Chez les Bleus, des voyants au vert

Par Rugbyrama
  • Charles Ollivon (XV de France)
    Charles Ollivon (XV de France)
  • Bernard Le Roux
    Bernard Le Roux
Publié le Mis à jour
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XV DE FRANCE - Alors que la fin du Tournoi 2020 a été reportée en raison du coronavirus, il est temps de faire un bilan de ce XV de France nouvelle version. Fabien Galthié et son staff ont amené un renouveau à cette équipe et les trois premières victoires sont enthousiasmantes, notamment l'exploit au Millenium. Mais la défaite contre l'Écosse laisse des questions en suspend.

Avant que l’édition du Tournoi 2020 ne soit suspendue pour les raisons que l’on sait, la France talonnait le XV de la Rose au classement, ne devant finalement sa deuxième place qu’à un goal-average inférieur aux Anglais. C’est beaucoup, pour une équipe encore très jeune, très inexpérimentée. C’est inespéré, pour une équipe qui volait l’an passé avec des défaites encourageantes. Au vrai, il a donc suffi de trois matchs à ce XV de France bâti par Fabien Galthié et son staff pour drainer derrière lui un fol espoir, une vague d’enthousiasme sonnant comme un grand pardon entre une équipe nationale à la rue depuis dix ans et son public.

À l’hiver 2020, cette équipe s’est même trouvée des "gueules", bankable et grand public, qu’elle pourra mettre en avant pour flatter ses partenaires et en conquérir d’autres : Romain Ntamack, Antoine Dupont et, à degré moindre, Mohamed Haouas ou Anthony Bouthier, en font tous partie. Mais au sujet des Bleus, on n’oublie pas, non plus, que la marge de progression est encore immense : le chantier de l’offensive n’en est encore qu’à l’état de "projet" ; la cinquième défense de la compétition doit aujourd’hui trouver un langage commun avec Shaun Edwards, son nouvel architecte ; quant à la conquête, elle reste largement perfectible, tant l’alignement fut hésitant en début de compétition et la mêlée fragile, en Écosse…

La conquête : la revanche de Cardiff

Depuis leur prise de fonctions, les entraîneurs en charge des avants Karim Ghezal n’ont de cesse de marteler à leurs ouailles ce même message : redevenir une conquête forte, redevenir des avants conquérants. Un défi de taille pour un pack marqué par les contre-performances ces dernières saisons, et qu’il s’agissait de renouveler à plus de 60 % (seuls Le Roux, Alldritt et le capitaine Ollivon conservant une place de titulaire par rapport à la dernière Coupe du monde). Le bilan ? Il est qu’après des débuts poussifs (notamment en raison de remplaçants pas franchement à la hauteur des titulaires sur leurs entrées en jeu), le paquet tricolore est monté en régime jusqu’à réaliser son match référence au pays de Galles.

Auteurs d’un 100 % en conquête ce jour-là, les Tricolores s’étaient même permis de voler plusieurs ballons à leurs adversaires, dont évidemment cette mêlée à 5 mètres de l’en-but disputée à 7 contre 8 qui permit de solder définitivement les comptes du quart de finale de Coupe du monde face à ces mêmes adversaires. Un moment fort, un acte fondateur, à partir duquel on aurait aimé voir les Bleus construire. Malheureusement, le match en Écosse passa par là, disputé en infériorité numérique pendant plus d’une heure, au point de ternir le bilan global.

Pour preuve, même le seul ballon en touche volé par Dylan Cretin se transforma en essai contre les Bleus, la faute à un mauvais rebond devant Dupont qui profita au talonneur McInally… Pas encore de quoi bomber le torse donc, mais au moins de quoi aborder l’avenir avec un semblant de sérénité. En effet, les Bleus n’ont perdu aucun ballon en mêlée ni concédé le moindre essai sur ballon porté après touche de tout le Tournoi, ce qui constitue une vraie nouveauté par rapport à ces dernières années. Mieux, le XV de France a réussi à se servir de sa conquête pour marquer, à l’image de l’essai décisif inscrit par Paul Willemse face au pays de Galles sur une belle combinaison dans le couloir.

La jeunesse : une vague de fraîcheur

C’est certainement la grande réussite du Tournoi : la nouvelle génération a pris le pouvoir chez les Bleus. Le staff de Fabien Galthié avait choisi de procéder à un large renouvellement d’effectif en évinçant les trentenaires, érigés malgré eux en symboles des désillusions de la dernière décennie, pour fairxe place à une jeunesse promis à un avenir doré. Outre Bamba et Ntamack qui connaissaient la sélection (comme Barassi, actuellement blessé), le sélectionneur a fait appel à plusieurs champions du monde moins de 20 ans : Gros, Geraci, Woki, Carbonel, Vincent ou Tauzin.

Ceci ajouté aux Marchand, Chat, Mauvaka, Haouas, Alldritt, Cretin, Dupont, Serin, Jalibert ou Penaud, qui ne dépassent pas les 25 ans et dont certains avaient une expérience internationale mineure, l’équipe de France a basculé dans une autre dimension. En plus de plaire au grand public, cette régénération a indéniablement apporté un vent de fraîcheur dans les attitudes et dans le jeu, surtout quand on connaît le profil offensif de la plupart des joueurs cités. Voilà qui explique comment la "bande à Charles Ollivon", lui aussi capitaine novice, a tant séduit sur ses trois premières sorties.

Une forme d’insouciance qui a transcendé ces Bleus (aux deux sens du terme), eux qui ont pour une partie grandi avec la culture du succès chez les jeunes. Mais ils ont aussi appris ces récentes semaines, surtout à Edimbourg où ils n’ont pas su assumer leur soudain statut de favori de la compétition et ont failli à Murrayfield. Il était sûrement prématuré pour ce groupe de passe de la peau du chasseur à celle du chassé. à ces hommes désormais d’en retenir les leçons.

La discipline : payer pour apprendre ?

D’abord, un constat. Dans chacune des quatre rencontres disputées par le XV de France, les Bleus ont toujours été plus (ou autant) pénalisés que leur adversaire. Sept pénalités concédées contre l’Angleterre (5), 10 contre l’Italie (10), 13 contre le pays de Galles (7) et 11 contre l’Écosse (7). De ce point de vue-là, le bilan est négatif. Ensuite, par-delà les simples pénalités, les joueurs de Fabien Galthié ont tout de même écopé de trois cartons jaunes et un rouge. "On peut appeler ça de l’indiscipline", a admis le sélectionneur.

Mais il ne se veut pas alarmiste. Au contraire. Il y voit surtout le manque d’expérience de sa jeune équipe. Et d’étayer son propos par un argument massue : "J’ai lu ce matin une interview d’Alun-Wyn Jones qui disait que du haut de ses 138 sélections, quand il lui est arrivé cette mésaventure avec l’Anglais Joe Marler (ce dernier lui a touché ses parties génitales, N.D.L.R.), que s’il avait réagit comme il devait réagir, à savoir en homme, il aurait alors abandonné son équipe sur carton rouge. Eh bien, du haut de ses 4 sélections, Momo Haouas n’a pas eu le recul nécessaire pour réagir de la sorte alors qu’il venait de recevoir à plusieurs reprises - ça fait partie du jeu c’est l’apprentissage - une série de traitements bien virils et peut-être ciblés, on n’en sait rien, mais il faut savoir se préparer à ça. […] Jones, lui, a un peu plus d’expérience."

La plaidoirie aurait plu à Éric Dupont-Moretti… Et Galthié de poursuivre : "S’il va au sol à ce moment-là, la décision peut être radicalement différente. On lui a dit : "Au moment où tu reçois la main dans le visage, tu vas au sol, tu t’arrêtes." La décision peut être radicalement opposée, ça pouvait être un rouge pour l’adversaire." Et l’on ne parlerait peut-être pas d’indiscipline pour qualifié le XV de France.

Les hommes : charnière "in", finisseurs "out"

De toute évidence, Fabien Galthié et Laurent Labit ont trouvé une charnière brillante, créative, instinctive et en adéquation avec "les standards du rugby de haut niveau", comme dit le cliché : avec Antoine Dupont et Romain Ntamack, le XV de France tient enfin un "combo" de stature internationale, les trois premiers matchs disputés par les Toulousains dans le Tournoi en attestent. Ces deux-là seront-ils aux commandes de la sélection à l’automne 2023, quand sonnera le coup d’envoi du Mondial ? C’est visiblement le souhait de tous et, entre nous soit dit, c’est plutôt une bonne nouvelle.

Parmi les valeurs sûres de l’équipe de France, il est également impossible de ne pas nommer Bernard Le Roux, impressionnant sur les quatre matchs qu’il eut à disputer, infatigable au plaquage, fort sur les zones d’affrontement et toujours premier au déblayage. Aux côtés de "Bernie", on citera aussi Grégory Alldritt, le numéro 8 qui récolte aujourd’hui tous les suffrages : puissant, adroit, bon défenseur, le Rochelais a fait oublier en 15 sélections le règne en clair-obscur de Louis Picamoles. Mohamed Haouas ?

Bernard Le Roux
Bernard Le Roux

Malgré le couac écossais, il reste à l’heure actuelle le meilleur "droitier" français, surtout quand il fait équipe avec son partenaire de Montpellier Paul Willemse, désormais indéboulonnable à droite de la mêlée tricolore. Virimi Vakatawa ? S’il fut étouffé par la défense écossaise, il a néanmoins prouvé contre l’Angleterre qu’il était l’arme fatale du XV de France, balle en mains… Les Tricolores ayant perdu des points sur cette compétition se comptent, eux, sur le doigt de la main. Teddy Thomas ? S’il fut coupable de quelques errements défensifs à Cardiff, on trouve au Midol qu’il fut brûlé trop vite par ses entraîneurs, tant le talent du Racingman semble à ce jour unique.

Par ailleurs, le staff ayant constaté que les "finisseurs" (comprenez les remplaçants) avaient eu du mal à se hisser au niveau des titulaires, on est aujourd’hui contraint de souligner avec lui que Matthieu Jalibert manqua d’à-propos en Écosse, que Boris Palu sembla trop léger face à l’Angleterre ou encore que Jefferson Poirot, désormais doublure de Cyril Baille, eut trop souvent du mal à égaler les performances du "gaucher" du Stade toulousain, à l’aise balle en mains et fort en mêlée. Il en va de même pour Demba Bamba, trop inconstant pour le haut niveau. Concernant les "finisseurs", seul Romain Taofifenua sut finalement tirer son épingle du jeu.

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