Roubert : "Trouver une solution qui soit la moins inéquitable"

  • Yann Roubert (Président du LOU)
    Yann Roubert (Président du LOU)
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CORONAVIRUS - TOP 14 - Le président du LOU, également membre du comité directeur de la LNR et du comité exécutif de l’EPCR, se confie en exclusivité sur la situation actuelle du rugby français. Yann Roubert évoque les solutions envisagées pour la reprise des compétitions, tout en n’éludant pas les conséquences que la pandémie actuelle aura sur l’économie du rugby.

Yann Roubert, quelle est votre position quant à la suite à donner à cette saison 2019-2020 ? Faut-il reprendre quand cela sera possible ou l’annuler ?

Yann Roubert : On espère tous pouvoir finir la saison et que ça reprenne. Quand je dis "on", ce sont les joueurs, les clubs, les partenaires et les diffuseurs parce que quand la vie normale aura repris, je pense que tout le monde aura envie et besoin de divertissement, aussi futile soit-il. On est bien conscient que le rugby ne sera pas prioritaire mais c’est un divertissement de sport qui fera du bien à tous. Bien sûr que l’on a envie de reprendre, après évidemment que cela ne dépend pas de nous et qu’il y a d’autres priorités. La priorité absolue c’est la santé et la situation sanitaire mais même si cela parait de plus en plus improbable de pouvoir rejouer au rugby dans des conditions normales, tant qu’il y a un espoir on se prépare à reprendre.

Au regard des derniers éléments, croyez-vous encore en une reprise ?

Y.R : Avant la fin du mois de juin, on sait que ce serait sans public et, du coup, les propos du Président de la République semblent condamner la fin de saison. Après, il faut voir s’il est envisageable, et on va en discuter avec les différents présidents, de recaler des phases finales avant la reprise de la saison 2020-2021 pour sauver ce qui l’être et trouver un épilogue à cette saison qui sera forcément incomplète. S’il y a moyen d’avoir des phases finales, idéalement avec du public, on a peut-être plus de chances en août qu’en juin. C’est quelque chose qui peut être envisagé.

Le huis-clos est-il, du coup, envisageable mais également viable ?

Y.R : On ne parle vraisemblablement que de phases finales donc il est évident que des phases finales sans public, cela a beaucoup moins de saveurs. Donc pourquoi pas les envisager non pas fin juin mais fin août pour essayer d’avoir une issue à cette saison incomplète et particulière, et idéalement un champion avec ses supporters et la fête qui va avec. C’est particulier mais c’est peut-être la moins mauvaise des solutions pour essayer de finir malgré tout cette saison 2019-2020.

Ce qui enterre l’idée évoquée d’une finale le 18 juillet ?

Y.R. : Oui parce que ne faire qu’une finale, je pense que personne n’en voudrait. Même pas Bordeaux et le LOU. On maximiserait potentiellement les chances en la décalant. Et puis si j’ai bien compris ce qu’a dit le Président, il n’y a rien qui garantit la présence de public. On sait qu’il n’y aura pas de public avant le 15 juillet mais on n’a pas de certitudes qu’il puisse y en avoir le 18. Et il y a pas mal de complexité avec l’affaire des contrats, quels effectifs, etc. Si c’est sans public, ça ne vaut sans doute pas le coup de se créer de tels problèmes pour une solution incertaine.

Dans le scénario où la saison s’arrêterait, du point de vue du LOU qui était deuxième, ce serait une grosse déception, pour ne pas dire une frustration ? Vous êtes favorable à un système de bonus appliqué sur la prochaine saison ?

Y.R. : Si cela ne reprenait pas, on se rangera à la majorité. Cela étant, c’est vrai que l’on a été frustré avec nos amis bordelais, du Racing, Brive, Bayonne, Perpignan, Colomiers et quelques autres, de voir que si cela ne reprenait pas, on repartait à zéro. Évidemment que cela viendrait annihiler le travail de toute une saison et de plusieurs années. Bien sûr que l’on est frustré et que l’on regrette que les calculs particuliers ou les intérêts partisans puissent parfois prévaloir et biaiser une certaine éthique sportive. On serait déçu que tout ce travail, deux-tiers d’une saison en Top 14, trois-quarts d’une saison en Pro D2, comptent finalement pour du beurre. D’une manière générale, on était favorable à une prise en compte, d’une manière ou d’une autre, en cas de non redémarrage de la saison. Mais on le fera s’il le faut parce que l’on respectera la majorité, mais avant de se résoudre à ça, on espère pouvoir faire tous les recours pour pouvoir rejouer, que ce soit six matchs ou deux…

L’idée d’un Top 16 a été évoquée - en clair faire monter deux clubs de Pro D2 même si la saison en cours ne reprenait pas. Cela pourrait-être crédible ?

Y.R. : Ça pourrait être une solution éthique sur le plan sportif, c’est sûr. Après, cela pose des problèmes de calendrier qui semblent ingérables. On a fait des études pour un Top 16, cela ferait un championnat sans le moindre week-end de répit ou de report potentiel entre la 1ère journée et la finale. Sachant que l’on aura peut-être, en plus de ça, des matchs internationaux à recaler et trois dates de Coupe d’Europe (quarts, demies et finale) qui n’ont pas eu lieu. Cela rendrait le problème de calendrier inextricable. Malgré tout, on garde une responsabilité prioritaire qui est celle des joueurs. On n’est pas à l’abri d’une rechute ou d’un coup de gel cet hiver qui entraine des reports. Pour le coup, on serait sans solution. C’est un argument de plus pour essayer d’attribuer un titre de Champion de Pro D2 et une prise en compte des résultats de la saison pour ne pas annihiler le travail qui a été fait. J’espère que, collectivement, on arrive à trouver une solution qui soit la moins inéquitable possible. Ce sera forcément incomplet mais il faut que ce soit le moins injuste.

Vous parlez de la santé des joueurs, et c’est un point central. Ce sont les premiers concernés par ce calendrier à repenser. Il faut les protéger…

Y.R. : C’est pour ça que la santé reste la priorité numéro un et que dans tous les scénarios, il y aurait trois à quatre semaines de réathlétisation avant de pouvoir rejouer. Et il faudra voir les conditions du déconfinement. Est-ce que cela permettra le contact entre joueurs ? Il y aura aussi la question de la santé du public…

Cette période implique des restrictions budgétaires avec un impact sur les salaires. Quelle est votre position quant à la possible baisse du salary cap, ou encore la mise en place d’un marquee player (joueur désigné) ?

Y.R. : La situation est très lourde de conséquences pour l’ensemble des acteurs du rugby. Elles vont être très lourdes et l’impact serait énorme, dramatique pour certains, c’est une évidence. Cela demandera des efforts à tous. Joueurs compris ! Il n’est nullement question qu’ils soient l’unique variable d’ajustement pour retrouver une situation à l’équilibre, mais toutes les charges doivent être réduites, y compris la masse salariale. Et cela nous empêchera de faire des investissements, de recruter ou d’envisager certains travaux ou actions. Toutes les économies qui peuvent être faites doivent être faites, il en va de la survie de certains clubs et du championnat. On ne se pose pas encore la question du marquee player, mais plutôt celle de la réduction des charges, car ce dispositif ne va pas forcément dans ce sens. Pourquoi pas, à terme, mais la question n’est pas d’actualité.

Concernant la baisse des salaires, quel mécanisme préconisez-vous ?

Il est certain que les conséquences et que l’impact sera considérable, pour le LOU comme pour l’ensemble des clubs. Il est évident qu’il y aura des efforts pour tous, mais les joueurs ne sont en aucun cas les seuls à faire des efforts. Ce ne sera pas la seule variable. C’est sans doute la variable la plus importante car c’est le plus gros poste de charges, mais en aucun cas le seul. Chez nous, sur tous les travaux et investissements que l’on envisageait, il y aura de la casse. Ce sera à tous les niveaux. Les efforts demandés concerneront malheureusement tout le monde.

Justement, le LOU a t-il gelé son recrutement ?

Y.R. : Tout est en stand-by. On a besoin de savoir quelle sera notre situation et quels seront nos moyens à l’issue de cette crise.

Des clubs vont souffrir ou souffrent déjà. Quelle est la situation du LOU qui a la "chance" de pouvoir s’appuyer sur un actionnaire comme GL Events ?

Y.R. : Il est impossible d’avoir des chiffres précis à l’heure actuelle parce que l’on ne sait pas comment on va s’en sortir mais il est très simple de voir que les conséquences seront très lourdes. Nos revenus sont passés de 100% à 0%. On vit de matchs et d’évènements qui se passent au Matmut Stadium de Gerland, de restaurants et de boutiques. Notre chiffre d’affaires est passé à 0 depuis la mi-mars, et d’une manière pas anticipée. Le dispositif de chômage partiel nous permet de réduire les charges mais pas totalement parce que la partie qui reste à charge est importante. On ne pourra pas assumer ces dépenses continuellement sans le moindre revenu. On aura besoin de l’aide de tous. Nous comme tous les autres clubs. Le LOU Rugby et son actionnaire principal, GL Events, ont la chance de sortir d’une belle année. Mais pour notre actionnaire, la situation est très lourde car c’est un groupe d’évènementiel. On sera impacté au même titre que tous les autres clubs.

Sincèrement, est-ce que des clubs pourraient ne pas s’en remettre ?

Y.R. : Ce n’est pas impossible. Tous les clubs vont y laisser des plumes. Les conséquences seront lourdes pour tous. Il y en a peut-être qui vont y laisser leur peau. Je pense que l’impact est considérable pour l’ensemble du rugby et cela va avoir un impact durable sur nos situations économiques. Mais le rugby n’a pas l’exclusivité des soucis ! C’est un des secteurs qui est touché, comme des tas d’autres. On comprend bien que le rugby ne soit pas prioritaire ou même le sport d’une manière générale (les chiffres de la DNACG étant publics, ils permettent de connaitre davantage la situation économique de chacun des clubs, ndlr).

Si Canal + venait à ne pas honorer le dernier versement concernant les droits TV, seriez-vous choqué ?

Il est évident que les droits TV, au même titre que les revenus de sponsoring ou de billetterie, feraient un défaut cruel et viendraient empirer une situation qui est déjà grave. Après, je pense que Canal a montré que depuis que le rugby est professionnel qu’il était un partenaire fidèle et loyal de la LNR, d’où l’idée d’essayer de trouver des solutions pour proposer des matchs, même si le contexte est très d’une manière générale à tous les passionnés de rugby. On en aura envie et besoin. Il ne faut pas négliger le fait que permettre à notre diffuseur de diffuser les matchs les plus importants, donc si on peut en recaler, c’est important de pouvoir tenir des phases finales, quel que soit le format et la date. C’est ce qui est important. On sera tous heureux de reprendre le rugby, quel que soit la date, l’endroit ou la formule, pour avoir un épilogue.

La FFR a également communiqué, comment avez-vous réagi ?

Bernard Laporte est dans son rôle de proposer des solutions à tous les clubs, amateurs, et de se pencher sur les sujets du rugby. C’est important de ne pas opposer les visions mais, au contraire, d’échanger et de dialoguer, de partager les idées pour pouvoir trouver, collectivement les meilleures solutions.

Aujourd’hui, dans ce contexte, la priorité reste de sauver les ligues domestiques. Mais cela peut-il se faire au détriment de la Coupe d’Europe ?

Y.R. : Je pense que d’une manière générale, la situation l’exigera. Le rugby repartira d’abord au niveau local-national puis international et transcontinental. On ne sait pas si les déplacements transfrontaliers seront autorisés, surtout pour faire du sport de contact. La priorité sera donnée aux Ligues domestiques mais il ne faut pas négliger les enjeux sportifs - les clubs qualifiés veulent aller chercher un titre - et économiques car ce sont aussi des droits de billetterie, diffusion et sponsoring.

Bernard Laporte a évoqué cette idée de Coupe du Monde des clubs, proposition pour laquelle Paul Goze a précisé que ce serait une compétition qui aurait lieu tous les quatre ans. Comment avez-vous réagi ?

Y.R. : Cette idée, on y est très favorable car c’est un projet qui est hyper attractif pour tous les acteurs (joueurs, clubs, partenaires, diffuseurs). Il y a un intérêt mais ce n’est pas une idée nouvelle. On évoque des formules très concrètes avec l’EPCR depuis que l’on réfléchit au nouveau format des Coupes d’Europe que l’on va peut-être devoir mettre en place dès la saison prochaine. Il est évident que l’on y est favorable, plutôt en complément de la Coupe d’Europe qu’à la place. Il y a des enjeux et un attachement pour cette compétition. On est ouvert au dialogue pour trouver la bonne formule et on y réfléchit avec l’EPCR. On est quasiment à un consensus avec les Celtes et les Anglais. On est ouvert à la discussion. C’est une bonne idée. On est partant. On espère que cela sortira.

Cela pose justement le débat de l’organisation des saisons sur une année civile et non plus à cheval sur deux années.

Y.R. : On est dans une position où il faut tout envisager. C’est le bon moment pour dialoguer et échanger sur les idées. Il ne faut pas opposer les projets. On en discute avec Bernard Laporte et toutes les parties prenantes comme les autres ligues européennes, l’EPCR et World Rugby.

L’actualité, c’est aussi la FFR qui ne serait pas favorable à une modification des statuts de la LNR qui permettrait, notamment, à Paul Goze de pouvoir postuler pour un troisième mandat de président. Comment vous réagissez ?

Y.R. : Je connais les statuts. Et je pense que quels que soient les statuts, que Paul restera impliqué à la Ligue. Je l’espère en tout cas. Peut-être pas en tant que président mais il aura toujours à apporter. Les élections paraissent bien loin… On verra plus tard en temps voulu, cela voudra dire que la vie normale aura repris.

C’est quelque chose qui peut vous intéresser ?

Y.R. : Ah non, j’ai encore beaucoup de boulot au LOU (rires).

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