Saint-André: "Derrière, mis à part Michalak et Parra, je n'avais que des puceaux"

  • PSA au milieu de ses joueurs lors de la préparation au Mondial
    PSA au milieu de ses joueurs lors de la préparation au Mondial
  • Philippe Saint-André - octobre 2015
    Philippe Saint-André - octobre 2015
  • Philippe Saint-André a une fois seulement songé à quitter le navire
    Philippe Saint-André a une fois seulement songé à quitter le navire
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XV DE FRANCE - Dans la deuxième partie de ses confessions, Philippe Saint-André a effectué quelques mises au point et jeté des pavés dans la marre. Le Top 14, la nouvelle génération, Mermoz, Trinh-Duc... l'ancien sélectionneur du XV de France a donné ses vérités.

Au-delà de son niveau de jeu, votre équipe manquait-elle de tauliers et de relais sur lesquels vous auriez pu vous appuyer?

P.S-A: Lorsque je suis arrivé en équipe de France en tant que joueur, les anciens m'appelaient le puceau car je me retrouvais au milieu de mecs qui avaient soixante, soixante-dix sélections. Pour cette Coupe du monde, derrière, mis à part Morgan Parra et Fred Michalak, je n'avais que des puceaux qui n'avaient jamais connu cette compétition. La beauté du Top 14 et ses grandes stars étrangères fait que les Français sont plus des exécutants que des décideurs. C'est compliqué de leur demander d'être des tauliers alors qu'ils ne le sont pas en club. Il y en a encore quelques uns mais de moins en moins. Au Tournoi 2014, on terminait premier ex-aeqo si Jean-Marc Doussain ne ratait pas une pénalité contre l'Irlande. Il avait bossé comme un fou les tirs au but, mais il n'était que troisième buteur à Toulouse. Et quand il faut passer une pénalité à la 77e minute au Stade de France, devant 80 000 personnes...

Avez-vous eu du mal à comprendre cette nouvelle génération?

P.S-A: À mon époque, dès qu'on perdait un match, on se faisait tailler de partout mais on se resserrait. On était prêt à mourir ensemble et à renverser des montagnes. Là, c'est la première fois que je sentais des mecs qui, dès qu'ils étaient critiqués, étaient annihilés. Au lieu de devenir positive, la pression les paralysait. J'ai pris énormément de pression sur moi car, sinon, cela aurait été pire. J'ai aussi essayé le coup des "starlettes" mais cela n'a pas marché. C'est une génération différente et peut-être qu'on n'a pas su s'adapter.

La dernière défaite au Stade de France contre le pays de Galles a eu beaucoup de mal à passer

Vous pointiez aussi souvent du doigt certains manques...

P.S-A: Ce sont des joueurs qui ne font plus de vitesse. Pourquoi? Parce qu'ils jouent onze mois et demi sur douze. Lors de la préparation pré-Coupe du monde, on a voulu les amener avec Julien Deloire (le préparateur physique des Bleus, ndlr) à 100 % sur de la vitesse pure, et ils n'avaient plus l'habitude. C'est normal, les entraîneurs ne le font pas en club car les joueurs jouent beaucoup et ils ne veulent pas prendre le risque de les péter. Lors du quart de finale, on a percé les All Blacks six-sept fois. Sauf qu'au bout de 30 mètres, tu te retrouves avec un mec tout seul, sans soutien, face à six Blacks déjà replacés…

Philippe Saint-André - octobre 2015
Philippe Saint-André - octobre 2015

Les deux dernières confrontations face au pays de Galles n'ont-elles pas marqué une fracture avec vos joueurs?

P.S-A: À Cardiff, c'était leur attitude par rapport à l'arbitre que j'avais remise en question. J'ai vu des haussements d'épaules, Louis Picamoles qui l'applaudit... Bref, des choses inadmissibles dans notre sport. Je n'avais d'ailleurs pas pris Louis au match suivant. J'ai donné un coup de klaxon sur ce manque de maîtrise et de discipline. Sur le dernier Tournoi, les garçons avaient plus de maturité et d'expérience et je pensais qu'on était prêts. Je l'avoue, cette défaite au Stade de France face aux Gallois a eu beaucoup de mal à passer.

Dans votre livre, vous n'êtes pas tendre envers les consultants, notamment Fabien Galthié…

P.S-A: C'est aussi l'évolution de notre sport. Il est de plus en plus médiatique et suivi. À partir de là, il y a de plus en plus de bons clients avec des belles phrases. C'est la vie. Ce que je dis, c'est que le journaliste doit rester journaliste et le consultant dans ses niveaux de compétences.

J'ai été très dur avec Trinh-Duc

Vous égratignez également Maxime Mermoz, à qui vous reprochez d'avoir "trahi" votre confiance…

P.S-A: J'ai été élevé au rugby de Jacques Fouroux et Pierre Berbizier. J'ai connu le rugby amateur où on faisait neuf heures de bus ensemble. On créait des liens sacrés qui restaient à vie. Lors du Tournoi 2014, durant la semaine du match contre l'Angleterre, je donne la compo au groupe le mardi soir pour qu'il puisse bien se préparer mentalement, tout en demandant de ne pas l'ébruiter car je devais l'annoncer le jeudi. Mercredi midi, elle est déjà sortie. Ce sont des choses qui ne se font pas et je sais qu'il ne recommencera plus. Je ne lui en veux pas.

Philippe Saint-André a une fois seulement songé à quitter le navire
Philippe Saint-André a une fois seulement songé à quitter le navire

Qu'en est-il de François Trinh-Duc, que vous avez laissé à quai en août?

P.S-A: J'ai été très dur avec François. Dans la préparation pour la Coupe du monde, c'était simple: soit je le prenais en tant que numéro 1, soit Frédéric Michalak. Il était clair que je ne prendrais pas un numéro 1 et un 1 bis. Il y a des postes où on peut mettre de la concurrence mais pas celui-là, qui est très exposé. Je n'étais sûr ni de l'un, ni de l'autre, car ils revenaient de blessure, mais je savais que j'avais besoin d'un des deux comme titulaire. Ce n'est pas l'investissement de François qui a joué en sa défaveur mais les performances de Fred. Il a eu l'élégance de m'appeler à la fin de la Coupe du monde pour savoir si les dés n'étaient pas pipés dès le départ. Je lui ai répondu que non, que tous les deux étaient partis sur le même pied d'égalité.

Y a t-il quelque chose que vous feriez différemment si vous aviez une baguette magique?

P.S-A: La grosse erreur que j'ai faite est de ne pas avoir conservé quelqu'un du staff précédent. Là, Guy Novès a gardé Yannick Bru. J'étais pour à 100 % et j'ai poussé pour qu'il reste. Le nouveau staff va gagner plein de temps car Yannick connaît bien cette génération. Il sait aussi aller à l'essentiel dans une préparation où il faut aller vite. Ils feront beaucoup moins d'erreurs sur le choix des joueurs car on suivait déjà depuis trois ou quatre ans tous les jeunes qui arrivent maintenant.

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