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Top 14 - Entretien exclusif. "À Toulouse, j’ai eu un mal-être", avoue Melvyn Jaminet (Toulon) avant de retrouver son ancien club

Par Mathias MERLO
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Avant de retrouver le Stade toulousain dans un choc à l’Orange Vélodrome, l’arrière international français, tout sourire, a accepté de se livrer avec franchise sur son départ et son bonheur d’avoir retrouvé son club formateur.

Après six mois, comment jugez-vous vos premiers pas avec Toulon ?

Je suis une courbe avec un temps d’adaptation et une intégration. C’est derrière moi. Je me sens bien dans la vie donc, forcément, je me sens bien dans mon rugby. Les choix me réussissent beaucoup plus sur le terrain, ce sont de bons signes. J’ai surtout envie de vous dire que je suis heureux à Toulon. Je ne veux pas remettre la faute sur le passé, mais je suis dans un environnement où j’ai retrouvé de l’épanouissement et de la confiance. Je suis venu pour évoluer en tant que joueur, avec les bons côtés de l’extra-sportif. J’arrête de me poser trop de questions. Je joue avec de l’insouciance. Tous les voyants sont au vert à Toulon et dans ma vie.

Vous étiez la priorité de Pierre Mignoni. Quelle place avez-vous dans le vestiaire ?

À mon arrivée, les leaders étaient en place. Sur le terrain, j’essaie d’apporter et de m’affirmer, notamment avec les ailiers. Je parle de plus en plus. Quand il y a des décisions stratégiques à prendre, les mecs me demandent mon avis. Ça me plaît d’être déjà proche de leaders comme Charles (Ollivon). À Bayonne, on a décidé à plusieurs de creuser l’écart en tapant les pénalités de loin. C’était un choix payant. À Toulon, on me donne des responsabilités. Je ne m’en suis jamais caché, ça me plaît. Ça suit son cours. J’ai pris de la confiance en butant, en étant numéro 1. J’aime avoir cet impact sur le match. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est ce qui m’anime. J’ai ça en moi. Je recherche cette adrénaline et cette pression. À Toulon, je suis redevenu moi-même. Contre La Rochelle, je n’avait pas été bon mais j’ai inscrit à mettre la pénalité de la gagne. Ça a été un petit déclic.

Être vous-même, ce n’était pas possible à Toulouse ? Le doute avait-il pris le pas ?

Je me suis posé beaucoup de questions. La saison a été dure avec mes blessures. Quand tu es blessé, tu vis à l’écart d’un groupe qui continue d’avancer. Je me suis alors demandé si j’étais utile, si je pouvais apporter quelque chose aux gars, si je me sentais bien et heureux. C’est un processus classique chez les joueurs blessés. Ça a joué sur mes performances quand je suis revenu. Inconsciemment, à Toulouse, j’ai eu un mal-être. Je n’irai pas jusqu’à dire une dépression, mais quand on est loin de ses proches, et même si tu as des équipiers, le temps est parfois long. Je tournais en rond dans mon appartement. L’extra-sportif a beaucoup compté dans mon retour à Toulon. Dans les moments durs, j’ai désormais mes proches à côté. Je suis de retour à la maison, et plus uniquement pour les vacances. Je suis libéré. Malgré mes difficultés, la saison dernière s’est bien terminée avec cette participation à la Coupe du monde.

Melvyn Jaminet a choisi de se confier longuement dans les colonnes de Midi Olympique.
Melvyn Jaminet a choisi de se confier longuement dans les colonnes de Midi Olympique. Icon Sport - Icon Sport

Pourquoi n’évoquez-vous pas le Brennus ?

C’est difficile de se sentir champion de France. Sur le papier, je le suis, mais quand on est compétiteur (il grimace)… Quand tu ne vis pas la phase finale, ni les trois-quarts de la saison, c’est compliqué de se sentir pleinement acteur. J’ai participé à faire évoluer les mecs. J’ai vécu ça avec eux, mais au fond de moi… Je pense que les joueurs peuvent le comprendre. Tu vis le titre, mais différemment. Mais je tiens à le dire, je n’ai pas été assez bon pour jouer.

C’est rare qu’un joueur le dise aussi clairement…

Je n’ai rien à cacher. Quand je ne suis pas bon, je n’ai aucun tabou à le dire. Je n’ai pas été performant. À Toulouse, je n’ai pas été moi-même. Quand tu casses un contrat de trois ans, oui, il y a une part d’échec. Je ne suis pas allé au bout de mes objectifs. Maintenant, je ne regrette pas mon choix d’avoir quitté le Stade toulousain. Je retrouve ce que j’étais venu chercher à Toulouse : une place parmi les leaders et du temps de jeu.

Champion de France avec le Stade toulousain, Melvyn Jaminet a pourtant du mal à le voir ainsi.
Champion de France avec le Stade toulousain, Melvyn Jaminet a pourtant du mal à le voir ainsi. Icon Sport - Scoop Dyga

Dans le bilan de cette aventure, avez-vous un regret ?

Comme je l’ai dit, celui de ne pas avoir été moi-même. Je me suis peut-être trop fondu dans le collectif toulousain. Avec ces joueurs extraordinaires, tu peux finir par te faire "bouffer" par le collectif. Je n’ai pas été en mesure de me surpasser individuellement. Je me suis trop fondu dans le collectif et ça ne m’a pas permis d’apporter ce que je devais. En revanche, j’ai appris en tant qu’homme.

Sur quels aspects ?

Quand il y a des décisions importantes à prendre et qui peuvent t’apporter sur tous les points, il ne faut pas attendre avant de faire un choix. J’ai eu de longues discussions avec mon agent et mes proches avant de venir à Toulon. J’ai hésité en me disant : "Ça va aller mieux ici, à Toulouse. ça va changer…" Finalement, j’ai rapidement senti au fond de moi que mon choix était fait. J’avais envie d’aller à Toulon. Je n’avais plus envie de me voiler la face à mon retour de Coupe du monde. Les dirigeants ont essayé de me faire changer d’avis, mais ils ont fini par me comprendre. Ce n’était pas un choix par défaut. C’était un choix qui m’appartenait. Je remercie d’ailleurs tout le monde, notamment Ugo (Mola). Le rugby moderne est fait de contrat et d’argent, mais ce n’était pas le plus important dans ma décision. Ce n’est pas ça qui m’a poussé à rentrer à la maison. Je savais que je ne pouvais qu’être heureux ici. C’est rare de pouvoir évoluer au haut niveau, avec les proches à proximité.

Avec Ugo (Mola), notre dernière discussion a été la plus belle

Lors de votre arrivée à Toulon, vous avez salué une dernière discussion franche et sincère avec Ugo Mola. Est-ce que votre mal-être est aussi né de non-dits ?

En cours de saison, c’est toujours difficile d’avoir des échanges. À un moment, je n’étais pas bien. Pour me relancer, il me disait que j’étais bien sur cet aspect et que ça rattrapait les autres. Autre exemple : quand on veut recruter un joueur, on dit des choses et ce n’est pas forcément ce qui se passe durant la saison, avec des inconnues. Je ne dis pas qu’il m’a dit des conneries, mais chacun doit gérer sa saison. Je maintiens : notre dernière discussion a été la plus belle. Je suis un garçon qui ne parle pas facilement, qui a plutôt tendance à garder les choses au lieu de les dire.

Avec Ugo, on a décidé de tout mettre sur la table. Je lui ai rappelé mes attentes en arrivant à Toulouse et ce qui ne s’est pas fait ; Ugo m’a dit ce qu’il avait attendu de moi et que je n’avais pas réussi à faire. Il n’y a pas eu un mot plus haut que l’autre. Il y a eu une bonne poignée de mains : je n’ai pas été assez performant et lui n’avait peut-être pas compris le joueur que je voulais devenir au Stade. À mon départ, il a aussi eu une belle réaction en me laissant de côté pour que je prépare mon arrivée ici. Je n’oublie rien. Et plus tard, je remettrai les pieds à Ernest-Wallon pour dire aurevoir aux personnes à qui je n’ai pas eu le temps de le dire.

Melvyn Jaminet et les Toulonnais restent sur une prestation très aboutie face à Bayonne à Anoeta.
Melvyn Jaminet et les Toulonnais restent sur une prestation très aboutie face à Bayonne à Anoeta. Icon Sport - Scoop Dyga

Les retrouvailles avec Toulouse passent d’abord par le Vélodrome, samedi soir…

Treize ans après avoir été ramasseur de balles pour un Toulon - Toulouse, je vais jouer dans ce stade, avec le maillot du RCT. C’est beaucoup d’émotions en revoyant la photo qui tourne sur les réseaux où je suis aux côtés de plusieurs joueurs. C’est un rêve qui se réalise, une confrontation mythique avec notamment ces matchs délocalisés. C’est un match extraordinaire. J’ai terriblement hâte de jouer contre Toulouse. Je suis heureux de revoir les gens du Stade, car j’ai aussi vécu de bons moments. Je garde tout de cette aventure et je suis désormais heureux de pouvoir les affronter.

Avez-vous un surplus de motivation ?

Je n’y vais pas dans un esprit de revanche. Toulouse a tout fait pour me garder. Je n’ai pas de remords. Je suis parti en bons termes. J’ai d’ailleurs gardé le contact avec plusieurs mecs, mais dans ces chocs, tu as toujours envie de prouver ta valeur. Je sais que ça sera dur. L’année dernière, pour l’anecdote, je jouais pour la première fois contre Toulon à l’extérieur. Dans le vestiaire, ça m’a marqué, je me suis demandé si j’allais me faire siffler. En vérité, je pensais que j’allais l’être. Et je l’ai été, bien comme il faut ! Après le match, des amis proches m’ont dit : "Désolé Mel’, on se connaît depuis longtemps… Mais je t’ai sifflé !" Cette fois, ça devrait aller (rires). J’adore ces matchs pour ça. Tu es joueur pour ces matchs. Les sifflets et la pression m’ont toujours boosté et excité.

Fabien Galthié et Melvyn Jaminet pendant un entraînement du XV de France lors de la Coupe du monde 2023.
Fabien Galthié et Melvyn Jaminet pendant un entraînement du XV de France lors de la Coupe du monde 2023. Icon Sport - Johnny Fidelin

Ce sont aussi des rencontres scrutées par le staff du XV de France, alors que vous avez été appelé sans jouer au précédent 6 Nations…

Quand je suis monté, je me suis dit qu’il était possible que je ne revienne plus jusqu’à la fin. À cette période, je n’étais pas au meilleur de ma forme. J’avais été très moyen avec Toulouse, et à Toulon, on était dans le dur collectivement. Je ne dis pas que j’étais flamboyant, mais je prenais mes marques. Des mecs étaient bien plus performants. Je comprends les choix et, surtout, je les respecte. Je me suis focalisé sur moi-même et sur le fait de bien me rétablir de ma contusion à la cuisse subie après La Rochelle. Personne ne le sait, mais j’étais censé remonter à Marcoussis avant cette blessure.

Avec l'équipe de France, la vague s’est un peu arrêtée et ça n’a pas été facile, notamment lors du 6 Nations avant le Mondial

Depuis le Tournoi, avez-vous eu une discussion avec le staff des Bleus ?

J’ai discuté avec Patrick (Arlettaz), à Marcoussis. Il était aussi en train de prendre ses marques et je n’ai pas eu le temps d’échanger en profondeur. En bref, ce qui est ressorti, c’était qu’il fallait que je fasse mieux dans mon jeu, notamment dans les choses simples. Il fallait que je sois précis, surtout sur les ballons hauts.

Pensez-vous à la tournée en Argentine ?

Honnêtement (sourire) ?

C’est toujours mieux…

Je pense que tous les joueurs vous répondront la même chose : on veut aller le plus loin possible avec nos clubs. Les finalistes ne font pas la tournée. Si je ne la fais pas, c’est qu’on ne sera pas très loin de la vérité avec Toulon (sourire). Je ne la nomme pas pour éviter de nous porter la poisse. Je m’autorise donc à botter en touche : je veux avancer tranquillement et sûrement avec mon club. Mais forcément, quand tu as goûté à un Grand Chelem, en position de titulaire, tu ne penses qu’à ça. La vague s’est un peu arrêtée et ça n’a pas été facile, notamment lors du 6 Nations avant le Mondial (2023). Thomas (Ramos) a été performant et j’ai compris le choix du coach. Je ferme ma bouche et je travaille. C’est le sport de haut niveau. C’est difficile d’y arriver, encore plus difficile d’y rester. À moi de travailler.

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Les commentaires (11)
bubu6431 Il y a 12 jours Le 17/04/2024 à 18:00

Nous aussi

CUBITUS Il y a 13 jours Le 16/04/2024 à 09:36

Pas assez le très haut niveau , en baisse de forme, la marche était trop haute ! Dans le même cas il y a Capuzzo qui ne va pas tarder à partir .

Allphi Il y a 13 jours Le 16/04/2024 à 08:24

Le seul joueur qui n'a pas compris que personne n'était attendu à Toulouse et qu'il fallait faire sa place et bosser! Il n'y a qu'à regarder Willis, Roumat,..... et d'autres qui à force de travail sont devenus le top du top et sont parfaitement épanouis au ST!