Qui es-tu, Serge Blanco ?

Par Rugbyrama
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    Serge Blanco
Publié le Mis à jour
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XV DE FRANCE - Si tout le monde connaît le sportif, le dirigeant, l’homme d’affaires, on sait moins que Serge Blanco s’est construit dans une famille sans père, sans argent, autour d’une mère adorée et de grands-parents aimants.

L'idée était partie d'un phénomène alors un peu nouveau, dans le rugby professionnel français : soudain, en 2017 et 2018, une vague de jeunes débarquait un peu partout à Clermont, Toulouse, Toulon, Biarritz ou La Rochelle, avec des patronymes qui sentaient bon le rugby glorieux. Ils s'appellaient Penaud, Ntamack, Retière, Carbonel, Roumat et tant d'autres. Des "fils de" - parfois des "neveu de" - et dont certains n'avaient pas mis longtemps à s'affranchir de la figure tutélaire.

C'était au sortir de l'hiver 2018 et Midi Olympique s'était alors penché sur cette idée de filiation, de transmission que le rugby prône parmi ses valeurs de plus en plus flottantes. Dans cette relation père-fils et le mimétisme des trajectoires, est-ce la génétique qui parle ou la passion, la culture qui baigne l'enfance qui prend le pas et explique ce phénomène héréditaire ? Les joueurs avaient la parole.

Il restait pourtant cette énigme : le plus grand d'entre eux, Serge Blanco, nous répondait sans attendre à cette interrogation "moi, je suis le fils de personne". Sans la négation "ne", comme s'il était effectivement le fils d'un vide. L'entretien partait donc de là.

Blanco, joueur superbe et dirigeant brillant bien que contesté, acceptait de se confier totalement sur son enfance, ses joies, ses douceurs et ses manques. Intime. "Je suis le fils de Pedro et d’Odette Blanco, née Darrigrand. Les deux sont décédés. Leur histoire est singulière." La sienne aussi, par effet domino. "Chez nous, il n’y avait pas d’argent. Pas de salle de bains non plus. J’allais me doucher deux fois par semaine aux douches municipales de Biarritz. C’est devenu différent quand j’ai commencé à faire du sport. Du foot en l’occurrence. Là, la douche était gratuite. Longtemps, tous les soirs, ma grand-mère faisait chauffer de l’eau sur le fourneau et je me lavais comme ça. Et en avant Guingamp ! Ça faisait partie de la vie."

Ce cadre, sommaire pour le moins, Blanco ne le racontait pourtant pas sur l'air des lamentations. "Je me suis construit dans un cercle familial de quatre personnes. Et je n’ai manqué de rien. […] Dans les années 60-70, la société se résumait à deux castes : ceux qui avaient du pognon et ceux qui n’en avaient pas. Notre famille était placée dans la deuxième. C’était vrai à Biarritz comme partout en France. Il n’y avait pas de classe intermédiaire. Pour autant les gens non fortunés n’étaient pas malheureux. J’ai vu ma mère fabriquer des abat-jour. Ça peut paraître décalé par rapport aux standards d’aujourd’hui où parents et enfants doivent avoir des boulots exceptionnels. Il faut d’abord paraître, et ne surtout pas dire qu’il n’y a pas de lave-vaisselle à la maison. Au milieu des années 60 le pays était en reconstruction, il y avait du travail, le chômage de longue durée n’existait pas. Il fallait quand même se bouger pour gagner sa vie. C’est ce que ma mère a toujours fait. Il n’y avait pas de sots métiers. Il y avait juste des boulots qui permettaient de vivre, de partager des choses en famille. De ma jeunesse, j’ai retenu une chose très importante : tous les métiers sont honorables."

Une leçon qu'il a apprise au seul contact de sa mère, aidée des grand-parents. Son père, lui, est décédé quand Serge Blanco n'avait que deux ans. "Je n’ai aucun souvenir de lui. Sur les quelques photos que j’ai, je vois que c’est un beau gosse. Il porte la moustache. Il était commissaire de police à Caracas. J’avoue qu’il m’est difficile de parler de lui. Il n’y a rien dans ma mémoire." Un vide qu'il aurait pu combler, même de placebos, par un voyage introspectif vers Caracas où il est né. Blanco ne l'a jamais fait. "À la fin de ma carrière, c’est-à-dire à un moment où j’avais franchi pas mal d’étapes et où je pouvais me le permettre, j’avais prévu d’amener ma mère au Venezuela. Nous aurions pu découvrir ou redécouvrir une partie de cette vie. Je voulais partager cela avec elle. Malheureusement, elle est décédée juste après ma retraite sportive, en 1992."

Retrouvez ici l'intégralité de l'entretien intime avec Serge Blanco, publié une première fois en avril 2018 et que Midi Olympique remet à la publication cette semaine

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