Maciello : "La sécurité du joueur, c’est la priorité de l’arbitre"

Par Rugbyrama
  • Franck Maciello, DTN de l'arbitrage
    Franck Maciello, DTN de l'arbitrage
  • Franck Maciello, le DTN des arbitres en charge du secteur professionnel
    Franck Maciello, le DTN des arbitres en charge du secteur professionnel
  • Garcès
    Garcès
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TOP 14 - En marge du stage de présaison des arbitres français à Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées), le nouveau directeur technique national de l’arbitrage a accepté de se livrer à nous. Les cinq arbitres français présents au mondial, les nouvelles directives de World Rugby, la féminisation de la profession : tout y passe.

Rugbyrama : Quelles sont vos impressions sur ce stage de présaison à Saint-Lary ?

Franck Maciello : Je trouve que c'est un stage qui se construit bien. Il y a des temps forts pour les travaux techniques, et des temps pour les cohésions de groupe qui sont importants pour la fonction. On croit toujours qu'un arbitre est un homme seul mais il travaille en équipe, il a aussi des assesseurs, des assistants, des arbitres vidéo.

Quelles sont vos attentes ?

F. M. : Nous attendons un bon respect et une bonne réception des directives. Nous souhaitons aussi permettre à ce groupe de continuer son aventure ensemble, qu’il y ait une vraie cohésion d'équipe et une vraie collaboration.

Quel est le contenu des sessions techniques durant ce stage ?

F. M. : Nous avons revu tous les secteurs de jeu avec une attention particulière portée sur la mêlée et sur l'analyse du jeu déloyal. Nous essayons de coller au plus près des directives de World Rugby. Dans ce rugby moderne, il n'y a qu'un seul règlement, c'est celui de World Rugby. Il ne faut pas que nous ayons des spécificités françaises qui peuvent nuire à nos équipes quand elles se déplacent en Coupe d'Europe ou aux joueurs sélectionnés avec le XV de France au niveau international.

Pour la première fois des réalisateurs de matches pour les diffuseurs sont venus à la rencontre des arbitres lors de ce stage. Comment se sont passés les échanges ?

F. M. : C'était une très bonne réunion. Nous avons un objectif commun qui est d'accompagner le match qui nous est proposé. Il a été intéressant de confronter les difficultés d'un côté et de l'autre, on comprend le travail et les contraintes de chacun. Par exemple les arbitres vidéo se demandaient s’ils pourraient venir directement dans le camion-régie, mais ces camions sont de plus en plus petits, certains réalisateurs travaillent même debout pendant les matches en raison du manque de place.

Franck Maciello, le DTN des arbitres en charge du secteur professionnel
Franck Maciello, le DTN des arbitres en charge du secteur professionnel

Quels sont les principaux changements qui vont être portés au secteur de la mêlée fermée ?

F. M. : Le principal changement se situe entre les commandements "flexion" et le "liez". Les joueurs de première ligne ne peuvent plus prendre contact avec leur adversaire, ils ne peuvent plus s'appuyer sur les épaules des adversaires et changer leurs appuis. Les mêlées devraient gagner en force d'impact et en stabilité, nous l’espérons. Comme je l'ai dit ce matin en session, cela fait 25 ans que ces histoires de mêlée durent. On y passe un peu trop de temps. Nous espérons que chacun prendra ses responsabilités pour que cette mêlée passionne le plus grand nombre. Les consignes sont données, si l'arbitre décèle les raisons de l’instabilité d’une mêlée il faudra qu'il assume ses responsabilités. Cela sera en application dès la première journée de Top 14 et de Pro D2. Ces sujets préoccupent les différentes nations qui l'ont mis sur la table à l'ordre du jour à World Rugby.

La santé et la sécurité des joueurs sont au cœur des préoccupations de World Rugby et de la FFR. Qu’est-ce qui va changer pour les arbitres au niveau du jeu déloyal ?

F. M. : World Rugby a établi un arbre décisionnel, un arbre d'analyses des causes, qui permet aux arbitres de Top 14 et aux arbitres vidéo d'analyser plusieurs facteurs pour prendre la meilleure décision. C’est une aide à la décision concernant le jeu déloyal. Nous allons, par exemple, rechercher un facteur atténuant lorsqu'il y a un plaquage haut, nous demander si le joueur a cherché à enrouler son adversaire ou si son bras était collé près du corps, s’il y a eu une zone d'impact. D’ailleurs, l'interdiction de plaquer au-dessus de la poitrine et à deux sera mise en application cette année dans le rugby fédéral, jusqu'en Fédérale 2.

Il vaut mieux que l'on discute à la fin d'un match d'une pénalité ou d'un carton qu'on pourrait trouver sévère plutôt que de présenter des condoléances à une famille

Cette année, vous avez pu travailler sur le jeu déloyal en présence des arbitres vidéo (TMO, television match official)...

F. M. : En effet, c'est la première fois que nous allons traiter le jeu déloyal avec l'arbitre, les juges de touche et les TMO en même temps. Chacun doit entendre le même discours, il ne faut pas qu'il y ait d'interprétation possible. Ils travaillent en équipe sur les situations. C'est une avancée supplémentaire.

On a pu voir qu’aujourd’hui les arbitres dans les matches internationaux sifflaient de plus en plus rapidement et n‘hésitaient pas à sortir des cartons dès que la tête et le cou sont touchés. Quel est votre discours ?

F. M. : La tête et le cou, c'est zone interdite. Je crois que la sécurité du joueur, c’est la priorité de l’arbitre. Je vais être un peu excessif mais il vaut mieux que l'on discute à la fin d'un match d'une pénalité ou d'un carton qu'on pourrait trouver sévère plutôt que de présenter des condoléances à une famille.

Ce stage marque le changement de fonction de Jérôme Garcès, qui endosse un nouveau costume de manager technique du secteur professionnel. Comment les tâches vont-elles être réparties ?

F. M. : Jusqu’à présent, le directeur technique national Joël Dumé prenait en charge le secteur professionnel et m’avait délégué le secteur fédéral. À l’avenir Jérôme Garcès va être le manager technique des arbitres professionnels, juges de touche et TMO. Il va gérer l’aspect technique et je m’occuperai de l'aspect politique, aussi bien pour le secteur professionnel que fédéral. Dans le secteur fédéral, un poste de manager qui est créé pour Salem Attalah.

Garcès
Garcès

L’arbitrage vidéo doit faire son apparition en Pro D2 la saison prochaine. Où en êtes-vous ?

F. M. : Cette année nous allons poursuivre pour la dernière saison avec les juges d'en-but. Lors des phases finales de Pro D2, l’arbitrage vidéo sera mis en place comme en Top 14. En ce moment nous sommes en phase expérimentale quant à la saison prochaine. L'objectif c'est de rendre les processus adaptés pour chacun, et de gagner du temps. Pour gagner du temps, il faut des outils hyper-performants.

Cinq arbitres français officieront à la Coupe du monde (Jérôme Garcès, Pascal Gaüzère, Romain Poite, Mathieu Raynal et Alexandre Ruiz), mais aucun arbitre vidéo n’a été sélectionné. Est-ce l’un de vos objectifs pour le prochain Mondial en France en 2023 ?

F. M. : Lorsque j'ai ouvert les travaux à ce stage, nous avons défini les projets. Proposer un arbitre vidéo au niveau international en fait partie. On va travailler dans ce sens parce qu'on commence à s'installer au niveau international et il faut continuer cette aventure, challenger nos arbitres et les faire monter en compétence. Nous souhaitons avoir un maximum de représentants en France en 2023.

Nous souhaitons que l'arbitrage féminin français s'installe au plus haut niveau

Du côté logistique, comment appréhendez-vous les deux mois à venir avec le départ des cinq internationaux pour la Coupe du monde ?

F. M. : Nous allons travailler avec 14 garçons qui auront très peu de disponibilités et de week-end réservés à leur famille. Nous serons à flux tendus. Mais le niveau de compétence reste assez proche. Les trois garçons qui sont montés de Pro D2 (Pierre-Baptiste Nuchy, Vivien Praderie et Luc Ramos, N.D.L.R) ont été promus par rapport à leurs compétences et parce que le comité de sélection a défini qu'ils remplissaient les critères pour accéder au Top 14.

Au football, une arbitre française (Stéphanie Frappart) a été désignée pour arbitrer des rencontres masculines de haut niveau. Est-ce l’un de vos objectifs ?

F. M. : C'est un axe majeur de travail pour les saisons à venir. La dernière arbitre qui a officié dans le secteur professionnel est Christine Hanizet, j'étais en charge du secteur professionnel à cette époque-là. Nous souhaitons que l'arbitrage féminin français s'installe au plus haut niveau. Nous avons Aurélie Groizeleau actuellement qui s'installe au niveau international et nous espérons qu'elle sera retenue pour la prochaine Coupe du monde en Nouvelle-Zélande.

Comment avez-vous perçu la polémique née en Nouvelle-Zélande après le carton rouge donné par Jérôme Garcès au deuxième ligne des All Blacks Scott Barrett ?

F. M. : Selon mon interprétation personnelle, c'est une polémique qui vise à mettre de la pression sur les épaules de Jérôme, qui va arbitrer Nouvelle-Zélande - Afrique du Sud, un match important dès le début de la Coupe du monde. Jérôme a l'expérience et les épaules assez solides pour se détacher de ça. Quand on analyse factuellement ce carton rouge et qu’on a parlé d'intégrité physique des joueurs et d'arbre décisionnel, je ne vois pas quelle autre décision aurait pu être prise. Le carton rouge s’explique largement.

Quelles sont vos attentes pour la saison à venir ?

F. M. : Que chacun prenne du plaisir sur un terrain. Nous sommes là avant tout pour vivre une passion. Il faut qu'il y ait un respect des directives et consignes arbitrales données pour amener de la cohérence dans nos prises de décisions. Enfin nous espérons qu'il n'y ait pas de sujet déroutant qui vienne se confronter à nous cette année.

Propos recueillis par Clément Argoud à Saint-Lary-Soulan (avec En. D.)

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