Histoire – La longue saga des Harlequins, club de l’Ouest londonien

  • Les Harlequins affronteront Toulouse ce dimanche en demi-finale de Champions Cup.
    Les Harlequins affronteront Toulouse ce dimanche en demi-finale de Champions Cup. PA Images / Icon Sport - Adam Davy
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Le club fondé en 1866, renommé en 1870 au pifomètre, a toujours incarné la crème du rugby anglais avec une grande richesse, son maillot reconnaissable au premier coup d’œil.

Les Harlequins ont une richesse, ce maillot si particulier, divisé en quatre parties égales de différentes couleurs. Pour toute une génération, celle de l’avant Coupe d’Europe, il fut longtemps la seule image du rugby de club anglais qui parvenait en France. Ce maillot fut l’un des premiers à avoir été commercialisé dans les années 80 tissé dans un coton bien épais. Cette tunique bariolée reste encore la carte de visite du club londonien, une vraie marque, un emblème, même s’il a cédé comme les autres à la mode des maillots « bis » et « ter » pour « enrichir » son offre commerciale.

Le club des Harlequins a toujours incarné le rugby de Londres, celui des beaux quartiers (la zone de Richmond) et des joueurs venus de milieux plutôt aisés chapeautés par des dirigeants bien introduits dans les instances. On l’a souvent associé directement à la RFU, tout ça parce qu’elle lui permit longtemps de jouer à Twickenham, le stade de l’équipe nationale, situé dans la périphérie ouest de la capitale. D’ailleurs c’est un Harlequins-Richmond qui constitua la première affiche de l’Histoire de Twickenham devant 2 000 spectateurs. On l’a souvent associé à la City de Londres, un club des milieux d’affaires, dérivatif de la jeunesse dorée. Dès les années 50 et 60, il faisait des tournées à l’étranger et recevait des équipes venues d’ailleurs, il affichait donc une certaine modernité. Si on cherche un parallèle, on pourrait en gros le comparer au Racing Club de France. À noter qu’il sacra un certain Jean Prat "membre d’honneur". Le capitaine du XV de France des années 50 y fut reçu en grande pompe dans la salle des trophées et fut très sensible à cet honneur.

Un nom trouvé par hasard

Mais paradoxalement, les Harlequins étaient nés assez loin de Twickenham, à Hampstead, un quartier résidentiel du nord de Londres. Le club s’appelait d’ailleurs basiquement, le Hampstead Football Club à sa naissance en 1 866. Mais en 1867, le club se divisa en deux factions rivales, celle de William Tichener et celle de William Allford. Le second partit avec la moitié des membres pour fonder un nouveau club, appelé les Wasps (les Guêpes, surnom imagé peut-être censé inspirer la peur des piqûres). Les cinquante pour cent restants portèrent trois ans l’étendard d’Hampstead avant de changer de nom en 1 870. Pourquoi ? Les historiens ne sont pas formels, mais ils supposent que les dirigeants ont voulu gommer toute référence géographique car le club n’avait pas de terrain bien défini. Mais pourquoi ce nom d’Harlequins, d’après Arlequin, le nom d’un personnage de la Commedia del Arte italienne ? Les dirigeants ont bien aimé ce nom tout simplement, pioché dans les pages du dictionnaire à la lettre « H » pour garder le sigle HFC qui était cousu sur les premiers maillots. Une fois le nom trouvé, le Jacquard de la tenue s’imposa naturellement.

Le Stoop, un écrin qui jouxte Twickenham

Dans le marais du rugby anglais de l’époque qui ne connaissait ni championnat, ni coupe, les Harlequins se sont imposés comme un club de premier plan. Question de tradition, de complicité d’anciens élèves de collèges où le rugby était pris très au sérieux. On trouvait des joueurs des Harlequins dans les premiers XV de la Rose qui affrontèrent la France dans les années 1900-1910. Ils ont envoyé des joueurs dans la majorité des tournées des Lions. En 1963, le club fit l’acquisition à une encablure de Twickenham de son propre terrain, baptisé Stoop Memorial, du nom d’Adrian Stoop, demi d’ouverture international puis président du club pendant 29 ans. Ce petit déménagement dans une enceinte plus modeste et plus chaleureuse que l’énorme nef de la fédération finit de fixer l’ancrage et l’identité de ce club, assez puissant et prestigieux pour capter une certaine élite du rugby de la capitale. Vedettes des années 80, Will Carling et Paul Ackford ou Peter Winterbottom jouaient au quotidien sous ce prestigieux maillot mais le public français l’ignorait.

Les Harlequins ont négocié correctement le virage du professionnalisme en se transformant en société privée contrôlée par divers actionnaires fortunés. Ils se sont maintenus peu ou prou dans la nouvelle élite un cran en dessous de Leicester, de Bath et des Wasps, leurs demi-frères. À une saison près (2005-2006), les Quins se sont maintenus en première division en recrutant des joueurs venus de l’Hémisphère Sud et quelques Français (Thierry Lacroix, Laurent Cabannes ou Laurent Bénézech). Le club se contenta de trophées solides mais secondaires, deux Challenge Cup en 2001 et 2004 et deux Coupes d’Angleterre (1988, 1 991). Il était toujours là, près du sommet mais sans jamais trouver la dynamique pour franchir les marches les plus importantes. Mais à la différence des autres clubs londoniens, les Harlequins ne furent pas obligés de déménager ou de se soumettre à des loyers prohibitifs (à la différence des Wasps, des London Irish ou des Saracens) , le solide patrimoine foncier du Stoop faisait la différence et sur le long terme, se révéla comme un vrai atout. Il a fallu attendre 2 012 pour voir les Harlequins champions d’Angleterre sous le commandement du troisième ligne Chris Robshaw et 2021 pour les voir récidiver avec la génération Marcus Smith (avec Danny Care et Joe Marler comme vétérans). Le Stoop s’était étoffé au fil des années et le club commença à revenir à Twickenham pour les grosses affiches. Soutenu par des mécènes discrets mais puissants (dont Ducan Saville et Charles Jillings), il est désormais une écurie solide, et brillante, les Bordelais en ont fait l’expérience en quart de finale.

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Les commentaires (2)
JJSSBLR Il y a 14 jours Le 04/05/2024 à 11:54

Oups... Monsieur Jérôme Prévôt, vous dites ci-dessus des Wasps : « les Wasps (les Guêpes, surnom imagé peut-être censé inspirer la peur des piqûres) »
Oui, les guêpes ça pique, mais vous oubliez une autre explication...
WASPS signifie aussi et surtout White Anglo-Saxons ProtestantS.
En 1867, date de ce « naming », le colonialisme britannique vivait de belles années bien rentables avec les richesses ramenées d'Inde, et on était en plein essor de la première révolution industrielle (dont les débuts de la machine à tisser).
L'aristocratie londonienne, mécène de ce nouveau club de rugby, montrait par ce nom bien parlant qui elle était...

Jojoce39 Il y a 13 jours Le 05/05/2024 à 00:08

Merci pour la rectification...