O'Connell : "Un vainqueur, il n'y en a qu'un"

  • Top 14 - Paul O'Connell (Stade Français)
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  • Top 14 - Jonathan Danty, Sekou Macalou, Sergio Parisse et Yoann Maestri (Stade français) contre Bordeaux
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  • Coupe du Monde 2015 - La blessure de Paul O'Connell
    Coupe du Monde 2015 - La blessure de Paul O'Connell
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TOP 14 - Arrivé à Paris au mois d'août dernier, Paul O'Connell manie déjà un français plus qu'acceptable. "Le maître ès alignement" du Stade français nous a reçus dans son bureau de Jean Bouin et de la tête en travers de De Villiers, aux retrouvailles avec Papé en passant par l'épisode Macalou, l'ancien capitaine des Lions britanniques (39 ans, 115 sélections) n'a éludé aucun sujet d'actualité.

Rugbyrama : Vous êtes à Paris depuis trois mois. Avez-vous appris le français ?

Paul O'Connell : Je me débrouille... Le problème, c'est que lorsque je commence à parler français à quelqu'un, que ce soit à l'entraînement ou à la boulangerie, il me répond toujours en anglais ! C'est vexant !

Quel est votre mot préféré en français ?

P.O. : "Les titulaires" !

Pourquoi ?

P.O. : Je ne sais pas, ça sonne étrange à mes oreilles. Comme le mot "pneu", d'ailleurs. Parfois, je dis aux joueurs: "Les titulaires en touche !" et je me marre, tout seul. Ils me regardent tous, interloqués...

Vous avez affronté le Stade français avec le Munster à de nombreuses reprises. Quels souvenirs gardez-vous de ces matchs ?

P.O. : Le premier, c'était en 2002, lors d'un quart de finale de coupe d'Europe. Dans le vieux Jean Bouin, nous menions 16 à 3 à la mi-temps. Dès la reprise, Christophe Juillet (numéro 8) marquait un essai. Alors, on a plaqué, plaqué et plaqué encore. Nous avions gagné, ce jour-là. Et pour la première fois de ma carrière, j'avais été nommé homme du match ! Les supporters avaient sauté par dessus les barrières, mes parents étaient dans les tribunes, c'était juste incroyable.

Top 14 - Paul O'Connell (Stade Français)
Top 14 - Paul O'Connell (Stade Français)

Pourquoi était-ce à vos yeux si puissant ?

P.O. : Replacez-vous dans le contexte: à l'époque, les provinces irlandaises ne gagnaient jamais en France ; l'équipe d'Irlande ne battait jamais les Bleus.

A votre arrivée à Paris, vous avez dit à Pieter de Villiers: "Voici l'homme qui avait toujours la tête en travers, en mêlée !" Il vous aurait répondu: "Tu l'as souvent pris dans le c..., ma tête". Est-ce vrai ?

P.O. : Oui ! Il m'a aussi dit: "demande à tes piliers gauches ce qu'ils pensaient de ma tête en travers !" C'était un sacré client, Pieter. En mêlée, il ne laissait à son rival qu'un trou de souris pour placer son crâne.

Comment avez-vous débarqué à Paris, au juste ?

P.O. : Mike (Pendergast) m'a appelé en juillet dernier. Il cherchait un consultant pour la touche. J'ai d'abord refusé. J'avais déjà fait du consulting par le passé et j'avais trouvé ça décevant: les joueurs ont trop peu de temps pour comprendre et progresser. [...] Je suis retraité depuis trois ans et après avoir entraîné les moins de 20 ans irlandais, il était temps pour moi de devenir coach à temps plein. Heyneke (Meyer) m'a rappelé peu après. On a foncé.

Est-ce un luxe d'avoir un ancien capitaine des Lions britanniques comme porteur d'eau ?

P.O. : (soupir) Mais si tu veux entraîner, tu dois d'abord apprendre ! La capacité à transmettre, à enseigner, ne s'acquiert pas en deux mois. Joe Schmidt, que je considère comme l'un des plus grands entraîneurs au monde, fut professeur de littérature avant d'enseigner le rugby.

Top 14 - Paul O'Connell (Stade Français)
Top 14 - Paul O'Connell (Stade Français)

Quand vous entrez sur le terrain en tant que porteur d'eau, en profitez-vous pour parler aux arbitres ?

P.O. : Non, je l'ai juste fait une fois parce que le décompte des joueurs en touche n'était pas toujours bon. En France, les joueurs rendent la tâche difficile aux arbitres parce qu'ils sont très nombreux dans les rucks. [...] Dans le même ruck, le supporter de Montpellier verra trois fautes du Stade français, quand le supporter du Stade français verra trois fautes montpelliéraines. Et le pire, c'est qu'ils auront raison tous les deux ! Avec le temps, j'ai appris à avoir de l'empathie pour les arbitres. Car le rugby est le sport le plus difficile à légiférer.

Vous avez par exemple perdu quatre ballons en touche à Clermont, cinq contre Worcester. Etes-vous satisfait du rendement de l'alignement parisien ?

P.O. : Nous avons encore beaucoup de travail à réaliser. J'étais habitué à une certaine manière de travailler. Les joueurs étaient habitués à une autre. Mais nous parlerons le même langage.

En quoi travaillaient-ils différemment ?

P.O. : En France, les alignements préfèrent par exemple arriver très rapidement en touche et sauter. En Irlande, on regarde d'abord où est placé le contre puis on annonce le saut.

Le Top 14 est-il différent de la ligue celte ?

P.O. : Enormément, oui. La façon de gérer les périodes internationales est radicalement différente dans les deux championnats. Prenez un Ospreys / Munster pendant le Tournoi des 6 Nations: les Ospreys joueront sans dix internationaux gallois, le Munster jouera sans douze de ses meilleurs joueurs et le moment sera idéal pour lancer les mecs de ton académie.

Et ?

Si tu joues Montpellier pendant le Tournoi, tu crois vraiment que tu lanceras des jeunes de 20 ans contre Bismarck du Plessis, Paul Willemse, Nemani Nadolo et Frans Steyn ? [...] Enfin, les gabarits des joueurs influent sur le style de jeu proposé. Les rugbymen sont beaucoup moins lourds en ligue celte: il y a plus de rythme, moins de collisions, le jeu est plus ouvert. Je ne dis pas que c'est mieux, c'est juste différent.

Qu'avez-vous éprouvé lorsque le frère de Sekou Macalou est entré sur le terrain pour défendre son cadet ?

Mais ces choses là sont fréquentes dans le sport gaélique ! Pour moi, il n'y avait rien de choquant ! Le rugby est un sport dur. Il est important que ta famille te défende, parfois ! (rires)

Top 14 - Jonathan Danty, Sekou Macalou, Sergio Parisse et Yoann Maestri (Stade français) contre Bordeaux
Top 14 - Jonathan Danty, Sekou Macalou, Sergio Parisse et Yoann Maestri (Stade français) contre Bordeaux

Les attentes du docteur Wild sont énormes. Etes-vous dans l'obligation de réussir rapidement ?

Un vainqueur, il n'y en a qu'un. Je me souviens des premières années de ma carrière: si je n'étais pas champion en juin, je passais un été misérable. Mais la marge entre le vainqueur et ses deux poursuivants est infime !

Vous avez disputé le dernier match de votre carrière face à Pascal Papé, lors du Mondial 2015. Que vous reste-t-il de cette rencontre ?

En Angleterre, j'étais prêt, j'étais bien. Toute la torture que je m'étais infligé pendant la période de préparation était en train de payer. Cette blessure, je ne m'y attendais pas.

Racontez-nous...

Lorsque Pascal Papé m'a heurté dans le dos, je tentais de ralentir une libération de balle tricolore. Sa percussion était dans les règles -pour une fois !- mais mon pied est resté coincé dans la pelouse du Millennium. Et le tendon d'Achille s'est rompu dans ma chute. (il soupire) Rares sont les champions qui choisissent les circonstances de leur sortie, de toute façon...

Comment avez-vous réagi ?

J'ai pensé à mon coéquipier Eoin Reddan (ancien demi de mêlée de l'équipe d'Irlande). Il y a quelques années, il s'était cassé la cheville à la dernière minute d'un match contre la France. Il avait alors tenté de se relever pour se replacer dans la ligne de défense.

Que s'est-il passé, après ?

Je ne voulais pas qu'Emily me voie souffrir. Sur le terrain, les toubibs ont tenté de me relever une première fois. Je suis tombé. Ils ont essayé une deuxième fois. Je suis tombé à nouveau. La civière est arrivée. J'ai aussitôt compris que ma carrière était terminée.

Coupe du Monde 2015 - La blessure de Paul O'Connell
Coupe du Monde 2015 - La blessure de Paul O'Connell

Déjà ?

Oui. Je venais de signer à Toulon et Emily avait choisi une maison près de la mer. Elle était si heureuse de partir en France. J'avais peur de briser son rêve. Sur la civière, j'ai donc pris ma tête entre les mains et le docteur m'a dit: "Lève le bras et sourie quand la caméra s'approche. Ton épouse saura que tu vas bien". Je l'ai fait, moi qui avais toujours trouvé ridicules les joueurs qui quittaient le terrain en levant le bras !

Propos recueillis par Marc DUZAN (avec A. B.)

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