L'histoire du mercredi : Biarritz-Stade français 2005, un(e) final(e) électrique

Par Rugbyrama
  • Imanol Harinordoquy lors de la finale Biarritz - Stade Français en 2005
    Imanol Harinordoquy lors de la finale Biarritz - Stade Français en 2005
  • Jérôme Thion avec Biarritz en 2005
    Jérôme Thion avec Biarritz en 2005
  • Mathieu Blin en 2005 contre Brive
    Mathieu Blin en 2005 contre Brive
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Nouvelle édition des histoires du mercredi. Retour pour ce deuxième volet sur la finale du Top 16 2004-2005 entre Biarritz et le Stade français. Une finale qui restera dans les annales avec un dénouement à couteaux tirés. Pour Rugbyrama, un joueur de chaque équipe est revenu sur cette finale si particulière : Jérôme Thion côté BO et Mathieu Blin pour le Stade français.

C'était il y a quinze ans, quinze ans déjà que le Stade français et le Biarritz olympique offraient aux 79 475 personnes du Stade de France une finale de Top 16 d'anthologie. Une finale électrique en tout point de vue entre deux équipes qui avaient dominé la saison régulière, le Stade français finissant premier devant les Basques. Mais les deux équipes ne vont pas aborder cette finale de la même manière, avec un contexte très différent.

Le Biarritz olympique accède à la finale en battant Bourgoin 32-27 et trouve sur son chemin le Stade français, où plutôt retrouve le Stade Français. Car Basques et Parisiens s'étaient déjà affrontés un mois et demi auparavant en demie finale de Coupe d'Europe, avec une victoire parisienne 20-17. "On mène jusqu'à la 80e mais Christophe Dominici va marquer l'essai à la dernière minute (89e)" se souvient Jérôme Thion.

"On se retrouve frustré par rapport à ça, Stade français - Biarritz, ce sont toujours des matchs très tendus". Les Biarrots abordent cette finale "conquérants et déterminés" avec cette "frustration en élement moteur". "La motivation est multipliée par 1000" affirme le deuxième ligne. "La préparation avait été très méticuleuse de la part de Jacques Delmas et Patrice Lagisquet" qui étaient, à ce moment-là, les entraîneurs du BO.

Une finale déjà perdue pour le Stade français

Les Parisiens, qui avait donc vaincus les Biarrots, avaient eux, chuté en finale de Coupe d'Europe contre le Stade toulousain 18-12 après prolongations. "Le contexte est le suivant : on a perdu une finale de Coupe d'Europe, on est déjà très touchés mais, un truc de dingue, on est en finale de championnat et on sait que ça va être très costaud" se rappelle Mathieu Blin, alors talonneur parisien. "On savait qu'à juste titre, ils voulaient laver la défaite en demie finale, un contexte très électrique en perspective donc".

Ni Fabien Galthié ni Fabrice Landreau, les entraîneurs parisiens, n'avaient eu à alerter sur les intentions biarrotes. "Ils nous avaient surtout avertis sur le contenu, pour que l'on puisse se détacher de ce contexte qui était dans toutes les têtes".

Quatre minutes, le ton est donné

Les deux équipes rentrent sur le terrain avec une énorme envie mais surtout de la concentration. "Dans les couloirs, les regards entre chaque vis-à-vis étaient de rigueur" explique Mathieu Blin. "Je me souviens personnellement avoir mis le focus sur le terrain pour ne croiser aucun regard et rester le plus concentré possible".

Le début de match est déjà très tendu. Au bout de quatre minutes seulement, le capitaine parisien David Auradou et Jérôme Thion vont s'échanger quelques coups suite à une touche défensive pour le BO. "David Auradou passe ses bras entre les miens alors que je venais au soutien de David Couzinet, il me bouscule, je lâche et là ça part en bagarre générale" affirme Jérôme Thion amusé par la situation quinze ans après, "c'était le rugby à l'ancienne". Les deux protagonistes vont être sanctionnés d'un carton jaune.

Jérôme Thion avec Biarritz en 2005
Jérôme Thion avec Biarritz en 2005

Une ambiance déjà très tendue qui allait être représentative de toute la rencontre. "On n'était pas surpris, on était préparé à ça" dixit Mathieu Blin, "on avait senti que c'était sur cela que les Biarrots allaient construire la rencontre".

Le chassé-croisé va être le leitmotiv de ce match. Après un premier essai au ras inscrit par Jean-Baptiste Gobelet (18e), les Parisiens vont répondre rapidement avec un bel exploit personnel de Christophe Dominici (29e). Les deux ailiers vont d'ailleurs réaliser un match extraordinaire car omniprésents notamment pour le premier cité qui finira la rencontre exténué. Après avoir mené 16-6, les Biarrots sont rejoints 19-19 à la pause.

On ne se rend pas compte du chassé-croisé

La deuxième mi-temps va être tout aussi équilibrée que la première. Les deux buteurs, Dimitri Yachvili pour les Basques et David Skrela pour les Parisiens, vont sanctionner chaque faute adverse. "On ne se rend pas compte de ce chasse-croisé [...] Dès que le coup d'envoi est sifflé, tu fais abstraction de tout et tu es dans ton match, tu essayes de faire le moins de fautes possibles" explique Jérôme Thion.

Malgré un équilibre parfait, les Biarrots semblent être dominateurs dans le combat. "C'était très engagé, à l'époque on avait encore le droit au rucking (action de marcher sur un joueur pour le sortir de la zone de ruck, NDLR), faut se remettre dans le contexte, à chaque fois qu'il y avait un mec qui traînait, t'avais le droit de lui marcher dessus" dit le deuxième ligne biarrot. "Aujourd'hui tu prends un carton rouge pour moins que ça [...] J'en ai discuté avec Monsieur Gastou (qui était l'arbitre de cette finale, NDLR) des années après et il m'avait dit qu'on l'avait pris par surprise car il ne s'attendait pas à une bagarre en finale".

Ce combat va être omniprésent et va même durer plus que 80 minutes. À la fin du temps réglementaire, les deux équipes sont à égalité 31 partout. "J'avais jamais vécu cela en tant que joueur professionnel, c'était mes premières et dernières prolongations" se souvient Jérôme Thion qui aura disputé l'intégralité de la rencontre.

Des Parisiens pris sur le combat

Les deux équipes vont disputer deux fois quinze minutes en plus. Le Stade français va d'abord reprendre la tête avec la huitième pénalité de David Skrela (31-34 à la 90e) et va mener à la mi-temps des prolongations. Les discours sont différents chez les deux équipes durant cette pause. "Malgré notre avantage, on sent que l'on est pris sur le combat et il fallait mettre ce dernier coup de collier" pour Mathieu Blin. Côté Biarrot, "on était confiants dans ce que l'on pouvait faire, il n'y avait pas de pression particulière par rapport aux prolongations [...] Le discours a toujours été positif".

Coup sur coup, un drop de Julien Peyrelongue (101e) et une neuvième pénalité de Dimitri Yachvili (103e) vont définitivement donner l'avantage au Biarritz olympique. Les hommes du capitaine Thomas Lièvremont l'emportent 37-34 dans ce qui reste la finale la plus prolifique de l'histoire du championnat de France de rugby avec 71 points inscrits. "Cela s'est joué sur des détails et pour moi, c'est l'un des plus beaux souvenirs de ma carrière, c'était mon premier titre, ça a été une délivrance extraordinaire au coup de sifflet final" avoue Jérôme Thion. "Soulever le Bouclier de Brennus, c'est le rêve d'une vie qui se réalise, le rêve de tout rugbyman, professionnel ou amateur".

Sur le contenu, Jérôme Thion ne se souvient presque de rien. Le deuxième ligne originaire de Senlis dans l'Oise, s'est rendu compte de l'agressivité de cette rencontre lors du confinement, lorsque Canal + avait rediffusé les finales. "À chaque regroupement, c'était limite, c'était tendu constamment" constate-t-il des années après. "On en a parlé avec Dimitri Yachvili et Benoît August et on s'est dit waouw, c'est était une guerre de tranchées".

J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps

En face, les Parisiens sont désemparés, ils viennent de perdre une deuxième finale d'affilée après prolongations, en échouant d'un rien. "On a été pris sur le combat sur l'ensemble de la rencontre" affirme Mathieu Blin, sorti à l'heure de jeu et remplacé par Benjamin Kayser. Le talonneur évoque "la détresse et la tristesse longue, très très longue qui a mis tout un été à s'évacuer". Un moment très dur pour le groupe parisien comme l'affirme l'ancien manager général du SUA. "On était quelques-uns à avoir eu la chance d'avoir une bouffée d'oxygène car à la fin du match, on nous avait annoncé que l'on été pris avec les Barbarians". Une tournée en Afrique du Sud pour essayer de penser à autre chose.

Mathieu Blin en 2005 contre Brive
Mathieu Blin en 2005 contre Brive

Le désormais consultant pour Canal + continue à avoir des souvenirs qui lui viennent. "Je me rappelle avoir pleuré toutes les larmes de mon corps sur l'estrade de la mairie de Paris quand on a remercié l'ensemble du public et les partenaires". Une saison qui sera singulière pour le Stade français mais qui, au final, semble se résumer à ces mots : "cette saison est extaordinaire mais elle n'est pas retenue dans l'histoire car on est ni champion d'Europe ni champion de France".

Des souvenirs qui restent frais dans la tête de Mathieu Blin quand ce dernier dit que "même quinze ans après, je me souviens de tout". Et quand on lui demande si de ressasser ce triste épisode ne le dérange pas, le principal intéressé répond en toute franchise : "non, ce n'est pas des mauvais souvenirs, ça fait parti de mon top 5 des faits marquants de toute ma carrière. Ce souvenir, c'est d'être passé à côté de quelque chose d'énorme, d'un doublé Coupe d'Europe-championnat, d'être passé à côté de trois bouclier de Brennus consécutifs". "Sur cette saison, on retiendra Toulouse et Biarritz, mais pas le Stade Français" conclut-il avant de nous affirmer son plaisir d'être revenu sur ce morceau d'histoire du Top 16.

Une finale marquante pour les acteurs de cette finale, même quinze ans. L'année suivante, en 2006, Biarritz remportera un nouveau titre tandis que Paris sera champion en 2007. Mais ça, c'est une autre histoire.

Par Kenny Ramoussin

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