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Champions Cup - Technique. C’est quoi, le jeu debout "à la Toulousaine" (1/2) ?

Par Nicolas ZANARDI
  • Antoine Dupont s'exprime parfaitement dans ce "jeu à la toulousaine".
    Antoine Dupont s'exprime parfaitement dans ce "jeu à la toulousaine". Icon Sport - Anthony Dibon
Publié le
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Souvent copié, parfois raillé, le concept "d’école toulousaine" alimente les fantasmes depuis une cinquantaine d’années, de par sa permanente modernité. Un rêve de jeu qui se transmet d’une génération à l’autre avec la volonté de déplacer le ballon et les hommes, sur lequel on propose ici de lever les secrets…

Jeu de mains, jeu de Toulousains, qu’ils disent… Et si les supporters stadistes peuvent parfois être insupportables pour leurs adversaires, force est de reconnaître malgré tout que leur slogan demeure, autant que les générations passent. Le fruit d’une véritable école de jeu, héritière des préceptes théorisés par René Deleplace puis dispensés par Robert Bru au Creps de Toulouse voilà une cinquantaine d’années, avant d’être transmis de génération en génération par les Skrela, Villepreux, Novès et autres Mola… Une culture dont beaucoup se targuent, mais que peu seraient en réalité susceptibles de vulgariser ou de synthétiser, tant ses racines sont profondes et ses ramifications complexes. Ce à quoi on va pourtant s’attacher ici, en toute humilité…

Le premier principe de l’école toulousaine ? Il consiste, pour faire court, à se montrer perpétuellement en alerte pour guetter la moindre opportunité. Et par opportunité, on embrasse un vaste paradigme qui va de la plus infime subtilité de règlement (le pataquès autour de la "loi Dupont" étant la dernière en date) à la plus minuscule possibilité découlant d’un temps mort. Le concept "d’arrêt de jeu" n’arrêtant en aucun cas la réflexion et la recherche d’opportunités, puisque c’est souvent à partir de phases arrêtées que le jeu toulousain ne développe le plus naturellement. À savoir, à partir d’un renvoi court, ou bien sûr d’une touche ou d’une pénalité rapidement jouées. Cela sans oublier, bien sûr, les contre-attaques depuis le champ profond ou sur ballon de récupération… Autant de phases de jeu qui ne sont dynamisées que dans un seul but : sortir le jeu d’un certain "ordre" pour générer un maximum de désordre et de chaos, où les principes de jeu toulousain s’expriment le mieux…

L’éternel "diamant" du triple soutien

Ces principes ? Ils sont si nombreux qu’on ne saurait ici les lister tous, qui vont du "récupérateur n’est pas utilisateur" au célèbre "dernier passeur, premier soutien", en passant évidemment par "porteur responsable du ballon, soutiens responsables du porteur". Des mantras inoculés à travers toute la formation du joueur toulousain pour lui faire acquérir ce fameux "référentiel commun" qui permet aujourd’hui aux Ntamack, Marchand, Ramos, Cros et consorts de lire simultanément – et spontanément – les actions de la même façon… À ce titre, la meilleure illustration réside probablement dans l’organisation du soutien "en diamant" professé dans toutes les écoles de rugby de France, mais dont les Toulousains sont les maîtres absolus de par leur propension à se projeter ensemble vers l’avant, en offrant toujours trois solutions au porteur. Lesquels ont en outre, dans l’apprentissage du "jeu debout", le souci permanent en tête de donner le temps à leurs partenaires d’arriver, dans l’optique de la continuité du jeu après soi. Offrant ainsi si régulièrement au chanceux public d’Ernest-Wallon ce qui ressemble le plus, à nos yeux, à de la poésie en mouvement, un cadavre exquis de rugby tout sauf surréaliste. Hormis peut-être pour les adversaires…

Quart de finale contre Exeter. Capture numéro 1.
Quart de finale contre Exeter. Capture numéro 1.

Voir capture 1.

1. Première illustration de la culture de jeu toulousaine, au cours du quart de finale contre Exeter : lorsque Julien Marchand franchit la défense anglaise à la 77e, un boulevard s’ouvre devant lui. Reste que ses partenaires (cercle noir) ne font pas moins l’effort, à cet instant du match, d’accélérer leur course pour lui offrir du soutien. Et pas n’importe comment…

Toulouse - Exeter. Capture numéro 2.
Toulouse - Exeter. Capture numéro 2.

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2. Retrouvant automatiquement leur structure "en diamant", les Toulousains offrent à Marchand des soutiens à gauche, à droite et dans l’axe (flèches noires). Après avoir analyse de la situation en tournant la tête des deux côtés, le talonneur international choisit finalement de fixer le défenseur anglais en se servant de son soutien intérieur, Josh Brennan.

Toulouse - Exeter. Capture numéro 3.
Toulouse - Exeter. Capture numéro 3.

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3. Servi, Brennan (cercle rouge) crochète pour jouer son duel face au défenseur suivant. Une initiative à laquelle va réagir immédiatement le troisième ligne François Cros (flèche noire), toujours exceptionnel dans son rôle de premier soutien, en changeant d’angle de course pour rester dans l’axe tandis que Marchand (cercle blanc) va se muer instantanément en soutien droit, pour avoir parfaitement "joué debout".

Toulouse - Exeter. Capture numéro 4.
Toulouse - Exeter. Capture numéro 4.

Voir capture 4.

4. En se servant de ses deux soutiens extérieurs (flèches blanches) pour apporter de l’incertitude, Brennan (cercle rouge) engage son duel sur le défenseur anglais tandis que Cros, en bon soutien axial, converge à sa hauteur dans le dos du défenseur, afin de mieux recevoir le offload et faciliter le travail de son partenaire.

Toulouse - Exeter. Capture numéro 5.
Toulouse - Exeter. Capture numéro 5.

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5. Cros (cercle noir) poursuit le mouvement tandis que Brennan, lui aussi resté debout après avoir joué au contact, se porte à gauche. Une initiative à laquelle réagit instantanément le demi de mêlée remplaçant Paul Graou (flèche blanche) , qui devient soutien dans l’axe tandis que Marchand reste à droite, pour maintenir la structure en diamant.

Toulouse - Exeter. Capture numéro 6.
Toulouse - Exeter. Capture numéro 6.

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6. Cros (cercle noir) ayant à son tour joué après contact pour Machand (cercle blanc), celui-ci peut finalement servir Graou, dont la position axiale lui a permis de se porter très vite au soutien de son talonneur (flèche blanche), bien aidé par Brennan dont la course à gauche (flèche rouge) a permis de maintenir jusqu’au bout la structure en diamant. Laquelle aurait encore pu permettre de prolonger l’action tant que les joueurs seraient restés debout, d’autant que de nouveaux soutiens avaient fait l’effort d’arriver…

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Les commentaires (6)
renaisens Il y a 12 jours Le 06/05/2024 à 14:22

Bravo. J'ai bien fait de m'abonner. C'est ce genre d'article analytique qu'on ne lit pas dans l'Équipe. J'ai eu le privilège d'avoir René Deleplace comme professeur à l'UER EPS de Paris V et je ne peux que confirmer les principes du jeu de mouvement qu'il enseignait dès les années 70.

LoupVert Il y a 14 jours Le 04/05/2024 à 11:13

J'adore l'exemple de la capture 3 où Marchand a 2 soutiens extérieurs seuls et choisit le soutien intérieur entouré par 3 défenseurs...

Alain65 Il y a 14 jours Le 03/05/2024 à 23:40

Que de palabres dans le vide peuvent saliver les journalistes ! Le jeu toulousain, c'est de créer des opportunités avec des joueurs de talents pour les concrétiser. A une époque, nous imitions le jeu biterrois du temps de M. BARRIERE avec ses mauls très percutants et efficaces. A une autre époque, nous avions des inventeurs comme les frères BONIFACE qui avaient inventés la passe croisée avec des variantes "fausse cla" ou "vraie cla". Aujourd'hui, nous sommes dans la recherche de rugby spectaculaire dicté par des financiers, demain sera encore nouveau. Ainsi va le rugby et d'autres sports.

renaisens Il y a 12 jours Le 06/05/2024 à 14:24

Le sage montre la voie lactée, le singe regarde le doigt.