Boudjellal : "On veut regoûter au stress"

  • Mourad Boudjellal, président du RCT Toulon
    Mourad Boudjellal, président du RCT Toulon
  • Top 14 - Patrice Collazo et Mourad Boudjellal (Toulon)
    Top 14 - Patrice Collazo et Mourad Boudjellal (Toulon)
  • Tests Matchs - Eben Etzebeth (Afrique du Sud)
    Tests Matchs - Eben Etzebeth (Afrique du Sud)
  • Guilhem Guirado et Mathieu Bastareaud (Toulon) contre Trévise en Champions Cup
    Guilhem Guirado et Mathieu Bastareaud (Toulon) contre Trévise en Champions Cup
  • Mourad Boudjellal n'a même pas été élu au Comité Directeur de la LNR
    Mourad Boudjellal n'a même pas été élu au Comité Directeur de la LNR
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Toulon a redemarré cette semaine une nouvelle saison avec, à sa tête, son emblématique président Mourad Boudjellal. Dans un entretien qu’il nous a accordé, l’homme fort du RCT dresse les contours de cette année à venir, à la fois pour son club et pour lui-même.

Rugbyrama : Comment abordez-vous cette nouvelle saison ?

Mourad Boudjellal : C’est déjà ma quatorzième au club, ce que je n’aurais jamais cru possible. Je l’aborde avec beaucoup d’espoirs car la saison dernière a été difficile, qu’on a essayé de mettre plein de choses en place et que cette année, on veut regoûter au stress. Cela fait six mois qu’on ne sait plus ce qu’est le stress ! On était trop loin des phases finales et avec suffisamment d’avance pour ne pas descendre. On veut donc de nouveau batailler pour quelque chose. On veut connaître de nouveau ces matchs magiques où on ne sait pas encore si on doit réserver les chambres d’hôtel pour la semaine suivante. Les phases finales, c’est exceptionnel !

Vous fêterez vos soixante ans juste avant le début des phases finales du Top 14…

M.B. : Si on m’avait dit, quand j’ai repris le club, que j’y serai encore à 60 ans, j’aurais dit "impossible". C’est très surprenant, tout comme le fait que j’y reprenne beaucoup de plaisir. J’ai passé deux ans à rien foutre, où je me laissais aller, et là, je me suis remis au travail avec plaisir. Ce nouveau cycle, ces jeunes qui arrivent, cela me plaît bien. Ce serait en effet un beau cadeau de jouer ces phases finales mais on en a tous très envie. Quand on ne les vit plus, c’est là qu’on se rend réellement compte de la force de ces moments. Jusqu’à l’an dernier, cela paraissait presque normal et on ne prenait pas le temps de savourer.

Top 14 - Patrice Collazo et Mourad Boudjellal (Toulon)
Top 14 - Patrice Collazo et Mourad Boudjellal (Toulon)

C’est la deuxième saison au club de votre manager Patrice Collazo après une première difficile. Beaucoup doutaient de votre duo mais il tient finalement plus longtemps que les précédents…

M.B. : Cela fait bizarre, aussi, de repartir avec le même entraîneur ! Je me dis que j’ai peut-être signé Bernard Collazo (en référence à Bernard Laporte, sic). On est sur un vrai projet qui ne peut pas se réaliser en un an et il fallait lui laisser du temps car il y a un chantier. J’ai donc décidé de lui laisser plus de temps qu’aux autres, d’abord parce qu’il a demandé moins de moyens et qu’on ne pouvait donc pas lui demander les mêmes résultats.

Collazo commence à rigoler à mes blagues

Avez-vous fini par apprendre à vous connaître ou êtes vous toujours en phase d’apprentissage avec lui ?

M.B. : On est quand même deux coqs, donc c’est particulier, mais ça va mieux ! Il commence à rigoler à mes blagues, ce qui n’était pas facile, et on commence à s’apprécier. Une confiance s’est installée, je trouve son travail cohérent et j’y adhère. Je me trompe peut-être mais j’ai le sentiment que cela va payer.

Tests Matchs - Eben Etzebeth (Afrique du Sud)
Tests Matchs - Eben Etzebeth (Afrique du Sud)

Plusieurs joueurs majeurs seront indisponibles pendant la Coupe du monde (Etzebeth, Serin, Isa, Parisse). Ne craignez-vous pas un début de saison poussif ?

M.B. : C’est le lot de beaucoup de clubs, qui seront impactés durant cette Coupe du monde. Nous, il nous manquera 12 à 15 joueurs. On va faire avec. On a un effectif large et on a aussi la chance d’avoir une jeunesse triomphante, qui a envie de croquer à pleines dents dans le Top 14. Ces jeunes nous ont bien aidé la saison dernière en insufflant beaucoup d’envie et de fraîcheur donc on comptera aussi sur la jeunesse toulonnaise.

Sincèrement, Toulon jouera-t-il à fond la Challenge Cup ?

M.B. : Oui ! Déjà parce que j’ai été très jaloux de Clermont qui l’a gagnée. Cela m’a fait très envie et je veux le faire moi aussi. Quand on voit comment les Clermontois ont dû s’envoyer pour la gagner, on se dit que ce n’est pas facile. Et puis, accessoirement, il y a une finale à Marseille. On se dit que si on a la chance d’être dans les quatre meilleures équipes de la phase de poules, on peut faire le quart, la demie et la finale à domicile.

Bastareaud a fait ses adieux à Mayol et est parti sur un autre délire

Un mot sur Mathieu Bastareaud, qui a donc finalement eu son permis de conduire. Vous allez devoir trouver autre chose pour le taquiner…

M.B. : Avec Mathieu, le sujet est large donc j’ai encore de la marge ! Avoir son permis et savoir bien conduire, ce n’est pas la même chose.

Guilhem Guirado et Mathieu Bastareaud (Toulon) contre Trévise en Champions Cup
Guilhem Guirado et Mathieu Bastareaud (Toulon) contre Trévise en Champions Cup

Plus sérieusement, quelle est sa situation aujourd’hui ?

M.B. : Des clubs se sont manifestés pour le faire signer pendant la Coupe du monde. Vous savez, j’ai une relation particulière avec Mathieu, j’adore le personnage et je ne m’en cache pas. Autant je peux être un président chiant avec mes joueurs, comme je l’ai été avec Savea, autant je peux aussi être le président le plus cool car je ne retiens jamais quelqu’un contre sa volonté. La volonté vaut mieux que tous les contrats. S’il veut rester à Toulon, il n’y a aucun problème, s’il estime que son histoire est ailleurs cette saison, il n’y a aucun problème non plus. Je crois que la tendance est sur un départ car il a fait ses adieux à Mayol et il est parti sur un autre délire. L’année prochaine, Toulon sera un autre club et ce sera une autre histoire.

À titre personnel, allez-vous entrer cette saison dans la bataille pour la présidence de la LNR, comme ce fut le cas en 2016 ?

M.B. : J’ai lu récemment une interview d’un dirigeant et je me suis dit que les idées que je porte depuis des années sont en train de passer. Pour les prochaines élections à la Ligue, je ne me présenterai pas mais je présenterai un programme et celui qui veut piocher dedans piochera. Je pense le rugby français doit écraser le monde. On est les All Blacks du rugby sur le plan économique, on doit aussi le devenir sur le plan sportif. Pour cela, il y a des méthodes. Il faut abolir certains tabous, chercher des causes et non des responsables, arrêter d’enfoncer des portes ouvertes et finir de croire que tous les clubs doivent se ressembler. L’uniformité n’a jamais fait avancer.

Mourad Boudjellal n'a même pas été élu au Comité Directeur de la LNR
Mourad Boudjellal n'a même pas été élu au Comité Directeur de la LNR
Je vais proposer un modèle vertueux que j’enverrai à tous les présidents de Top 14 et tous les candidats à la présidence de la LNR

Le système des JIFF sera-t-il, cette année encore, votre cheval de bataille ?

M.B. : Ce système est une stupidité car il a déréglé totalement le marché. Les jeunes n’ont plus besoin de beaucoup travailler pour avoir de gros salaires, simplement d’être JIFF. Rappelons qu’un JIFF est un joueur de la neuvième ou dixième nation mondiale. Et rien que ce statut lui permet aujourd’hui de gagner autant qu’un international des cinq meilleurs nations. Quand vous donnez 15000 euros à un gamin simplement parce qu’il est JIFF, il est content, il vit bien mais cela tue le goût de l’effort.

Parallèlement, on a refusé le marquee player (joueur dont le salaire n’entre pas dans le Salary Cap), ce qui est une insulte au diffuseur. C’est comme si, en football, Amiens disait "Neymar au PSG, c’est non car cela n’entre pas dans notre logique d’équité". On a aussi des JIFF qui peuvent représenter leur nation d’origine. On sort également des gamins très tôt de leur pays pour en faire des JIFF, et on a une mode qui s’installe dans les clubs du "FidJIFF". On oblige enfin les joueurs étrangers qui se sont construits en France à partir, simplement parce qu’ils sont étrangers. J’estime en effet qu’il y a d’autres méthodes.

Que vous porterez, donc…

M.B. : Je vais proposer un modèle vertueux que j’enverrai à tous les présidents de Top 14 et tous les candidats à la présidence de la LNR. Quand je vois qu’un président a dû faire des montages financiers incroyables pour faire venir Dan Carter, qui a rempli les stades, je me dis que c’est une honte. J’ai la faiblesse de penser que les gens vont se montrer intelligent face à la réalité qui nous arrive en pleine figure. Sinon, c’est qu’on ne jouera pas pour l’intérêt collectif.

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