Cordin : "Patrice (Collazo) sait que je suis un peu fou, que je joue au feeling"

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TOP 14 - De grand espoir du rugby français à titulaire indiscutable sur la rade, Gervais Cordin s'est imposé en un an et demi comme l'une des principales armes offensives du RCT. Son goût pour la relance, sa prolongation de contrat et son duel avec Arthur Retière, son pote d'enfance, l'arrière du RCT s'est longuement confié à Rugbyrama.

Gervais, comment sentez-vous le groupe, qui reste sur une défaite à Brive, mais était parvenu à faire tomber consécutivement le Racing 92 et le Stade français ?

Tout va mieux quand tu gagnes les matchs (sourire). Et si tout n'est pas parfait actuellement, nous sommes sur une dynamique plutôt positive, et le groupe ne va pas seulement "bien", car il a toujours été fort, mais je dirais qu'il va encore mieux qu'avant.

Et sur le terrain ?

On sent une véritable progression au cours des matchs, mais également au quotidien. Plus les semaines passent, mieux le groupe travaille, et on a le sentiment que l'équipe monte en puissance. Rien n'est acquis, mais au regard des entraînements, on observe une évolution positive ces derniers temps.

Comment le collectif appréhende-t-il ce mois et demi sans les internationaux ?

Ça va imposer que certains mecs évoluent à des postes inhabituels, mais ça fait partie du jeu. On sait dès le début de saison que ces périodes internationales vont avoir lieu. Puis c'est une opportunité offerte à chaque joueur de montrer qu'on peut lui faire confiance, que les internationaux soient présents ou non. Enfin, notre problématique est la même que celle de n'importe quelle équipe du Top14. Alors il faut s'adapter, et ce ne sera pas une excuse. D'autant qu'il reste de très bons joueurs à Toulon. Quand on voit le XV de départ potentiel sans les internationaux, je ne crois pas qu'on puisse franchement parler de "petite équipe".

Vous concernant, avec le départ de Bryce Heem, le repositionnement d'Isaia Toeava au centre et à l'ouverture, vous êtes actuellement le seul arrière de métier disponible. Est-ce un moment que vous attendiez pour vous ré-imposer définitivement à votre poste ?

Je ne sais pas si le moment est venu, ou même s'il est déjà arrivé. Cette année, j'ai joué une seule fois à l'aile, mais pour le reste j'ai enchaîné à l'arrière. Patrice (Collazo) m'aligne parfois sur l'aile, en fonction des besoins pour l'équipe et pour me permettre de progresser, mais je pense qu'il me voit comme un numéro quinze. Alors sans parler du "moment pour s'imposer" ou non, j'aspire surtout à être l'une des options privilégiées du staff à l'arrière.

Pourquoi préférez-vous évoluer à l'arrière ?

Au-delà du fait que c'est mon poste de formation, et même si j'apprécie de jouer à l'aile, je me sens largement plus à l'aise à l'arrière. C'est un poste qui m'offre davantage de liberté, me permet de toucher plus de ballons, de m'intercaler dans la ligne et me donne plus de champ au moment de la prise de balle.

En quoi pensez-vous avoir progressé depuis votre arrivée à Toulon, à l'été 2019 ?

Progresser est l'objectif de n'importe quel joueur, et je pense me donner les moyens de le faire. En ce sens, j'ai notamment beaucoup insisté sur mon jeu au pied depuis mon arrivée. Pour le reste, le simple fait de jouer des matchs me donne de l'expérience et me permet de progresser sur les placements, l'anticipation et tout ce qui incombe à mon poste.

Vous évoquez votre jeu au pied, auquel Patrice Collazo avait notamment fait référence en début de saison, expliquant avec le sourire qu'il ne vous avait "jamais vu donner un coup de pied dans le ballon". Est-ce quelque chose qui revient souvent ?

Attention : ce n'est pas parce que je ne l'utilise pas souvent en match que je ne le travaille pas au quotidien. Maintenant, c'est évident qu'au regard de mon profil, le jeu au pied n'est pas "naturel" chez moi. Je tape dans le ballon quand le jeu le nécessite, mais ce n'est pas un geste que je vais faire par instinct. Je joue souvent au feeling, et je préfère m'amuser à relancer, même si parfois je me trompe d'option... Je travaille le pied, bien conscient que j'ai une énorme marge de progression, mais s'il y a une certitude, c'est que je ne vais jamais jouer au pied pour faire plaisir à quelqu'un.

Ça se travaille, et le jeu au pied semble indispensable pour un arrière, mais en même temps si votre profil est celui d'un "arrière attaquant", on attend davantage des relances ballon en mains que des énormes séquences de ping-pong...

C'est évident, maintenant si j'aspire à aller encore plus haut, il faut maîtriser toutes les options de jeu. Le jour où j'aurais ce déclic, et le réflexe d'utiliser davantage mon pied, peut-être que je franchirais un nouveau cap.

Le rugby fonctionne souvent par cycle, et nous sommes dans une période qui fait la part belle au "kicking game". Êtes-vous prêt à échanger 5/10 coups de pied avec l'arrière adverse, en attendant que l'un de vous deux ne fasse la première faute ?

Le jeu au pied est un aspect tactique primordial du rugby moderne, mais comprenez bien que si j'utilise peu le jeu au pied, ce n'est pas que je n'aime pas ça, mais parce que j'ai souvent l'impression qu'une relance va apporter d'autres solutions. En ce sens, je pense qu'on va rarement me retrouver au cœur d'un ping-pong de cinq minutes, parce qu'à la moindre occasion, au moindre espace qui va me sembler exploitable, je vais initier une relance. Je préfère prendre une initiative qu'attendre une erreur de l'adversaire (sourire).

Ce qui est audacieux, mais par définition, très risqué...

Il m'arrive encore de relancer à tort, et de constater que ce n'était pas la bonne solution. Je me considère encore en phase d'apprentissage, alors je continue de grandir, convaincu qu'il est désormais important de trouver l'équilibre entre les relances et le jeu au pied. Mais une chose est sûre : je ne vais pas changer de profil du jour au lendemain. Je dois progresser, sans pour autant me réinventer ou dénaturer mon style de jeu.

Patrice Collazo est-il du genre à vous encourager à prendre des initiatives ? Ou est-ce qu'au contraire, il vous demande de ne pas sortir du cadre ?

Patrice ne me bridera jamais. Il adore la conquête, mais aime également le rugby de mouvement, et jamais il ne va me demander de taper dans le ballon si je considère que ce n'est pas la meilleure solution. Que ce soit moi ou un autre, il ne nous reprochera jamais de prendre une initiative. Puis il connaît mon profil, il sait que je suis un peu fou sur le terrain, que je joue beaucoup au feeling. Maintenant c'est un jeu, et je connais les règles : si je relance à tort et à travers, et que je coûte un essai à l'équipe, il ne va pas me louper (rires).

Évoquons désormais le XV de France : vous avez été appelé en janvier, puis en octobre avant de devoir déclarer forfait sur blessure. Vous ne comptez toujours pas la moindre sélection, mais vous semblez vous en rapprocher à grands pas. On imagine que c'est un nouvel objectif pour vous ?

Je ne sais pas si je m'en rapproche ou non, car ce n'est pas moi qui fait la sélection. Mais quoi qu'il arrive, et même si j'étais fier d'être appelé, je suis bien conscient du travail qu'il me reste à fournir. En ce sens, je travaille énormément, j'écoute les conseils, et j'espère avoir un jour la chance de porter le maillot bleu.

Pour revenir à votre actualité toulonnaise : vous avez prolongé votre contrat en début de semaine, et êtes désormais engagé avec le RCT jusqu'en 2024. Qu'est-ce qui vous a motivé à prendre cette décision ?

Le club est ambitieux, le groupe est chouette et j'avais cette volonté de m'inscrire dans la durée dans le projet RCT. J'avais envie de connaître une longue aventure au sein d'un club, et pouvoir le faire à Toulon était une super opportunité. Tout se passe pour le mieux sur et en dehors du terrain, et c'était une décision naturelle à prendre. Puis le fait qu'on me propose de prolonger un an avant la fin de mon contrat m'a montré qu'on avait confiance en moi, que le club et le staff comptaient sur moi. Tout était réuni pour que je prolonge à Toulon.

Enfin, après une semaine off, Toulon retrouve la compétition ce week-end par une réception du Stade rochelais. Comment appréhendez-vous cette rencontre ?

C'est un match super important pour le groupe : nous n'avons pas perdu à Mayol depuis plusieurs mois (N.D.L.R. depuis le 7 septembre 2019, contre le LOU), et samedi nous allons croiser la route du deuxième du championnat, qui est, par définition, un concurrent direct aux phases finales. Ça va être un choc, et il faudra répondre présent. Tous les joueurs aiment ce genre de match, et il est hors de question de passer à côté. De plus, nous restons sur une défaite contre Brive, alors il est indispensable de remettre la marche avant.

Personnellement, vous pourriez affronter votre meilleur ami d'enfance, Arthur Retière, qui pourrait retrouver les terrains après plusieurs semaines de blessure. On imagine que c'est toujours particulier...

Le premier match de la saison, j'étais blessé, et sincèrement ça m'a fait ch*** de manquer le déplacement à La Rochelle. J'avais manqué ce duel, et j'étais vraiment déçu. C'est notre duel annuel, on en parle, on en rigole, et c'est toujours un bon moment à passer. C'est quelque chose de chouette, ça fait plaisir à nos parents, à nos potes, à notre club de Nuits-Saint-Georges. Affronter ton pote d'enfance, c'est toujours quelque chose.

Et comment se déroule en général la semaine qui précède ce duel ? Cessez-vous d'échanger par sms ? Au contraire, est-ce que vous vous chambrez davantage ?

Non, rien ne change, ce n'est pas notre genre (rires). On ne fera jamais de cadeau à l'autre sur le terrain, mais je ne vais pas lui envoyer des messages assassins ou éviter de lui parler de la semaine. Nous sommes naturels, et nous savons que nous allons passer un bon moment, qui écrira des souvenirs pour toujours.

Pour conclure, comment expliquez-vous qu'en plus d'être meilleurs amis d'enfance, vous partagez un profil électrique et des gabarits aussi rares que similaires au plus haut-niveau (1m72/73kg pour Cordin, 1m70/72kg pour Retière) ?

Je ne l'explique pas, mais de là où on vient, personne n'a jamais été bien grand : à Nuits-Saint-Georges, tous les mecs sont vraiment petits (rires) !

Parce que les entraîneurs vous appuyaient sur la tête ? Ou alors peut-être que vous n'avez pas assez bu de soupe ?

Je crois surtout qu'on boit trop de vin dès le plus jeune âge (rires).

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