Pas encore JIFF, Joseph doit patienter pour jouer plus

Le rugby n’en est plus à un paradoxe près. La LNR et son président Paul Goze, afin d’endiguer le déclin du XV de France, ont développé puis renforcé le système des JIFF pour augmenter mécaniquement le temps de jeu des jeunes talents français chez les professionnels. Soyons clairs, cela a dans l’ensemble porté ses fruits. Les N’Tamack and co sont là pour en témoigner. Mais comme tout système, celui des JIFF a ses failles et ses incohérences et le cas de Jordan Joseph est certainement celui qui interpelle le plus.

Débauché cet été par le Racing 92, l’ancien Massicois a éclaboussé la dernière Coupe du monde des moins de 20 ans de son talent et de sa maturité physique, à même pas 18 ans. Si bien que malgré son jeune âge, toutes les conditions étaient requises pour qu’il joue rapidement et régulièrement avec les Ciel et Blanc. Bingo, le staff francilien l’a utilisé quatre fois sur les six premières journées de Top 14. Plutôt pas mal pour un bambin ! Et depuis ? Seulement deux feuilles de match en championnat et une en Champions Cup en presque trois mois. Ce samedi, contre Perpignan, ce sera encore sans lui. La raison de ce ralentissement ? Le retour en grâce d’Antonie Claassen ? Cela a certes compté. Mais le plus gros souci de Joseph est d’avoir démarré le rugby sur le tard. Pour l’instant, et jusqu’au mois d’avril, il n’est donc pas plus JIFF que Ben Tameifuna ou Finn Russell. Un problème, alors que les clubs de l’élite doivent aligner 14 JIFF par feuille de match en moyenne sur la saison et que le Racing 92 a pris un peu de retard durant les premières semaines avec les absences de nombreux JIFF (Szarzewski, Ben Arous, Le Roux, Lauret, Dulin, Machenaud…).

Une demande de dérogation refusée par la LNR et la FFR

Cette situation, Laurent Labit la déplore : "On savait que Jordan n’avait pas beaucoup d’années de rugby derrière lui. On pensait quand même qu’il serait compté comme JIFF, puis on a aussi pensé que, puisqu’il le sera en cours de saison, ce serait rétroactif. Ce n’est malheureusement pas le cas, on doit donc s’en tenir à la règle. Dans 3 ans, Guram Gogichashvili, qui joue avec nous mais est inscrit dans notre centre de formation, sera JIFF alors qu’il est déjà sélectionné par la Géorgie. Et là, on a Jordan Joseph, champion du monde U20 cet été et emblème de cette équipe de France, qui est non-JIFF. C’est toute l’incohérence de ce système, qui pénalise aussi des garçons comme Antonie Claassen ou Scott Spedding alors qu’ils ont porté le maillot de l’équipe de France".

Le club francilien a bien tenté d’obtenir une dérogation pour sa jeune pépite. Il a essuyé un double refus de la LNR et de la FFR. Obligé de redresser sa moyenne de JIFF, ce qu’il a fait depuis, le duo Travers-Labit a dû faire des choix. "Ce sera encore plus compliqué à partir de la saison prochaine, où la moyenne requise passera à 16 JIFF, soupire Labit. Ce sera un casse-tête supplémentaire ! En plus de s’occuper du terrain, nous, entraîneurs, devront avoir un logiciel pour rentrer toutes ces données. Bientôt, ce sera l’ordinateur qui nous donnera l’équipe à mettre pour le week-end ! Pour Jordan, ce problème sera en tout cas réglé en avril et on pourra alors le mettre sans arrière-pensée". D’ici-là, ce seront sûrement encore quelques feuilles de match précieuses en moins pour l’un des joueurs les plus prometteurs de sa génération.