Enfin la fin des kilos

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TOP 14 - Dans le sillage d’un Toulouse à la ligne de trois-quarts légère et mobile, d’un Clermont qui allie vitesse et déplacement ou d’un racing 92 qui assume sa mutation vers un jeu spectaculaire et aéré, le rugby français est (enfin) en train de prendre une nouvelle voie : celle où la mobilité des hommes et du ballon est privilégiée aux gros bras.

L’aveu était signé Sébastien Bezy, demi de mêlée toulousain qui culmine à 1,74 m pour 77 kg, en septembre : "Quand on a moins de gros gabarits derrière, le but est de mettre le plus de vitesse possible." D’une implacable logique. Il faisait alors référence au week-end précédent, pour un match victorieux face à La Rochelle, quand son association avec Zack Holmes (1,75 m) était combinée à une paire de centres Ntamack-Mermoz dont la force de pénétration n’est évidemment pas la marque de fabrique. Ajoutez les Dupont, Kolbe ou Ramos (tous des hommes arrivés, revenus ou éclos ces deux dernières saisons) et vous comprendrez qu’au sein de la ligne de trois-quarts stadiste, le gabarit ne fait pas forcément le bonheur.

Champions Cup - Thomas Ramos et Sébastien Bézy (Toulouse) contre le Leinster
Champions Cup - Thomas Ramos et Sébastien Bézy (Toulouse) contre le Leinster

Cela tombe plutôt bien d’ailleurs, pour la santé visuelle des spectateurs et des observateurs, autant que pour l’efficacité actuelle de ce parti pris assumé. "Déplacer le ballon, s’adapter aux situations et essayer d’utiliser les compétences de chacun pour trouver les espaces : nous avons été élevés et nous avons gagné comme ça", répète Régis Sonnes, entraîneur des avants des Rouge et Noir passé par le club comme joueur et revenu cet été. Voilà qui est récompensé puisque son équipe, confortable deuxième du Top 14, est aussi invaincue en Champions Cup après deux journées. C’est même cette philosophie, à la fois audacieuse et ambitieuse, qui a permis - avec pourtant une composition largement remaniée - de dominer un Leinster imbattable depuis un an et demi sur la scène européenne, au terme d’un sublime et emballant duel.

On ne gagne plus en faisant dix cocottes par match

Un rugby qui plaît et qui marche. La preuve ? En championnat, seul Clermont fait mieux que la "bande à Mola et Sonnes", en pratiquant également un jeu de mouvement où rythme, intensité et rapidité sont les maîtres mots. Même dans la grande compétition continentale, les statistiques sont pour l’instant incontestables : outre Toulouse, le Racing 92 est l’autre formation française à avoir aligné deux succès. Et vous savez quoi ? Les Franciliens ont franchement réalisé leur mutation depuis deux saisons pour mettre à mort l’éternel cliché selon lequel "le rugby, dans les Hauts-de-Seine, se joue à dix".

Top 14 - Simon Zebo (Racing 92)
Top 14 - Simon Zebo (Racing 92)

En même temps qu’ils entamaient leur révolution en s’établissant à l’Arena, où la pelouse ne peut être plus sujette à la mise en place d’un rugby spectaculaire, ils ont adapté leurs principes, comme le confirmait leur coentraîneur Laurent Labit il y a quelque temps : "On ne gagne plus en faisant dix cocottes par match. Le Mondial anglais a sacré les équipes qui avaient clairement opté pour le mouvement, la passe et le jeu debout. Chez nous, l’idée est de tendre vers ce projet-là." Les derniers recrutements de Finn Russell et Simon Zebo, deux hommes viscéralement portés vers l’attaque, en est l’illustration. Même si cela ne se fait pas sans revers, comme en atteste l’irrégularité des Ciel et Blanc en Top 14.

"Quand on prend ce type de joueurs, il faut savoir accepter les jours sans, avoue Labit. Avec eux, le risque zéro n’existe pas."

On doit créer de l’émotion

Admettre le danger, ou plutôt favoriser l’attraction à la destruction, est le compromis même de cette vision moderne des choses. Quitte à en payer le prix. "Cela amène à prendre des risques, à faire tomber des ballons, à s’exposer aux contres", assure Ugo Mola. Il y a un an et demi, alors que le Stade toulousain sortait d’une saison cauchemardesque terminée à la douzième place du championnat, ce dernier défendait ses convictions, selon lesquelles le renouveau du club passerait par là :

"Les supporters ont envie de nous voir jouer, pas de voir des mecs qui répètent et récitent. Heureusement que les Blacks ou Clermont sont en haut, sinon je passerais pour un fou. En France, c’est parfois dur parce qu’on est souvent sur un rugby âpre. […] Je me planterai peut-être avec ça mais, à mon sens, on pratique à Toulouse un rugby qui demande de prendre des initiatives. On doit créer de l’émotion. Si s’adapter, c’est taper dix fois au pied, nous ne sommes pas complètement idiots (sic), mais la première intention doit être de tenter, de déplacer les hommes avec le ballon." Ce qui signifiait donc la fin annoncée de la course aux kilos, celle qui a tant régi (ou gangrené) le rugby des années 2005 à 2015.

Top 14 - Arthur Retière (La Rochelle) contre Grenoble
Top 14 - Arthur Retière (La Rochelle) contre Grenoble

"J’ai l’impression qu’on en a la preuve tous week-ends, et pas seulement chez nous, admet le Toulousain Maxime Mermoz. Un joueur me vient en tête : le Rochelais Arthur Retière. En le croisant dans la rue, personne ne se douterait qu’il est joueur professionnel de rugby. Mais quand on voit son talent..." Aujourd’hui, les Fickou, Danty ou Cancoriet - qui ont chacun retrouvé leur meilleur niveau ces récents mois - ont tous avoué que ce retour au premier plan correspond à leur perte de poids. Un hasard ? Sûrement pas. Une vérité générale et inépuisable ? Non plus et il serait naïf de croire le contraire. Pourtant, quand Montpellier et Toulon, qui privilégient encore un jeu plus direct et axé sur leurs gros bras, sont en difficulté, il s’agit simplement de se réjouir de l’évolution progressive des mentalités.

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