Drops en finale (1992) - Delaigue, le gamin qui gâcha la der de Blanco

Par Rugbyrama
  • Le jeune Yann Delaigue à la poursuite de Serge Blanco
    Le jeune Yann Delaigue à la poursuite de Serge Blanco
  • Yann Delaigue effectuera son grand retour à Toulon en 2006, neuf ans après l'avoir quitté.
    Yann Delaigue effectuera son grand retour à Toulon en 2006, neuf ans après l'avoir quitté.
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Aujourd’hui de moins en moins utilisé, le drop-goal n’en demeure pas moins un geste emblématique du rugby. Véritable arme fatale, il permet autant de concrétiser une domination collective que de miner le moral de l’adversaire. C’est d’autant plus vrai lors des fameux matchs couperets, où le moindre petit point peut faire la différence.

À quelques jours de la grande finale entre Toulouse et La Rochelle, retour sur ces drops qui ont marqué l’Histoire des finales du rugby français. Le premier épisode est consacré à Yann Delaigue, et à ses deux réalisations lors de la finale 1992, ayant opposé Toulon à Biarritz.

Cette date du 6 juin, tous les amateurs de rugby l’avaient coché sur leur calendrier. Elle marquait le dernier match de la légende Serge Blanco sous les couleurs du BO. Une dernière qui allait être compromise par un "minot" de Toulon, bientôt surnommé "le petit Mozart" : Yann Delaigue. Ce gamin au pied gauche de velours ne sortait pourtant pas de nulle part. Blanco, Arriéta, Pool-Jones et compagnie étaient prévenus : l’ouvreur rouge et noir était une machine à enquiller les drops. "J’en avais beaucoup mis lors des tours précédents, en phase finale, pratiquement deux par match !", se souvient le principal intéressé. Tarbes, Castres ou encore Béziers en avaient notamment fait les frais.

À 19 ans seulement, et alors que l’odeur des phases finales se faisait sentir du côté de la rade, la fine gâchette mettait l’accent sur le drop-goal à l’entraînement. "Je ne le travaillais pas tellement pendant la saison régulière, mais plus pendant les phases finales", affirme-t-il aujourd’hui.

On ne peut pas se permettre de jouer dans une équipe qui domine sans marquer

Alors que la finale a commencé et que les presque 50 000 spectateurs du Parc des Princes sont installés, son équipe est menée 7 à 6. Delaigue choisit de s’illustrer une première fois. "Quand les enjeux sont aussi importants et que l’adversaire reste discipliné, on ne peut pas se permettre de jouer dans une équipe qui domine sans marquer des points. À un moment donné, il faut que la domination soit transformée !" Après tout, le "drop n’est que l’éjaculation précoce de l’attaque", aimait à dire Philippe Guillard, ancien joueur du Racing 92.

Le Rugby Club Toulonnais souhaite un très joyeux anniversaire à sa charnière championne de France en 1992 @AUBINHUEBER et @yanndelaigue qui fêtent respectivement leurs 54 et 48 ans ! Happy Birthday ! ??? pic.twitter.com/bLff9ZD9ty

— RCT - RC Toulon (@RCTofficiel) April 5, 2021

Le match est serré, on a passé la demi-heure de jeu de ce Toulon-Biarritz, la mi-temps approche et les Rouge et Noir sont dans 40 mètres biarrots… L’ancien ouvreur varois raconte la suite : "J’annonce avant que veux le ballon rapidement pour me mettre dans les meilleures conditions. Aubin Hueber me délivre une bonne passe sèche. Dès le coup de pied, je sens que le ballon part bien, je sais qu’il va passer. Ça nous met dans le sens de marche." La frappe est pure, limpide, puissante aussi, puisque la gonfle parcourt 45 mètres avant de retomber derrière les poteaux.

Le jeune prodige admet tout de même qu’à l’époque, il était plus facile d’envoyer la balle assez loin. "Les ballons en cuir avaient une réaction qui était assez forte. Quand le terrain était sec, comme c’était le cas ce jour-là, ils répondaient bien au jeu au pied."

Tout jeune bourreau des Biarrots

Delaigue avait donc voulu imiter Christian Cauvy, l’ancien "Monsieur Drop" du RCT, qu’il "regardait lorsqu’il était gamin". À la différence que le minot de la rade, lui, réussit sa tentative. Ce qui n’avait pas été le cas de Cauvy en 1989, face à Toulouse. L’emblématique Éric Champ avait un jour confié à Yann Delaigue : "Quand tu tapes ton drop des 45 mètres, tu as fait comme Cauvy trois ans plus tôt. Mais lui avait touché le poteau, et on avait perdu le match. Quand j’ai vu ton drop passer, j’ai su qu’on allait gagner."

Le RCT du capitaine Pierre Trémouille mène à la pause (9-7). Et Yann Delaigue n’en a pas fini de punir les Basques. 62e minute, le club au muguet est toujours en tête (13-7). Les trois points que rapporte un drop seraient les bienvenues. Ils permettraient aux hommes de Jean-Claude Ballatore de se détacher un peu plus, pour filer vers la tribune officielle et ainsi toucher le précieux bout de bois.

J’ai souvenir de Blanco qui se prend la tête dans les bras lorsque le ballon passe entre les perches

Même à 19 ans, aucune pression pour le futur international (20 sélections). "Toute l’insouciance de la jeunesse avait pris le pas. L’instinct du dropeur l’appelle alors. On ne prévoit pas de taper un drop-goal avant le match, on l’a simplement dans un coin de la tête. Cela fait partie de la stratégie de gestion d’une partie."

Le demi de mêlée, Hueber encore lui, collant au derrière de ses avants, extirpe le cuir vers son ouvreur. "Sur ce deuxième drop, je suis un peu plus pressé, je mets plus de puissance dans le frappe. Le coup de pied est moins beau, il part un peu en vrille, donc j’attends vraiment jusqu’à la fin afin de voir s’il passe bien (sourire)."

Et en effet, le drop passe bien. Un coup de massue en plein sur la tête des Biarrots. "J’ai souvenir de Blanco qui se prend la tête dans les bras au moment où le ballon passe entre les perches. Je pense qu’il accusait un peu le coup…"

Yann Delaigue effectuera son grand retour à Toulon en 2006, neuf ans après l'avoir quitté.
Yann Delaigue effectuera son grand retour à Toulon en 2006, neuf ans après l'avoir quitté.

La botte du numéro 10 a fait son effet. Le "Pelé du rugby" et son club de toujours ne reviendront jamais à hauteur des Toulonnais (score final : 19-14), les laissant ajouter un troisième titre de champion de France à leur palmarès. Et devinez quoi, près d’une décennie plus tard, Delaigue récidivera, lors d’une finale du championnat avec Toulouse cette fois. Finale où il claquera trois drops. Décidément létal.

Par Dorian VIDAL

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