Lombard : "Besoin de continuité au niveau des postes clés"

  • Thomas Lombard
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  • Louis Carbonel - France U20
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  • Romain N'Tamack - France U20
    Romain N'Tamack - France U20
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L'ex-international français, Thomas Lombard, devenu consultant pour Canal+ et RMC, donne un avis éclairé sur la prestation des Boks et des Pumas, victorieux ce weekend en Rugby Championship et futurs adversaires des Bleus. Il indique aussi quelques pistes à suivre pour espérer rivaliser avec eux.

Rugbyrama : Avez-vous été surpris de la victoire des Springboks en Nouvelle-Zélande ?

Thomas Lombard : Statistiquement, les Blacks perdent toujours un match par saison. Donc il fallait bien que cela arrive, d'autant que je les ai trouvés trop faciles : sur les relances, les interceptions, ou même leur fin de rencontre où ils ne se placent pas en position de drop. A force de marquer une moyenne de six essais, ils finissent par croire qu'ils vont forcément en marquer un de plus que l'adversaire ! Le couperet n'était pas passé loin ces dernières semaines... Et puis en face, le sélectionneur sud-africain Rassie Erasmus jouait sa tête.

Les Néo-zélandais sont tombés dans le piège de leur statut d'équipe qui s'en sort toujours même quand elle joue moyennement bien

S'agit-il donc d'une vraie victoire de l'Afrique du Sud ou d'un péché d'orgueil des Blacks ?

T.L. : Les deux. Les Néo-zélandais sont tombés dans le piège de leur statut d'équipe qui s'en sort toujours même quand elle joue moyennement bien. Et en face, les Springboks étaient morts de faim pour plusieurs raisons : déjà ils voulaient sauver la tête de leur sélectionneur, et ensuite parce qu'ils sont passés pour des peintres en Argentine (défaite 32-19 pour la deuxième journée), où il se sont fait massacrer pendant 55 minutes après une entame pourtant réussie.

Comment l'Afrique du Sud a évolué depuis juin 2017 et la dernière tournée des Bleus ?

T.L. : Elle a changé par les hommes, d'abord. Erasmus s'est empressé de rappeler des joueurs importants dans le combat, comme Duane Vermeulen, ainsi que des joueurs de talent comme Faf de Klerk. Je songe également à Cheslin Kolbe, même s'il y a une forte rotation au poste d'ailier. Après, on sent aussi que le contexte sportif sud-africain est chargé sur le plan politique. Quand les Boks vont mal, cela crée un sacré remue ménage à la fédération. Croyez-moi, Rassie Erasmus jouait vraiment sa tête sur ce match. Il a vraiment beaucoup de pression, et d'autant plus qu'il est arrivé avec une étiquette d'homme providentiel après un bail décevant de son prédécesseur Allistair Coetzee.

C'est vrai. Ils ont besoin de constance. Mais le potentiel est là. Et cette victoire risque de les propulser

Les Boks viennent de réaliser un exploit mais sont encore irréguliers...

T.L. : C'est vrai. Ils ont besoin de constance. Mais le potentiel est là. Et cette victoire risque de les propulser. Sur le plan des hommes, ils ont besoin d'un ouvreur régulier et complet : Pollard n'est pas aussi mordant offensivement que Jantjies, mais ce dernier n'a pas la défense ni la gestion au pied du premier. Même s'ils ont tendance à imiter le jeu de mouvement pratiqué par les Blacks, les Boks pratiquent un jeu stratégique. On sent que les joueurs sont demandeurs d'un jeu direct.

Que doivent craindre les Bleus face aux Boks ?

T.L. : La même chose qu'en novembre dernier à Paris, leur dimension athlétique. Les Boks sont capables d'imposer des séquences très longues grâce auxquelles ils poussent les Bleus à la faute. C'est comme cela qu'ils avaient gagné au Stade de France. Ils n'avaient rien fait d'impressionnant, mais ils avaient dominé les Bleus dans le jeu direct.

Venons-en à l'Argentine. Dans quels domaines ont-ils progressé ?

T.L. : L'Argentine est une équipe qui a besoin de confiance, qui est très sensible à son environnement. Et je pense que l'arrivée de Mario Ledesma a la tête de l'équipe, ainsi que celle de Gonzalo Quesada en tant qu'adjoint a fait beaucoup de bien. Ils ont apporté de la sérénité et de la confiance à l'équipe. Ils possèdent aussi des visions du jeu qui correspondent parfaitement à l'hémisphère Sud. Mario a passé de longues années en Australie avec les Wallabies où il s'est inspiré de ce jeu de vitesse et de mouvement et Gonzalo a toujours eu ces convictions de jeu, on l'a vu au Stade français. Et puis il ne faut pas oublier que les Argentins reviennent de loin : en juin, les Pumas ont reçu deux corrections du Pays de Galles et ont perdu contre l’Écosse. Ils étaient piqués dans leur orgueil, ce qui les rend encore plus dangereux aujourd'hui.

L'Argentine est une équipe qui a besoin de confiance, qui est très sensible à son environnement

On a aussi le sentiment qu'une nouvelle génération de joueur émerge aussi...

T.L. : C'est vrai. Quand on voit l'immense abattage de leur troisième ligne Kremer-Desio-Matera, ou encore de la qualité de leur triangle arrière avec l'arrière Bofelli ou l'ailier Delgi, on se dit qu'ils ne manquent pas de talent. Citons aussi leur capitaine Creevy, dont l'aura me fait penser à celle de Pichot, ainsi que leur ouvreur Nicolas Sanchez, toujours aussi excellent. En clair, les Pumas peuvent s'appuyer sur une épine dorsale très solide.

Où en sont nos Tricolores ?

T.L. : En juin, ils ont montré qu'ils étaient capables de proposer des mouvements offensifs très intéressants, mais seulement par séquences. Donc la France aussi peut se diriger vers ce rugby de l'hémisphère Sud, à condition d'être plus constant. Le problème, c'est quand l'équipe de France n'a pas le ballon. Elle n'est pas encore capable de résister sur de longues séquences défensives. C'est exactement ce qui s'est produit contre les Blacks en juin dernier : on attaque pendant 40 minutes, et ensuite on perd la possession et on explose. Je vois aussi un lien de cause à effet avec notre championnat, dans lequel le temps de jeu effectif est trop faible : aux alentours de 28-30 minutes en ce début de saison, alors que les matchs du championnat anglais affichent déjà 38 voire 40 minutes de temps de jeu effectif.

Le problème n'est il donc pas d'ordre technique ?

T.L. : Non, je dirais que les Français peuvent être aussi bons techniquement que les autres nations. Seulement, ils ne sont pas capables de reproduire ces gestes techniques sur la longueur d'un match, à haute intensité dans des zones de fatigue extrêmes. Là, on perd trop en précision. Le problème est que notre championnat prépare mal au niveau international. C'est comme s'entraîner sur un 200 mètres alors que le week-end on dispute un 400 mètres. Le Super Rugby prépare bien mieux au rugby international. A mon sens, c'est là où se joue la différence.

Quels retours sont attendus en Bleu ?

T.L. : On a besoin de continuité au niveau des postes clés, notamment au niveau de la charnière. En ce moment, Camille Lopez est très observé et il est de retour à son meilleur niveau. Il faut aussi un buteur de la stature de Morgan Parra. En plus, ces deux là évoluent en club et se connaissent très bien. D'autres postes posent question, comme en troisième ligne où l'on manque d'un joueur capable de dynamiter les défenses. Je trouve qu'il manque aussi de la vitesse aux ailes. Nous avons des ailiers puissants, mais nous manquons de joueurs au profil explosif de Cheslin Kolbe ou Jonny May par exemple. Nous devons trouver ces joueurs.

On a besoin de continuité au niveau des postes clés, notamment au niveau de la charnière

Le poste de numéro huit pose problème également...

T.L. : Aujourd'hui, personne ne sort du lot en effet. Louis Picamoles va forcément être évoqué à un moment, mais d'ici là on va continuer avec des solutions alternatives comme Kévin Gourdon, ou Fabien Sanconnie. Jordan Joseph est également suivi, mais il est encore jeune et tendre. Il y a aussi Anthony Jelonch, qui commence à évoluer régulièrement au poste.

Louis Carbonel - France U20
Louis Carbonel - France U20

Faut-il déjà convoquer des Bleuets champions du monde ?

T.L. : Ceux qui méritent d'être vus évoluent à des postes où il y a beaucoup de concurrence. Je pense à Kylian Geraci en deuxième ligne par exemple, qui a quelque chose de plus dans la puissance, le franchissement et la dimension athlétique. Je pense aussi à Louis Carbonel, mais là encore, il est derrière son coéquipier de club Anthony Belleau et surtout Camille Lopez, qui est indéboulonnable. Romain N'Tamack mériterait d'être vu au centre aussi, histoire d'avoir un 12 distributeur. Mais ce ne sont pas des évidences.

Romain N'Tamack - France U20
Romain N'Tamack - France U20

Que faire d'eux alors ?

T.L. : Déjà ils doivent faire le nécessaire pour jouer dans leurs clubs. Ensuite, il faut les intéresser à la sélection en les convoquant avec le Groupe France, comme les Anglais ou les Néo-zélandais le font très bien avec Marcus Smith (jeune ouvreur des Harlequins, ndlr), ou le talonneur des moins de 20 ans néo-zélandais Asafo Aumua, qui sont régulièrement appelés à travailler avec la sélection tout en étant préservés. Je pense que nous pourrions le faire davantage. Ce sont des choix forts auxquels il faut se tenir, même si les jeunes jouent moins dans leurs clubs. Jack Goodhue est un autre bon exemple : certains ne l'ont pas vu arriver, mais cela fait trois ans qu'il participe aux stages des All Blacks. Voilà pourquoi il est d'emblée prêt pour le niveau international. Idem pour l'ouvreur Richie Mo'unga. Après, ces joueurs appartiennent à leur fédération. Ce n'est pas le même contexte que chez nous.

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