Chavancy : "J’aurais aimé avoir une carrière dans l’armée"

Par Rugbyrama
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Publié le Mis à jour
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Henry Chavancy s’est longuement confié sur son rôle au sein du Racing 92, son père militaire ou ses années en Pro D2. En marge de la rencontre face à Clermont, qui célébrera les 140 ans du club francilien, l’icône dés Ciel et Blanc ouvre même la porte à une éventuelle prolongation…

Quel a été le programme de ces trois semaines sans Top 14 ?

On a eu une semaine de vacances, cela m’a fait du bien de couper un petit peu avec l’entraînement et de me régénérer. Je suis un petit peu blessé sous le pied donc j’ai repris les soins et le travail avec les kinés. Maintenant tout le monde est concentré sur la compétition et cette rencontre face à Clermont.

Comment jugez-vous votre début de saison individuel et collectif ?

Je trouve que l’on a fait un début de saison mitigé. On a assuré l’essentiel en restant invaincu à domicile, on a également gagné à Brive. C’était une victoire que l’on recherchait depuis longtemps. Je trouve que l’on peut encore mieux faire mais c’est bon signe parce qu’on est quand même dans le peloton de tête. C’est encourageant pour la suite.

À 32 ans, vous jouez un peu moins que les années précédentes. Est-ce une chose que vous vivez bien ?

Cela ne me pèse pas plus que ça. J’ai la chance de jouer et d’aider mon équipe sur le terrain. J’ai manqué certains matchs sur blessure, mais c’est vrai que les années passent et mon temps de jeu se réduit, ce qui est normal. On a un groupe pléthorique au Racing, surtout au poste de centre, donc c’est une bonne chose que le temps de jeu soit partagé. Le plus important, c’est que tous les joueurs soient ici pour un intérêt commun. J’ai de plus en plus un rôle d’accompagnement auprès de mes coéquipiers sur et en dehors du terrain.

Comment ce rôle de leader se matérialise-t-il au quotidien ?

Faire attention à ce que tous les joueurs aillent bien individuellement. Si certains ont des soucis, c’est important qu’ils comprennent qu’on est là. Collectivement, c’est aussi faire en sorte que le groupe aille dans le même sens, qu’il n’y ait pas de parasites. Pour moi, c’est important d’amener mon expérience aux plus jeunes.

Vous êtes le dernier homme d’un club en Top 14, après la retraite de Maxime Médard la saison dernière. Est-ce une fierté ?

Évidemment, c’est surtout une chance d’avoir pu jouer dans un seul club toute ma carrière. J’ai commencé en Pro D2 et ma carrière a évolué en même temps que le club. Je n’ai jamais ressenti de lassitude ou une envie de partir puisque le Racing lui-même changer constamment. J’ai pris cette opportunité et je suis aujourd’hui reconnaissant du parcours que j’ai pu avoir ici.

Top 14 - Racing 92 - Henry Chavancy
Top 14 - Racing 92 - Henry Chavancy

Vous avez débuté le rugby à Nîmes, comment avez-vous atterri au Racing 92 ?

Effectivement j’ai commencé en poussin à Nîmes car mon père, militaire, était affecté là-bas. Puis il a ensuite été muté à Paris. Toute la famille a suivi, j’étais au collège à cette époque, et nous habitions dans le quartier Auteuil, à deux pas du stade Jean-Bouin. Peut-être que cela me prédestinait à jouer au Stade français d’ailleurs (rires). Mais je ne connaissais personne à Paris, et un copain de classe est venu me voir pour jouer au Racing avec lui. J’ai simplement demandé à mes parents si je pouvais le rejoindre et ils ont accepté. Mais cela aurait pu être n’importe quel club ! Finalement je suis tombé amoureux du Racing, de l’état d’esprit du club, de son histoire du maillot… Je le dis que j’ai bien fait de choisir ce club !

Vous avez tout connu au Racing et notamment les années Pro D2. Comment était cette période ?

J’ai eu la chance de connaître les années fastes de Pro D2 à partir de 2007. Jacky Lorenzetti est arrivé à ce moment-là avec une équipe très compétitive, mais avant cela je regardais en tant que spectateur et c’était très dur. Le club était en mode survie chaque année, il se maintenait administrativement ou à la dernière journée. Il y avait 300 personnes dans le stade, dont 200 de l’école de rugby… C’était vraiment la galère, mais ce n’était pas un souci pour nous les jeunes. On était fier de porter ce maillot, mais tout a changé quand Jacky est arrivé en 2007.

C’est-à-dire ?

Il a fait appel à Pierre Berbizier et son staff qui ont restructuré le club de A à Z avec une équipe ultra compétitive dès la première année de Pro D2. Des joueurs comme Agustin Pichot, David Auradou ou Jeff Dubois sont venus et ils étaient des stars à l’époque ! On a mis deux ans à remonter le club en Top 14, mais c’était une aventure incroyable pour moi. Je pense à tous ces jeunes qui débutent en Top 14… C’est tellement dur ! J’ai eu la chance de commencer en Pro D2, dans une forme d’apprentissage du rugby professionnel, et cela m’a vraiment fait du bien.

Pensez-vous que les jeunes joueurs devraient davantage faire leurs armes en deuxième division ?

Clairement ! À part évidemment quelques contrexemples qui sont déjà au-dessus du lot. Même au Racing je conseille à plusieurs jeunes de se faire prêter en Pro D2, parce que je considère que c’est important qu’ils s’inscrivent sur le long terme ici. Pour certains c’est leur club de cœur, et le Racing aura besoin d’eux à l’avenir. Je pense que c’est une excellente formation de partir une ou deux années en Pro D2 pour apprendre ce qu’est le haut niveau.

On sent que cela vous a forgé…

Comme je l’ai dit, j’ai eu une chance inouïe de débuter en Pro D2 avec moins de pression aussi. On avait un effectif au-dessus du lot lors de la deuxième année, on a rapidement su qu’on serait premier et qu’on allait monter directement donc cela m’a permis de me libérer davantage. Cela a vraiment été bénéfique pour moi.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez acquis le goût de faire le sale boulot au centre ?

Cela a été naturel dans le sens où je n’ai pas de qualités particulières qui font qu’on me remarque pour autre chose que mon travail pur. Mais cela me va très bien ! Je n’ai pas du tout d’ego par rapport à cela. Je crois que mon plaisir est d’aider mes partenaires, même quand c’est du travail de besogneux. C’est peut-être quelque chose que l’on remarque moins, mais je n’ai aucun problème avec ça. Ce qui me plaît est de me sentir utile pour l’équipe.

Henry Chavancy - Racing 92
Henry Chavancy - Racing 92

Dans vos jeunes années vous avez également été très présent pour accueillir Virimi Vakatawa. En quoi était-ce essentiel pour vous ?

J’ai été présent comme d’autres, mais je pense être quelqu’un de bienveillant et qui pense au bien-être des autres. Virimi est arrivé à dix-huit ans depuis les Fidji, donc cela devait être très compliqué pour lui. J’avais vingt ans à l’époque et on s’est tout de suite bien entendu. Au-delà de Virimi, c’est très important pour moi que les gens se sentent bien au Racing. C’est mon club de cœur, quand des grandes stars arrivent et qu’ils apprennent à aimer le club je suis le plus heureux des hommes.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris cette retraite anticipée de Virimi ?

Sous le choc bien sûr. Personne ne s’y attendait, j’étais très triste pour lui. Mais avec du recul, je suis heureux d’avoir eu la chance de jouer avec lui, de le côtoyer en dehors du terrain. Aujourd’hui nous sommes amis, et peu importe qu’il ait arrêté le rugby, on le restera pour la vie. Je suis aussi heureux que le staff médical ait fait du bon boulot et a peut-être évité quelque chose qui aurait pu être bien plus grave.

Au milieu de toutes ces années, il y a évidemment eu l’épisode fusion avec le Stade français, en mars 2017. Racontez nous cet épisode…

C’était une période assez spéciale, voire lunaire. J’étais à Marcoussis avec l’équipe de France à ce moment-là et je n’ai pas assisté à cette réunion exceptionnelle avec les présidents des deux clubs qui annonçaient cela aux salariés. Je me souviens avoir appris cette nouvelle sur Internet et au début je pensais que c’était une blague ! À Marcoussis j’étais avec certains joueurs du Stade français et on se demandait ce qu’il se passait… Je crois que ma présence au CNR était un petit coup de pouce du destin parce que si j’avais été sur place je pense que j’aurais pu très mal réagir. Je suis quelqu’un de franc et honnête, j’ai dit le fond de ma pensée à Jacky et aux personnes concernées. Aujourd’hui encore, je ne comprends pas comment ils ont pu avoir cette idée-là. Je suis très content que cette fusion n’ait pas eu lieu. Quand on voit qu’il y a sept clubs de football à Londres, je me dis qu’il y a de la place pour deux équipes de rugby à Paris.

Top 14 - Jacky Lorenzetti (Racing 92)
Top 14 - Jacky Lorenzetti (Racing 92)

La relation avec Jacky Lorenzetti a-t-elle été entachée à ce moment-là ?

Je ne dirais pas qu’elle a été entachée. Cela a été une période trouble, oui, je lui ai fais savoir mes désaccords avec respect. J’ai énormément de respect pour Jacky, je lui voue une admiration sans faille. Il peut faire ce qu’il veut aujourd’hui. Si le Racing en est là aujourd’hui c’est grâce à lui. Je n’oublie pas ceux qui ont tenu le club à bouts de bras à l’époque, comme Éric Blanc ou Éric Legagneux. Mais quand je vois tout ce qu’il a construit, je trouvais dommage qu’il veuille brûler tout ce qu’il avait fait avec cette fusion. Donc on a toujours eu de bonnes relations, franches. Moi aussi j’ai fait des erreurs. Je me souviens d’une année où j’avais posé pour le calendrier des Dieux du stade (rires) et cela ne lui avait pas plu du tout ! Ce que je peux comprendre aujourd’hui. On a toujours eu l’intelligence de se parler sincèrement.

L’un de ses grands projets était cette fameuse U Arena, aujourd’hui baptisée Paris La Défense Arena. Qu’en avez-vous pensé au début ?

J’étais peut-être le seul joueur de l’effectif à regretter Colombes (rires). Même si le stade Yves-du-Manoir était chargé d’histoire, il devenait vétuste. Mais je crois que l’évolution du club voulait que l’on se dote d’une nouvelle enceinte. Et aujourd’hui quelle enceinte ! Je crois que l’Arena est la référence des stades en France pas qu’en rugby. Il m’arrive de regarder les yeux ébahis de certains adversaires lorsqu’ils rentrent dans notre stade. Et je crois aussi qu’il a su fédérer les supporters. Parfois j’entends qu’il n’y a pas une bonne affluence au Racing etc. Mais il faut se rappeler qu’on est passé de 300 spectateurs à 10 000 minimum aujourd’hui. Je crois que les supporters se sont appropriés les lieux.

Votre contrat se termine en juin 2024, y pensez-vous ?

Je commence à y penser bien sûr. Ce n’est pas une question qui fâche au contraire ! Je ne m’empêche pas de me dire que ça pourrait continuer un petit peu. Je ne m’interdis rien. Je crois qu’il y a un projet sur un retour du Racing à Colombes après les jeux Olympiques 2024 et je me dis que ça pourrait être une bonne idée de raccrocher mes crampons là où j’ai commencé et de faire une année supplémentaire si je me sens bien. Mais pour l’instant je me dis que ça peut être aussi la fin de ma carrière la saison prochaine.

À l’instar de votre père, n’avez-vous jamais été tenté par une carrière militaire ?

Quand j’étais jeune, j’étais au lycée militaire, j’étais presque programmé pour faire une carrière dans ce domaine mais je ne me suis jamais posé la question à ce moment-là. Mais c’est marrant que vous parliez de cela, parce qu’il m’arrive de penser au métier que j’aurais fait si je n’avais pas été rugbyman et c’est maintenant que je me dis que j’aurais aimé avoir une carrière dans l’armée.

Pour quelle raison ?

Quand on est jeune on ne se rend pas compte de ce qu’ont pu faire nos parents. Aujourd’hui je suis fier de ce qu’a fait mon père (NDLR : Pierre Chavancy était un général de l’armée de terre et gouverneur militaire de Lyon) et je me dis que j’aurais aimé avoir cette carrière-là m’engager comme il a pu le faire. J’ai eu la chance de côtoyer certains militaires et ce sont des gens que j’admire. Ils s’engagent pour leur pays et c’est quelque chose où j’éprouve beaucoup de respect.

Est-ce cette éducation qui vous a mené à vite devenir un leader au Racing ?

Franchement je ne sais pas. Quand je vois que mon père était général je me dis que c’était peut-être dans les gênes (rires). Mais en même temps je n’ai pas toujours été un leader de parole, c’est plutôt venu avec l’expérience. Dans l’engagement c’est peut-être davantage naturel.

Vous disiez n’avoir jamais été tenté de partir. Qu’est-ce qui vous a fait rester autant d’années au Racing ?

Quand j’étais jeune je rêvais de jouer en équipe première au Racing. Une fois qu’on a réalisé son rêve, il n’y a pas d’autres choses qui pouvaient me faire plus plaisir que de porter ce maillot. J’ai commencé en Pro D2, on est monté en Top 14 puis on a changé de centre d’entraînement, de stade… J’ai toujours eu l’impression que le club avançait et évoluait. Aujourd’hui, j’ai toujours la même sensation de fierté quand je joue pour ce club. Je me dis que c’est le maillot que j’avais il y a vingt-cinq ans. Franchement, je pense que cela me ferait bizarre de porter un autre maillot.

Même à l’étranger ?

C’est différent. Si je devais changer de club, ce serait uniquement à l’étranger pour vivre une nouvelle expérience. Si je n’avais pas resigner avec le Racing j’aurais bien aimé partir aux États-Unis avec ma famille pour découvrir autre chose.

Test-match - Le XV de France d'Henry Chavancy dépité après avoir concédé le match nul contre le Japon
Test-match - Le XV de France d'Henry Chavancy dépité après avoir concédé le match nul contre le Japon

Un mot sur l’équipe de France. Est-ce un regret de ne pas comptabiliser plus de sélections avec les Bleus ?

Non du tout ! Je suis super heureux d’avoir eu la chance de représenter mon pays, mais comme je dis, mon rêve premier était de jouer pour le Racing. Quelque soit le niveau. L’équipe de France n’était même pas un rêve pour moi. Puis il y a eu cette période où beaucoup de gens me disaient que je méritait d’y aller, que c’était une injustice que je n’y sois pas… Moi je ne l’ai jamais vécu comme ça. J’ai eu une courte expérience, je n’ai pas beaucoup joué, mais j’étais à beaucoup de rassemblements pendant deux ans. C’était une période difficile pour le XV de France à l’époque mais je n’ai aucune aigreur. Je suis très reconnaissant du staff de Guy Novès, de Jeff Dubois avec qui j’avais joué plus jeune. Je n’éprouve que de la fierté.

En club justement, quelle est votre plus grande fierté et votre plus grand regret ?

Les regrets, ce sont les finales de Coupe d’Europe… notamment la dernière. La première, les Saracens étaient plus forts et cela a été une étape pour nous. La seconde contre le Leinster c’était un match très équilibré, mais j’ai la sensation que sur la troisième contre Exeter, on était plus forts qu’eux et je pense qu’on aurait dû gagner. Et je pense que ma plus grande fierté c’est le titre de champion de France de Pro D2 en 2009 ! Que "mon" club monte en Top 14 c’était énorme à l’époque. Les gens ne s’en souviennent peut-être plus mais c’était extraordinaire. J’avais vingt ans, on avait une équipe d’anciens et je me sentais trop bien avec eux. C’était une belle époque !

Un mot sur la saison prochaine avec l’arrivée de Stuart et la montée en grade de Laurent travers. A quoi vous attendez-vous ?

La première chose est de rendre hommage à Laurent Travers, sans vouloir faire le fayot (rires). Ça fait dix ans qu’il est ici et c’est extrêmement rare. C’est aussi l’un des seuls entraîneurs qui va partir sans se faire botter les fesses ! Il a fait un gros travail au Racing et ce changement avec Stuart va forcément amener des nouveautés. Il a prouvé au Leinster et avec l’Angleterre que c’était un grand entraîneur, donc on a hâte de voir ce qu’il peut nous apporter.

À 32 ans avez-vous déjà commencé à préparer ton après carrière ?

J’essaye d’y penser… J’adorerais avoir quelque chose d’évident en tête, mais je n’ai pas cette chance-là. Je me laisse encore un peu de temps pour mûrir ma réflexion et m’épanouir dans quelque chose d’aussi fort que le rugby.

Par Clément Labonne

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