"Avoir le sourire au lieu de faire la gueule"

Par Rugbyrama
  • Philippe Saint-André et Didier Deschamps 2 - 24 octobre 2012
    Philippe Saint-André et Didier Deschamps 2 - 24 octobre 2012
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"Amour du maillot national variable" au football, "plus-value exceptionnelle" pour un joueur de rugby: Deschamps et Saint-André échangent leurs points de vue.

Comment transmettre l'amour du maillot national que vous revendiquez ?

Didier DESCHAMPS: Certains l'ont plus que d'autres. Mais comme le centre d'intérêt est quand même basé sur l'aspect économique, l'équipe de France ne leur a pratiquement jamais rien apporté. Si ce n'est un peu plus de notoriété mais ils l'ont déjà car ils sont dans des grands clubs. Après, tu l'as ou tu ne l'as pas. Tu ne peux pas changer les caractères et les personnalités. Je leur dis que ce sont des privilégiés de la vie, ils doivent en avoir conscience tous les jours quand ils se lèvent. Et quand ils viennent en sélection, ils ne sont pas là que pour recevoir, ils ont aussi à donner. Donner, ce sont des choses basiques. Avoir une certaine disponibilité pour les gens, avoir le sourire au lieu de faire la gueule. Mais bon... Certains ont des parcours familiaux, d'enfance qui sont très difficiles. La grande majorité des footballeurs ne sont pas issus de milieux sociaux aisés. Il y a un boulot à faire avec les éducateurs quand ils commencent dans les clubs, dans les sélections de jeunes aussi. Développer cet amour du maillot, ce que ça représente. Peut-être qu'on s'est un peu éparpillé, qu'on n'a pas fait assez attention parce qu'on a connu le succès en 1998 et en 2000 et on a pensé qu'on était les meilleurs et que rien ne pouvait nous arriver. Mais ce n'est pas le cas.

Philippe SAINT-ANDRE: Là où on n'a pas la même problématique que Didier, c'est que l'équipe de France reste une plus-value exceptionnelle pour le joueur. Le Top 14 est important mais si le mec veut passer une dimension supplémentaire, ça passe par le statut international. Le seul moment où tu peux concurrencer le foot à l'audimat, c'est le 6 Nations, c'est la finale de Coupe du monde où 18 millions de téléspectateurs se réveillent un dimanche matin pour voir l'équipe de France. Ca reste au dessus de tout. Mais j'ai le même message, je dis aux mecs: "vous devez arriver avec une banane énorme parce que vous êtes des énormes privilégiés". Mais quand tu es sportif, dès que tu as une petite blessure au mollet, les mecs ont l'impression que le monde s'arrête !

D.D: "Plus ils sont dans les grands clubs et à l'étranger, plus ils sont confrontés aux exigences du haut niveau. Je ne dis pas que la Ligue 1, ce n'est pas bien. Mais les mêmes qui ont une certaine attitude en Ligue 1, quand ils partent à l'étranger, c'est fini ! Pourquoi ne le font-ils pas quand ils sont là ? Parce qu'en France, ils ont une liberté absolue qu'ils n'ont pas à l'étranger. Parce qu'il y a un cadre qui est défini et s'ils sortent du cadre, ils morflent. Ils sont dans un monde d'impunité. Aujourd'hui, si tu veux sanctionner, tu ne peux pas. La législation est faite telle que tu as les avocats, etc...

Vous insistez sur le rôle de l'argent mais à votre époque, les salaires étaient déjà confortables...

D.D: Ca n'a rien à voir. Mon premier contrat professionnel, c'était évidemment beaucoup d'argent, et plus que ce que gagnaient mes parents. Mais aujourd'hui, le premier contrat professionnel qu'on leur donne sans qu'ils n'aient rien prouvé ni joué une seule minute dans le secteur pro... Ce n'est pas que de la faute des joueurs et des entourages. Gagner de l'argent, pas de souci, mais ça doit venir de pair avec des résultats sportifs. C'est ça le problème. La loi Bosman a changé le football. Tant mieux, il n'y a plus de frontières, tout le monde peut jouer chez tout le monde mais ça a fait beaucoup, beaucoup de mal au football français. La survie du foot français, c'est quoi ? De former des joueurs et de les vendre. Le problème, maintenant, c'est que quand un club investit sur un jeune, il n'est pas sûr qu'il signe pro chez lui. Avant c'était une obligation. Tu rentrais aspirant, stagiaire, tu étais obligé de signer pro. Au moins, le club avait un retour sur investissement. Aujourd'hui combien partent à seize ans ?

P.S-A: "Eux (les footballeurs français, NDLR) vont à l'étranger. Mais nous, comme l'eldorado du rugby mondial, c'est la France, nos Français ne jouent plus. Piliers droits: 80% d'étrangers. 80% des demis d'ouverture: étrangers.

D.D: Il n'y a pas des règles ? des quotas ?

P.S-A: "Si, les Jiff (joueurs issus de la formation française, NDLR). Ca a été critiqué mais on voit des jeunes de 20-21 ans qui apparaissent.

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