Goze à Laporte : "Si vous touchez au Top 14, ce sera la guerre"

  • Comme sur de nombreux autres dossiers, les positions de Bernard Laporte, à gauche, et Paul Goze, à droite, au sujet de l’avenir du Top 14 et du Pro D2, s’éloignent de jour en jour.
    Comme sur de nombreux autres dossiers, les positions de Bernard Laporte, à gauche, et Paul Goze, à droite, au sujet de l’avenir du Top 14 et du Pro D2, s’éloignent de jour en jour.
  • Bernard Laporte et Eric de Cromières
    Bernard Laporte et Eric de Cromières
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TOP 14 - Si la LNR a dévoilé la proposition qu’elle compte présenter ce lundi à World Rugby, elle n’a pas forcément expliqué les raisons qui ont conduit à cette position. Nous le faisons, ici...

Pour faire face à la révolution orchestrée par World Rugby, la Ligue Nationale de Rugby n’a pas ménagé ses efforts. Commande d’une étude sur les impacts financiers d’un éventuel changement de saisonnalité pour le calendrier du Top 14 et du Pro D2, mise en place d’un groupe de travail et plan de "com" bien huilé pour révéler les contours d’un contre-projet qui n’en est pas vraiment un. Certes, la LNR a bien voulu tendre, à défaut de la main, quelques doigts à la fédération internationale en retenant la création d’une Coupe du monde des clubs tous les quatre ans — elle se disputerait sur cinq semaines entre avril et mai, réunissant les huit meilleures équipes de chaque hémisphère. Elle accepte aussi la mise en place d’une Coupe du monde des Nations qui se jouerait tous les deux ans, durant l’été avec une finale au mois de novembre. Mais la LNR refuse en revanche fermement l’idée que l’on puisse toucher à son joyau, le Top 14. Ni même à la Coupe d’Europe.

Dans le projet qui sera donc présenté lundi à World Rugby, mais qui a été dévoilé dès vendredi dans la presse, la Ligue réaffirme sa volonté de positionner le Top 14 sur dix mois, avec 29 dates de début septembre à fin juin. Quant à la Coupe d’Europe, elle mettra sans doute en avant sa générosité puisqu’elle accepterait de passer de neuf à huit dates. Les huiles de World Rugby apprécieront. L’harmonisation des calendriers pour enfin aligner les deux hémisphères, ce n’est pas pour tout de suite du côté de la LNR.

RDV historique qui se tient ce lundi à Dublin avec l’ensemble des dirigeants des deux hémisphères pour envisager la création d’un calendrier unifié. Ce serpent de mer peut-il devenir réalité ?https://t.co/nR3ZIjA9Gc

— Midi Olympique (@midi_olympique) June 14, 2020

Force est de s’interroger sur les raisons qui ont conduit à cette stratégie et qui pourrait bien mener à une situation de blocage. Vendredi, les présidents de clubs ont reçu un document préparatoire à leur réunion. Que dit ce document de 27 pages ?

Des pertes chiffrées entre 130 et 165 millions d’euros

D’abord, il résume la méthodologie de travail. Ensuite, dans sa deuxième moitié, il reprend les conclusions d’un cabinet de conseils "Corner Play" habitué à accompagner la LNR, notamment dans la gestion de ses droits TV. Dans ce document que nous nous sommes procuré, il est écrit : "les différentes options proposées par World Rugby pourraient impacter les revenus du rugby professionnel français à hauteur de 30 à 40 % (soit entre 130 et 165 millions d’euros de revenus en moins)." Ces chiffres sont pharaoniques et s’expliquent par un nombre inférieur de journées de championnat ou de Coupe d’Europe, "entraînant une perte directe de revenus sur les postes de Match Days, sponsoring et droits TV estimés entre -23 % et -28 %". Par ailleurs, le document précise : "Le calendrier devrait générer une baisse des revenus de sponsoring due à la mise en place de journées à moindre valeur, moins monétisables." Un exemple ? La période estivale estimée à -30 % de valorisation par rapport à la moyenne de l’année parce que soumis à une concurrence frontale d’autres compétitions sportives (Tour de France, Roland Garros, JO, Euro, Coupe du monde de football…). Sans parler encore d’une baisse de la fréquentation et donc des revenus de billetterie et hospitalités lors de certains matchs, durant cette période.

Si vous touchez au Top 14, ce sera la guerre

Quoi d’autre ? Il est question aussi de la "baisse des revenus droits TV alimentée par la déformation du calendrier, favorisant l’exposition à de nouvelles périodes de l’année moins attractives (périodes estivales avec -10 % de temps passé devant la télévision)" et, là encore, une concurrence frontale avec des événements sportifs forts. Selon nos informations, le détenteur des droits de diffusion du Top 14 et de la Pro D2, Canal +, a d’ailleurs fait largement savoir dans les couloirs de la LNR être extrêmement défavorable à tout changement de saisonnalité.

Le président de Brive Simon Gillham, également directeur de la communication de Vivendi, propriétaire de Canal +, l’a confirmé vendredi lors de la réunion des présidents pour venir au soutien de Paul Goze, alors chahuté par le président de Clermont, Eric De Cromières. La raison ? Pour l’ancien cadre de Michelin, "on ne laisse pas sa chance au produit." "Pourquoi voulez-vous tuer le produit dans l’œuf ?", a-t-il en creux interrogé, laissant entendre que World Rugby pourrait prévoir un dédommagement financier à l’égard des clubs. Réponse de Paul Goze : "Croyez-en mon expérience, nous n’aurons rien." Goze a d’ailleurs précisé avoir rencontré "physiquement" Bernard Laporte, vice-président de World Rugby, pour évoquer le dossier.

Bernard Laporte et Eric de Cromières
Bernard Laporte et Eric de Cromières

Interrogé par un participant sur la qualité de l’échange, il a fini, après une longue hésitation, par rapporter son propos : "Je lui ai dit si vous touchez aux intérêts du Top 14, ce sera la guerre." C’est donc dans ce climat que Paul Goze et Emmanuel Eschalier (directeur général) défendront leur position ce lundi face à World Rugby. Une première réunion qui, de toute évidence, en appellera bien d’autres.

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