Entre requins, deuil et pauvreté, la folle histoire du clermontois Timani

Par Rugbyrama
  • Top 14 - Sitaleki Timani (Clermont)
    Top 14 - Sitaleki Timani (Clermont)
  • La famille de Sitaleki Timani, peu avant le décès du père
    La famille de Sitaleki Timani, peu avant le décès du père
  • Sitaleki Timani et son petit frère, Lopeti qui joue aujourd'hui à La Rochelle
    Sitaleki Timani et son petit frère, Lopeti qui joue aujourd'hui à La Rochelle
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Actuellement joueur de l'ASM, le deuxième ligne tongien Sitaleki Timani a vécu une enfance très difficile. Échappant de justesse de la mort suite à une attaque de requin alors qu'il avait 11 ans ou perdant son père à 7 ans, Timani a été forcé de trouver une voie pour le sortir d'une situation compliquée. Mais le rugby est apparu et l'a sauvé, lui, et sa famille.

On connaît très bien les joueurs de rugby du Pacifique, maniant très bien le ballon et bénéficiant d'un gabarit incroyable. Mais malgré quelques témoignages, on connaît assez peu l'histoire de ces hommes avant leur arrivée en France. Et parfois, ces histoires sortent de l'ordinaire, c'est le cas du deuxième ligne de Clermont Sitaleki Timani. Le Tongien, natif de Navutoka un village au nord-est de l'île, a réussi à franchir les obstacles que la vie lui a mis en travers, comme il l'affirme sur le site officiel de l'ASM.

C'est d'abord à l'âge de sept ans que sa vie va dans un premier temps basculer. Vivant paisiblement mais en disposant de moyens sommes toutes modestes, la famille Timani gagne surtout sa vie grâce au père, qui est plongeur professionnel mais qui pratiquait aussi la pêche pour une grande compagnie. Mais lors d'un incident mécanique, l'homme ne va pas bénéficier d'assez d'air et malgré l'aide d'autres pêcheurs, il va perdre la vie. "Mon père est mort à l’hôpital, j’avais 7 ans. Nous nous sommes retrouvés seuls avec ma mère, mes deux frères et mes quatre sœurs" témoigne Timani. Dès lors, les temps vont être très difficiles, la mère va devoir fermer son épicerie.

La famille de Sitaleki Timani, peu avant le décès du père
La famille de Sitaleki Timani, peu avant le décès du père

Malgré les aides des différents membres de la famille, Timani et ses frères notamment (Sione qui évolue à Auch et Lopeti qui joue à La Rochelle), la famille va plonger dans la pauvreté. Des temps durs dont Sitaleki se souvient encore, même 25 ans après : "Pour nous, il était normal de ne pas avoir de petit-déjeuner. Nous nous levions, nous avions faim, mais il n’y avait rien à manger. Alors on partait à l’école. Parfois nous n’avions même pas assez d’argent pour payer un ticket de bus, on essayait de faire du stop et quand ça ne fonctionnait pas, nous marchions vers l’école avant de revenir par les mêmes moyens..."

Rescapé des dents de la mer

La deuxième épreuve de sa vie, si l'on omet le fait que chaque jour est une épreuve, intervient alors qu'il a 11 ans. L'Océan Pacifique est à quelques dizaines de mètres de la maison des Timani. Et comme souvent, Sione et Sitaleki vont sortir se baigner dans ces belles eaux turquoises, si caractéristiques de ces îles du Pacifique, laissant croire à un décor paradisiaque. Mais l'envers du décor règne dans les profondeurs de ces eaux envoûtantes avec des requins qui n'hésitent pas à mettre en marche leur instinct de chasseur. "Je me souviens d’une journée pluvieuse. Nous étions partis avec mon frère vers le large, comme d’habitude. Tout d’un coup, j’ai ressenti une énorme douleur dans la jambe. Je n’ai rien vu, rien compris" se remémore Timani avant de poursuivre, "après la première morsure, je n’avais qu’une idée en tête : nager le plus vite possible jusqu’à la plage". Mais le requin est revenu une deuxième fois à la charge, prenant Timani au niveau de l'estomac. Celui-ci va tout de même s'en sortir.

"Je n’avais plus de force, nous étions dans un bain de sang", des mots à peine croyables venant d'un homme qui aura finalement survécu, secouru par son grand frère Sione. "Je saignais beaucoup et j’ai dû être conduit à l’hôpital le plus proche où les médecins m’ont recousu la jambe, suturé mon estomac, une partie de mon ventre en interne et ont refermé mes plaies. J’aurais probablement dû rester quelque temps mais il n’y avait pas de chambre disponible". Des cicatrices, physiques et émotionnelles qui resteront à jamais chez Sitaleki Timani. Le sport, et le rugby, vont mettre du baume à ses blessures profondes.

L'Australie et la France, comme terres d'accueil

Il est connu que le sport est vecteur d'intégration et d'épanouissement pour ces jeunes en difficulté, autant sociale que financière. Heureusement pour eux, les frères Timani vont trouver une magnifique issue de secours notamment grâce au rugby. Notamment car c'est dans le foot que va se lancer Sitaleki. Dans son village, le sport de prédilection était celui du ballon rond. "À 15 ans, j’ai rejoint une équipe de foot en Australie. J’y ai passé 2 années avant de revenir au lycée des Tonga et de découvrir le rugby". La suite est belle pour Timani qui quelques mois plus tard, va signer chez les jeunes de la Western Force.

Sitaleki Timani et son petit frère, Lopeti qui joue aujourd'hui à La Rochelle
Sitaleki Timani et son petit frère, Lopeti qui joue aujourd'hui à La Rochelle

Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il appris son salaire de jeune joueur : "Wouhaaa ! On peut gagner cet argent seulement en faisant un sport que l’on aime ! J’étais jeune, mais avec l’argent que l’on me promettait, je pouvais manger autant que je voulais au Tonga, m’acheter ce dont j’avais besoin et penser à ma famille en étant sûr que personne n’ait faim" se dit-il. Finalement, la fratrie Timani aura bien réussi dont les trois garçons, tout les trois rugbymen en France. Sitaleki, lui, aura d'abord fait un passage par l'Australie car après la Western Force, il aura connu des expériences chez les Brumbies ou encore chez les Waratahs. C'est ensuite en 2013 que Timani va faire son arrivé en France avec une expérience de trois saisons à Montpellier et depuis 2015, une riche expérience au sein de l'ASM où il partage le poste avec des joueurs comme Paul Jedrasiak ou encore Sébastien Vahaamahina.

Aujourd'hui, Timani garde un souvenir impérissable de son enfance semée d'embûche mais qui se sera transformée en leçon de vie : "Quand on est passé par les années que j’ai vécues, il n’est pas très difficile de se convaincre de faire les efforts nécessaires et tout donner sur le terrain afin de jouer le plus longtemps possible. Le rugby a changé ma vie de la meilleure des manières". Titulaire face à la Section Paloise, Timani aura à coeur de représenter sa famille une fois de plus.

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