Setiano : "Ce serait chiant si tout était facile"

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Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Après avoir découvert les joies de la sélection, et disputé sa première Coupe du monde, le pilier droit du RCT a connu une période plus creuse. Bousculé en club et non-retenu pour le Tournoi des 6 Nations, le joueur de 23 ans (6 sélections) reconnaît avoir été dans le "creux de la vague". Désormais proche de son meilleur niveau, le droitier veut s'offrir une revanche personnelle.

Rugbyrama : Emerick, comment s'est passé votre retour à Toulon, après la Coupe du monde et votre découverte du niveau international ?

Emerick Setiano : J'avais manqué toute la préparation, et comme ce sont les moments qui soudent un collectif... Les stages, la cohésion, les séances de physique ; en chier ensemble, ça t'aide à devenir potes (sourire). Donc j'avais un peu d'appréhension, car même si j'étais sur le groupe Whatsapp, je suivais tout cela à 6 000 kilomètres. Et finalement tout s'est passé à merveille ! J'étais heureux de retrouver Toulon et tous les mecs.

Pendant une Coupe du monde tu es un privilégié. Tu n'as qu'à penser au rugby, au plan de jeu et à ta bande de potes. Et d'un coup tu rentres à la maison et tu te dis "putain, j'ai été un gosse pendant trois mois". Donc tu réapprends à cuisiner, à faire ton lit, à prendre ta voiture pour aller à l'entraînement

Et le rugby ?

E.S : Avant même de parler du terrain, il a également fallu gérer le retour à la vie "réelle" De juillet à octobre j'avais pris l'habitude de n'avoir qu'à me servir quand je passais à table, à rentrer dans ma chambre et que les vêtements soient propres et pliés ! Pendant une Coupe du monde tu es un privilégié. Tu n'as qu'à penser au rugby, au plan de jeu et à ta bande de potes. Et d'un coup tu rentres à la maison et tu te dis "putain, j'ai été un gosse pendant trois mois". Donc tu réapprends à cuisiner, à faire ton lit, à prendre ta voiture pour aller à l'entraînement.

Baptiste Serin expliquait à son retour qu'il avait également dû réapprendre à vivre sans les autres membres d'un collectif auquel il était très attaché. Avez-vous ressenti ce "manque" ?

E.S : Il faut vraiment se rendre compte que pendant une Coupe du monde tu vis chaque minute de ta vie avec une trentaine de mecs qui ont grosso modo ton âge et qui partagent une passion commune. Chaque matin tu te lèves tu vois les mêmes têtes, tu joues avec les mêmes mecs et quand te couches tu as toujours ton voisin de chambre (N.D.L.R. Belleau pendant la préparation, puis Bamba jusqu'à son forfait et enfin Gomes Sa). Tout est simple, tu rigoles, tu te chambres ; c'est une parenthèse enchantée. Alors quand tu te dis au revoir à l'aéroport tu comprends que tu vas devoir réapprendre à moins voir ces mecs. Et en même temps tu retrouves ta famille, tes proches... Il y a beaucoup de sentiments qui s'entremêlent à ce moment, et tu dois gérer cette transition de la meilleure des manières.

Et il faut également se concentrer sur de nouveaux objectifs sportifs...

E.S : Il faut switcher quasi-immédiatement ! Et dans mon cas Marcel (Van der Merwe), Seb (Taofifenua) et Beka (Gigashvili) marchaient super bien alors j'ai vite été mis dans le bain. Je voulais apporter à ce groupe.

Aviez vous le sentiment qu'avec votre nouveau statut de "joueur international", les attentes étaient différentes au sein du RCT ?

E.S : Pas spécialement : le Emerick Setiano qui est parti au Japon est le même que celui qui est revenu à Toulon. Donc le groupe n'attendait pas que je change. En revanche, forcément, le coach voulait que je lui prouve que j'avais grandi.

Et vous, personnellement ?

E.S : Je m'étais fixé l'objectif de devenir numéro 1. Et... ç'a été dur ! Beka a été excellent dès ses premiers matchs. C'est un super joueur, et de surplus il excelle dans des domaines où je dois encore travailler, comme le jeu au sol. Puis vous voulez que je vous dise ? C'est un super mec ! Ne comptez pas sur moi pour lui trouver un quelconque défaut : on s'entend bien et il m'apporte beaucoup, que ce soit dans sa manière de voir le rugby, sa façon de s'entraîner... De toute façon, ce n'est pas mon état d'esprit. On ne m'entendra jamais dire "ça fait chier, ce mec est fort", non non ! Je n'ai jamais eu de concurrent, uniquement des mecs qui m'aident à devenir plus performant.

Top 14 - Emerick Setiano (Toulon)
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Pourtant votre temps de jeu demeure moins élevé qu'on ne pouvait l'imaginer lorsqu'on vous a vu revenir du mondial.

E.S : Je joue moins que Beka, clairement ! Forcément, c'est dur à encaisser au début. On veut enchaîner, et on peut être vexé. Mais quand j'ai senti que ces pensées négatives arrivaient, j'ai réfléchi trois minutes et je me suis posé une question : "pourquoi je ne joue pas ?". J'ai alors accepté que j'étais l'unique responsable. Ensuite j'ai compris que ce n'était pas la fin du monde, et que l'arrivée d'un joueur de ce niveau allait faire énormément de bien à l'équipe. La présence de Beka est enrichissante, d'autant que je pense que nous sommes complémentaires.

Vous semblez n'avoir aucune aigreur.

E.S : Non, ce serait malhonnête de ma part ! Les saisons sont longues, on a tous des pics de formes et il faut savoir en profiter pour que le staff dispose toujours de solutions compétitives. D'ailleurs en ce moment Beka est blessé et c'est à moi de tenir la baraque, comme lui l'a fait quand j'étais un peu dans le creux de la vague. Si tu commences à te tirer dans les pattes c'est que tu n'as rien compris.

Vous dîtes avoir été dans le creux de la vague. Comment l'expliquez-vous ?

E.S : L'après Coupe du monde a été compliqué à gérer. Ensuite j'ai eu quelques pépins et je n'arrivais pas à revenir à 100%. Physiquement j'étais KO. Il m'a fallu du temps mais désormais je me sens un peu mieux.

Vous avez également dû accepter votre non-sélection pour le Tournoi des 6 nations. Quelques semaines plus tôt vous étiez 2 ou 3e dans la hiérarchie et là vous semblez plus 5 ou 6e...

E.S : (il coupe) Même 7e, 8e ou plus, je suis loin aujourd'hui !

Avez-vous eu l'occasion d'en parler avec le staff du XV de France ?

E.S : J'avais vu William Servat lorsqu'il était venu faire les entretiens à Toulon, et il avait été très clair avec moi : le staff appliquerait la politique de l'homme en forme. Et vous voulez que je sois sincère ? J'aurais pris la même décision que le staff me concernant. J'avais forcément envie d'être retenu, mais je n'étais pas numéro 1 en club. Tu ne peux pas prétendre à être pris en équipe de France si tu es irrégulier ! Ce serait trop facile et injuste. Puis la concurrence est forte. Quand tu vois Haouas, c'est normal qu'il soit à cette place aujourd'hui, il est tout simplement énorme.

Avez-vous été vexé ?

E.S : Non, mais déçu ! Je sors de la Coupe du monde en me disant que je dois garder cette place dans les trois, et... non, je ne l'accroche pas. Tu vois que tu te fais griller la priorité et ça pique, évidemment. Mais ce n'est pas grave. J'ai 23 ans, encore tant de choses à apprendre et ça me challenge. Ce serait chiant si tout était facile (sourire). J'y vois une forme de challenge vis-à-vis de moi-même. La première étape c'est d'aller chercher Beka en club. La sélection... on verra plus tard !

Et finalement, lors de vos deux dernières apparitions (à La Rochelle et contre le Stade français) vous avez semblé en meilleure forme. C'est également votre ressenti ?

E.S : C'est clair qu'on peut noter un regain de forme ! Je pense que le déclic est venu d'une prise de conscience collective. Après le match contre Brive, nous n'avions pas mis les ingrédients envisagés et le groupe a été vexé. Nous avons été pris sur les impacts et je vous assure qu'il n'y a rien de plus agaçant pour un avant. Alors nous nous sommes réunis. J'ai écouté les remarques faites à l'ensemble du groupe pour m'en servir personnellement. J'ai surfé sur cette prise de conscience collective. D'autant que quand tu vois les mecs qui composent l'effectif, tu as envie d'être au niveau. Tu ne peux pas te regarder dans le miroir si tu n'arrives pas à leur apporter quelque chose.

Top 14 - Emerick Setiano (Toulon) contre Clermont
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