Porical : "J'ai réalisé tous mes rêves d'enfant"

  • Jérôme Porical (à gauche) après la victoire finale lors du Top 14 2008-2009.
    Jérôme Porical (à gauche) après la victoire finale lors du Top 14 2008-2009.
  • Carter avec Porical lors du titre de Perpignan en 2009
    Carter avec Porical lors du titre de Perpignan en 2009
  • jérôme porical france 2010
    jérôme porical france 2010
  • jérôme porical perpignan usap 2010
    jérôme porical perpignan usap 2010
  • Jerome Porical de Beziers
    Jerome Porical de Beziers
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TOP 14 - À bientôt 35 ans, Jérôme Porical raccroche les crampons. L'ancien arrière international (4 sélections), passé par l'Usap, le Stade français, Lyon et Béziers, revient sur cette aventure de quatorze ans, avec ses bons et ses moins bons souvenirs, ses titres et ses rencontres. Tout en se projetant sur la suite qui va le voir basculer sur l'entraînement du jeu au pied, sa grande spécialité.

Rugbyrama : Avant tout, parlons de l'actualité : comment avez-vous vécu tout le remue-ménage autour de l'ASBH ?

Jérôme Porical : En spectateur. J'ai essayé de suivre tous les rebondissements à travers la presse et ce que l'on entendait à gauche et à droite. Ca a été une période de grande confusion. J'ai surtout beaucoup pensé à mes anciens partenaires qui étaient pris dans cette tempête et pour qui c'était pénible à vivre. Moi, j'ai vécu ça avec plus de distance.

L'heure de raccrocher les crampons a sonné. Quels sont vos sentiments ?

J.P. : J'y étais mentalement préparé. Quand j'ai signé avec Béziers il y a trois ans, j'avais calculé que j'aurai 35 ans au terme de la dernière année de contrat. La porte n'était pas fermée pour autant : j'étais prêt à tout. J'attendais que le club revienne vers moi cette année. David Aucagne m'a finalement proposé un rôlé de référent du jeu au pied. J'y ai répondu favorablement. Ca devrait bientôt se finaliser. Ca permet une douce transition. Je souhaitais depuis longtemps basculer sur l'entraînement. A Lyon, j'avais passé mon DE rugby. Je vais commencer par mon domaine, le jeu au pied. Peut-être que, par la suite, je prendrai les rênes d'une équipe jeunes pour me faire la main avant d'envisager l'étape supérieure...

Etes-vous nostalgique ?

J.P. : Un petit peu. Surtout que cette fin est bizarre. J'avais prévu de faire venir ma famille et mes proches pour mon dernier match. Il y a des amis qui m'ont contacté pour organiser un dernier match en septembre, au village, à Pézilla-la-Rivière, avec les potes d'enfance et de carrière. Je ne parlerai pas de jubilé, c'est réservé aux légendes, mais ce serait une jolie façon de boucler la boucle.

Quand vous regardez ces quatorze saisons sur les terrains, qu'est-ce qui vous vient à l'esprit ?

J.P. : Je me dis que j'aurais réalisé tous mes rêves d'enfant. Quand j'étais minot, je n'avais pas l'objectif de devenir professionnel. Je ne pensais qu'à prendre du plaisir le samedi après-midi. Mais j'avais des rêves : celui de porter le maillot de l'Usap, en équipe première, celui d'être champion avec mon club, ce qui n'était pas rien car cela faisait cinquante ans que ce n'était pas arrivé, et celui de revêtir le maillot de l'équipe de France. Ils sont tous devenus réalité très tôt. A 24 ans, j'avais vécu tout ça. Remporter le Brennus avec mon club de cœur reste un souvenir incroyable. Mes sélections en Bleu, j'en retire une grande fierté même si, après la cuisante défaite contre l'Australie en novembre 2010 (59-16), je n'en suis jamais revenu. C'étaient des moments très forts émotionnellement. Tout comme mon départ de l'Usap. Ca a été très douloureux. J'avais été poussé vers la sortie par une nouvelle politique.

Carter avec Porical lors du titre de Perpignan en 2009
Carter avec Porical lors du titre de Perpignan en 2009

Après ce déchirement, il a fallu vous réinventer. Comment avez-vous vécu cette seconde carrière ?

J.P. : Mon départ a été très difficile mais il a aussi été une sorte de libération. Car il y avait beaucoup de pression, locale et familiale, à Perpignan. Partir m'a permis de grandir, de mûrir, en tant que joueur et homme. J'ai dû sortir de mon cocon. Avec le recul, j'ai envie de garder un grand souvenir par club. Avec le Stade français, il y a cette demi-finale de Challenge européen où l'on va gagner à Aimé-Giral avant de défier le Leinster en finale. A Lyon, il y a ce titre de Pro D2, ce qui n'est pas négligeable, avec les Nalaga, Bonnaire, Puricelli... Puis à Béziers, je retiens la qualification pour le quart de finale à Mont-de-Marsan : c'étaient les premières phases finales du club depuis la remontée et il y avait un énorme engouement autour.

Vous êtes monté très haut très vite. On a l'impression qu'il a été dur, pour vous, de rebondir après...

J.P. : J'ai connu beaucoup de choses très tôt. Et c'est vrai que lorsque tu as été au summum, c'est dur d'y revenir. 2009-2010 a été la saison la plus aboutie de ma carrière en termes de régularité. Mais effectivement, après les deux tournées avec le XV de France, il y a eu une phase dure à gérer. En Afrique du Sud et en Argentine, on prend deux fois quarante points et contre l'Australie, il y a cette défaite historique. Ca a été un moment douloureux à traverser. Mais je me dis que j'ai encore existé après ça, tout de même.

Le XV de France, c'est un souvenir contrasté, donc ?

J.P. : J'ai fait partie d'une faillite collective à un an d'une Coupe du monde. J'avais toutes mes chances jusqu'alors. Après, je ne suis pas revenu, c'est comme ça... Pour autant, cela reste des souvenirs exceptionnels. J'ai pu jouer avec de très grands internationaux, ceux de la génération du grand chelem 2010. Je ne veux rien enlever.

jérôme porical france 2010
jérôme porical france 2010

Votre carrière n'a pas été un long fleuve tranquille... La passion a-t-elle toujours été présente ?

J.P. : Il y a eu des haut et des bas mais je suis fier d'avoir duré. Il y a eu des moments très forts au début où la passion était maximale. Je jouais pour mon club de cœur, il y a eu ces consécrations... A la fin, à l'Usap, il y a eu de l'usure mentale avec la saison la plus compliquée de ma carrière, en 2011-2012. Par la suite, il y a encore eu quelques périodes où j'avais moins envie. Il est difficile d'en parler. Mais la passion n'est jamais partie, c'est ce qui m'a permis de jouer pendant quatorze ans. D'ailleurs, je suis heureux d'avoir fini à Béziers où j'ai pris beaucoup de plaisir. J'y ai vécu une deuxième jeunesse. C'est un club qui suscite de la passion et où il y a un état d'esprit amical. C'était dur pour un Catalan de venir ici mais, d'un côté, c'était un juste retour des choses pour ma femme, Biterroise, qui m'a suivi partout (sourire).

Le fil conducteur de votre parcours a été le tir au but. Vous comptez plus de 2000 points en carrière...

J.P. : Oui, c'était ma spécialité, mon point fort. Ça m'a aidé à dans ma carrière. Je sais à quel point c'est un rôle recherché. Il m'a permis de durer et de m'épanouir, aussi. J'ai désormais envie de transmettre cette expérience. Je sais à quel point cette responsabilité peut être compliquée sur le plan mental.

Face aux perches, vous avez tout connu, en effet...

J.P. : Oui, comme quand j'avais mis vingt-et-un points contre Toulouse en demi-finale, en 2010, et que ça avait été beaucoup plus compliqué en finale contre Clermont. J'avais pourtant une confiance maximale à ce moment-là. Je n'ai pas compris comment la réussite était partie... Ça ne s'explique pas.

jérôme porical perpignan usap 2010
jérôme porical perpignan usap 2010

Avez-vous des regrets quand vous regardez derrière ?

J.P. : Non, je n'ai pas de regret. Disons que j'aurais aimé avoir le cerveau que j'ai aujourd'hui quand j'avais 20 ans. Ou avoir maintenant les cannes que j'avais étant jeune. C'est ce que me disait Nico Durand : "Si les jeunes savaient et si les vieux pouvaient..."

Quelles sont les personnes qui vous ont le plus marqué ?

J.P. : A l'Usap, j'ai eu la chance de monter en équipe première aux côtés de joueurs avec qui j'ai été champion en Crabos et en Reichel, Adrien Planté, Guilhem Guirado, Jérôme Schuster, Pedro Perez. Ca faisait partie de mes potes et l'on a gravi tous les échelons ensemble. Quand je suis arrivé chez les pros, Nico Durand m'a pris sous son aile. Nous avons dès lors lié une amitié forte. Le fait de pouvoir se retrouver à Lyon ensemble, pour sa fin de carrière, c'était très sympa.

Que retenez-vous des entraîneurs que vous avez côtoyés ?

J.P. : J'ai connu des profils différents : il y a eu l'ancienne génération, un peu papa poule, qui sait te parler, avec Jacques Brunel. Il a beaucoup compté pour moi, comme Franck Azéma qui m'a lancé dans le grand bain. Puis j'ai connu de jeunes managers, novateurs, très compétents, Gonzalo Quesada et Pierre Mignoni. Ca n'a pas toujours été facile entre nous mais je ne retire que du positif de notre travail.

Comment avez-vous anticipé votre après-rugby ?

J.P. : Ca fait longtemps que j'y pense, sans être fixé. Avec ma femme, nous avions envie de monter un projet ensemble : on souhaite lancer un "drive" zéro déchet, sur Béziers. L'idée vient d'elle. Elle m'a sensibilisé à ces thématiques. J'ai repris mes études à la Toulouse Business School en septembre dernier et je prépare mon mémoire sur ce sujet. Ca me permet de me projeter, de préparer le business plan... L'idée serait de le lancer pour janvier 2021. A côté de ça, j'ai toujours eu dans un coin de ma tête l'intention de rester dans le monde du rugby. La saison prochaine, je serai normalement entre cinq et huit heures au club, avec les pros et avec l'association.

Jerome Porical de Beziers
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