Kaino : "Viser Dupont, ce n'est pas le bon plan de jeu pour les All Blacks "

  • Jerome Kaino
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  • Kaino : "Je suis tellement chanceux d'avoir cette fin"
    Kaino : "Je suis tellement chanceux d'avoir cette fin"
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XV DE FRANCE - Présent à Paris lundi soir pour les 68e Oscars Midi Olympique, Jérome Kaino (81 sélections, champion du monde 2011 et 2015) s'est projeté sur la rencontre entre la France et la Nouvelle-Zélande, samedi au Stade de France. Où il est question d'Antoine Dupont, de plan de jeu pour battre les All Blacks, de leur changement de génération et du dilemme affectif qui le tiraille...

La défaite des All Blacks en Irlande est-elle une mauvaise nouvelle pour la France, quand on sait que le Nouvelle-Zélande perd très rarement deux fois de suite ?

Je ne crois pas qu'il faille le voir comme ça. Les All Blacks ont déjà perdu deux fois de suite, c'est arrivé et ça arrivera encore. Chaque match est différent, déconnecté. Quand les All Blacks viennent en Europe, c'est toujours un grand événement mais les matchs sont très durs. Il ne faut surtout pas minimiser cet aspect. Ce ne sont pas des tournées de représentation. Oui, les matchs sont durs et dans des stades souvent euphoriques. Ils ont perdu en Irlande, ça s'est joué dans les dernières minutes mais ils seront de nouveau en danger ce week-end, à Paris. Ils l'auraient été de toute façon, quel qu'ait été le résultat à Dublin.

Que retenez-vous de cette défaite en Irlande ?

La grande performance de l'Irlande. Les All Blacks n'ont pas été décevants mais les Irlandais ont fait un grand match. Ils ont pris le parti de la possession, peut-être 70 % ou 75 % des ballons. Ça leur a souri parce que les All Blacks, aussi forts qu'ils soient, ne peuvent pas faire grand-chose sans ballons. Ensuite, ils ont été en maîtrise pendant quatre-vingt minutes, très lucides sur leurs choix de jeu. Voilà comment ils l'ont emporté.

Les Français doivent-ils s'inspirer de cette "recette irlandaise", à base de possession et de combat ?

Les Français doivent jouer leur rugby. Déjà : physiquement, ils sont très forts. Ils n'ont rien à envier aux Irlandais et proposeront aux All Blacks un combat similaire. Mais les Bleus ne doivent pas s'en contenter. Ils ont ce fameux flair, ce talent individuel particulier et il faut qu'ils l'utilisent parce que c'est quelque chose que vous ne pouvez pas anticiper, quand vous êtes adversaire. Là est toute la difficulté. Vous pouvez tout étudier d'un adversaire : ses systèmes, ses routines de jeu. Mais cette étincelle, vous ne pouvez pas la prévoir. C'est la force des Bleus et ils doivent s'en servir.

Sont-ils prêts, à vos yeux ?

Ils ont joué quelques grands matchs, ces derniers mois. Ils se connaissent, se font confiance. Oui, ils seront prêts.

Comment évaluez-vous cette nouvelle équipe néo-zélandaise, qui gagne beaucoup mais ne convainc pas toujours ?

C'est une équipe en construction. De nombreux jeunes joueurs ont intégré le groupe. Ils ont des talents immenses, ça ne fait pas de doute, mais ils doivent désormais trouver la bonne combinaison. On voit qu'il y a encore pas mal de mouvements dans les compositions d'équipe, c'est le signe d'une équipe qui se cherche. Leur objectif est d'être prêt pour 2023. D'ici là, tous ces jeunes doivent accumuler du temps de jeu, se confronter à une multitude de situations sur le terrain pour apprendre. Mais ils sont sur la bonne voie. Ils seront prêts, je pense, pour le Mondial en France. En tout cas, cette nouvelle équipe me plaît.

Sont-ils à l'heure, dans les temps de passage ?

Je crois, oui. Il faut qu'ils stabilisent une troisième ligne, leur 10-12 aussi où ils font de nombreux essais. Mais les choses vont finir par trouver leur bonne place.

Kaino : "Je suis tellement chanceux d'avoir cette fin"
Kaino : "Je suis tellement chanceux d'avoir cette fin"

Cela fait plus de trois ans que vous êtes en France. Samedi, y'aura-t-il une part de vous qui supportera les Bleus ?

Non, ça je ne peux pas. Je suis un All Black, je serai toujours un All Black et mon cœur vibrera toujours du plus profond pour cette équipe.

A Toulouse, vous avez joué avec beaucoup de garçons qui composent ce XV de France alors que, à l'inverse, vous n'avez pas dû jouer avec beaucoup des All Blacks actuels...

Effectivement, très peu. A croire que je suis vieux ! (rires) C'est vrai, la situation va être particulière pour moi. Quand vous connaissez les mecs, que vous avez joué avec eux et que vous les appréciez, vous avez toujours envie de pousser derrière eux, de les supporter. Mais en face, ce seront les All Blacks. Il ne peut pas y avoir de débat. Je souhaite le meilleur à tous mes copains en Bleu mais je supporterai la Nouvelle-Zélande. Ce sera étrange, n'est-ce pas ?

Un pronostic ? Un deuxième défaite consécutive ?

Je n'espère pas ! Mais ce sera un grand match. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Et une victoire des All Blacks, de 4 ou 5 points. (il sourit)

Vous avez joué avec Antoine Dupont, qui vient d'être récompensé de deux Oscars Midi Olympique (Oscar monde et Oscar d'or). Qu'a-t-il de plus, de différent ?

Son calme. On parle souvent de ses essais, de ses soutiens, sa vitesse, sa force dans les duels ou le un contre un, de sa passe et tout le reste. Mais ce qui m'a très vite fasciné chez lui, c'est son côté relaxe. Dans un grand match, il y a toujours des moments décisifs, cruciaux. Des points de bascule et c'est quelque chose qui peut être stressant. Dans ces moments-là, vous jouez gros. Mais Antoine ne panique jamais. Rien ne semble avoir d'impact sur lui. Parfois, il peut même paraître nonchalant alors que le stress devrait être au maximum. Pour une équipe, à ce poste si particulier, c'est un facteur essentiel. Quand ça compte, qu'il pourrait y avoir de la peur, lui ne panique pas et ne pense que par l'initiative. Plus c'est important et plus il veut les ballons. C'est assez incroyable à voir, quand on est à côté de lui sur un terrain. Il est tellement cool qu'il le transmet aux autres, dans sa manière d'être et de s'exprimer.

Beaucoup d'équipes le visent, pour lui enlever du confort en essayant de le faire jouer sous pression. Est-ce la bonne méthode ?

Je ne crois pas trop à cela au niveau international, parce qu'il y a de très bons joueurs à tous les postes. Viser Dupont, ce n'est pas le bon plan de jeu pour les All Blacks. Bien sûr qu'il faut garder un œil particulier sur lui mais si vous vous concentrez vraiment sur sa personne, vous ouvrez des espaces pour les autres autour. Ces "autres" s'appellent Romain Ntamack, Matthieu Jalibert, Gaël Fickou ou Damian Penaud. C'est très dangereux, tout de même, de laisser des espaces à de tels joueurs ! C'est toute la difficulté de Dupont et de cette équipe de France. Vous ne pouvez pas l'ignorer, mais il y a beaucoup d'autres dangers.

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