulie, superviseur des arbitres auprès de l'IRB, pose lui la question de la "sensibilité" des arbitres. "En entrant en jeu, le deuxième arbitre sera "imbibé" de ce qu'il a vu en tant que spectateur et il se peut que des réactions subjectives naissent. Je pense par exemple au coup de tête donné par Botha en début de match. Il n'a pas été vu par l'arbitre de champ mais un arbitre qui serait censé le remplacer l'aurait noté, lui, et cela aurait pu l'influencer, inconsciemment bien sûr. D'ailleurs, M. Lewis a lui-même été influencé, par les vociférations du public notamment. Il a sorti le carton jaune contre Botha peu après (13e minute, ndlr) alors qu'il n'y avait pas faute."

Le physique en question

Derrière ces interrogations pointe un vrai problème de fond : celui de la condition physique des directeurs du jeu. Wayne Smith leur a explicitement demandé de se remettre à niveau : "Tout comme les joueurs, les arbitres vont devoir s'assurer qu'ils sont au point physiquement." Joël Jutge va dans son sens: "Je rejoins le staff all black sur le fait que le jeu aille de plus en plus vite et que l'IRB doive se montrer extrêmement exigeante concernant les qualités physiques de ses arbitres professionnels. Il y a incompatibilité entre expérience et condition physique. A 50 ans, on est rarement plus en forme qu'à 35 ou 40 ans". L'IRB se dit "très attentive", les arbitres étant testés régulièrement. Munis d'un GPS durant les matchs, ils voient leurs performances athlétiques systématiquement décortiquées et des rappels à l'ordre interviennent parfois.

Le problème continue de se poser toutefois. Michel Lamoulie en convient : "Samedi dernier par exemple, il y a eu des incohérences évidentes, au niveau des en-avant plus particulièrement. Les lignes de course étaient en cause. Et ça, c'est dû à un mauvais placement ou à une mauvaise condition physique. Le problème à l'heure actuelle, c'est que des conditions physiques insuffisantes peuvent être masquées par l'importance qu'ont pris les juges de touche. " Du coup, de nouvelles solutions sont envisagées. Michel Lamoulie, lui, se place depuis de longues années en fervent défenseur de l'arbitrage à deux... mais en même temps, avec un directeur de jeu de chaque côté du terrain. "Ça a été testé en 1995 à Stellenbosch et ça fonctionnait très bien, assure-t-il. On a vu que cela diminuait le nombre de pénalités sifflées et créait des espaces. Mais il y a toujours des réticences... J'en ai reparlé il y a peu avec Paddy (O'Brien, patron des arbitres à l'IRB, ndlr) et il m'a répondu que c'était difficile à mettre en place. On en discute." Le débat n'est pas près de se clore...

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