Aguillon : "D’expérience, on sait que c’est trop tôt pour s’enflammer"

  • Bilan 2018 - Pierre Aguillon (La Rochelle)
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  • Top 14 - La Rochelle après sa victoire contre Pau
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BILAN 2018 - Le centre et vice-capitaine de La Rochelle Pierre Aguillon revient sur l’année 2018 des Jaune et Noir. Le Gersois balaye les performances en championnat, Coupe d’Europe, le départ de Patrice Collazo et l’arrivée de Jono Gibbes. Tout en ne perdant pas de vue l’actualité du rugby sur laquelle il garde un oeil acéré.

Rugbyrama : Commençons par le présent, quel regard portez-vous sur cette première partie de saison de votre équipe ?

Pierre Aguillon : Un début de saison où on balbutie notre rugby puis il y a ce délic à Toulon, fin octobre. On y a va avec la peur d’en prendre 60 car c’est la bête blessée. On sait le talent et la qualité qu’il y a dans cette équipe. Du coup, on se dit que s’ils se réveillent contre nous, on va prendre pour tous les autres. Et on gagne (9-13), ça nous a décomplexé aussi. Derrière, on regagne au Stade Français (12-14). Des points de pris et au final on tourne bien. On est troisième quasiment à mi-saison (la 13e journée a lieu ce week-end).

Mais d’expérience, on sait que c’est trop tôt pour s’enflammer. L’année dernière, on était aussi dans les clous et pour une place, on a loupé la marche.

Top 14 - La Rochelle après sa victoire contre Pau
Top 14 - La Rochelle après sa victoire contre Pau

Sportivement, la saison dernière fut en effet ponctuée de bons et de moins bons moments. Vous vous qualifiez pour les quarts de finale de Champions Cup mais vous échouez pour une place en Top 14, en finissant septième.

P.A : La Champions Cup, ce fut un moment assez exceptionnel dans la mesure où c’était une première pour le club, et bon nombre de joueurs du groupe. Un moment fort. On est partis dans cette compétition sans se poser de questions avec l’envie d’exister et de ne pas subir l’évènement. Et ça nous a réussi. On perd ce match en quart de finale aux Scarlets de Llanelli (29-17) pour différentes raisons. Nous avons été un peu pris par l’enjeu. Nous n’avons pas joué comme nous avions l’habitude de faire. Les Scarlets, eux, étaient portés par une certaine euphorie.

C’était une belle histoire, notamment pour le club. Pour une première, ça restera un beau souvenir. En championnat, on fait pourtant un super début de saison et on s’effile, on s’égraine au fil de la seconde partie. C’est clairement ce qui nous coûte la qualification. On perd deux matchs à la maison (Toulon et Castres) qui nous font hyper mal. On ne se qualifie pas mais on ne pouvait s’en prendre qu’à nous. On avait les cartes en main. A un moment donné, on n’a pas fait ce qu’il fallait.

Le départ de Patrice Collazo a aussi marqué cette fin de saison…

P.A : C’était une fin de saison marquée par plein de choses, sorties dans la presse. Un beau merdier parce qu’on ne savait pas que c’était à ce point là (la brouille au sein du staff, aboutissant au départ de Patrice Collazo en mai, ndlr). Après, il y a eu une période de flottement. Aujourd’hui, nous sommes repartis. C’était perturbant car nous ne savions pas comment ça allait se passer pour la saison à venir.

Communiqué Officiel : https://t.co/b90DFDREGn

— Stade Rochelais (@staderochelais) May 10, 2018

En juin, tombe l’annonce de l’arrivée du nouveau patron du sportif Jono Gibbes, mais il vous a fallu attendre novembre pour le voir débarquer.

P.A : C’est particulier. On a l’habitude de voir arriver des joueurs en cours de saison, avec un joker, un joueur supplémentaire. C’est courant dans le rugby d’aujourd’hui. Mais un manager qui arrive en cours de saison, pas vraiment. On ne savait pas trop mais l’avantage c’est qu’il y avait déjà au club Garba (Xavier Garbajosa), Globus (Akvsenti Giorgadze) et Grég (Grégory Patat) pour continuer à mener la barque de bonne manière. On a continué sur ce qu’on faisait avant. Mais sur le coup, on ne savait pas trop avec l’annonce d’un manager qui va arriver à mi-saison avec des joueurs qu’il n’a pas choisi. Pour l’instant, on avance pas à pas.

L’actualité du rugby a été marquée ces derniers mois par plusieurs décès de jeunes joueurs, trois depuis mai. Comment vous positionnez-vous en tant que professionnel ?

P.A : C’est d’abord quelque chose qui m’attriste pour les familles concernées. Je suis parent et je me mets à leur place. Quand tu mets ton gosse au sport, ce n’est pas pour qu’il lui arrive quelque chose comme ça. J’ai un très bon ami qui a été touché aussi et qui est en fauteuil aujourd’hui. Tout ça, ça m’attriste, ça fait une mauvaise publicité à notre sport. C’est compliqué à gérer parce qu’on ne sait pas trop où est le problème. Est-ce qu’on en parle parce qu’on est dans un monde plus médiatique ? Ou bien avant, ça restait de clocher à clocher ? Tout n’était pas relayé comme ça, les médias étaient moins présents.

Et puis en regardant les matchs d’avant, on voit bien qu’il y avait des mecs qui prenaient des coups de pompes dans la tronche, dans le dos et je me dis qu’à cette époque-là, ce n’est pas possible qu’il n’y avait pas plus d’accidents que ça. C’est ça qu’il faudrait regarder car on est en train de tirer sur le rugby, en voulant interdire çi ou ça. Mais le rugby, c’est un sport d’affrontement et on ne peut passer à côté. A partir de là, on ne peut pas dénaturer notre sport. Mais c’est normal qu’on s’interroge car ce sont des accidents tragiques. Mourir à 19 ans sur un terrain de rugby suite à un plaquage, c’est terrible.

Aujourd’hui, tout va tellement vite. Quand tu prends un K.-O., ce n’est pas tellement que tu te fais retourner. Un K.-O., c’est souvent que tu n’as pas le temps de mettre la tête du bon côté.

Est-ce le seul facteur ?

P.A : Aujourd’hui, je suis plus inquiet par rapport aux surfaces synthétiques qui accélèrent le jeu. Les chocs, quand tu tombes, ce n’est pas pareil. Les joueurs sont de plus en plus athlétiques et en plus, on met des surfaces pour que ça aille encore plus vite. Quand tu as un mec de 110 kilos qui arrive lancé comme un frelon, ça peut faire mal… Sur un lancement de jeu, pour peu que tu ne te places pas comme il faut, c’est là où ça arrive et tu te fais éteindre.

Quelles dispositions vous semblent judicieuses pour réduire les risques ?

P.A : Il y a une réflexion qui est intéressante. J’entendais Vincent Moscato dire sur RMC qu’on pourrait sortir les deux troisième ligne aile du jeu, ça ferait plus d’espace. On jouerait à treize avec six avants. Je ne sais pas trop mais pourquoi pas. Ca ne changerait pas grand chose dans le système. Ca pousserait peut-être les équipes à déplacer davantage le ballon. C’est un éternel débat. Le mec qui va trouver une mesure pour empêcher tous les accidents, malheureusement je pense qu’il n’est pas né.

Quid enfin des résultats de l’équipe de France. Qu’en pensez-vous ?

P.A : Je ne suis pas dedans pour juger mais je suis triste. J’ai toujours regardé les matchs de l’équipe de France avec un oeil de gamin parce que j’ai des souvenirs. C’est la vitrine du rugby français et on ne peut faire que constater qu’aujourd’hui, on n’y arrive pas. On n’y arrive plus. Tu prends l’Argentine et nous. Rugbystiquement, ça devrait être kif-kif mais dans les émotions, c’est mille fois plus beau. Ça te donne plus envie d’acheter un maillot de l’équipe d’Argentine que de l’équipe de France. Il y a là aussi un vaste chantier mais est-ce qu’on le fait dans la bonne direction ? Se pose-t-on les bonnes questions ?

C’est dommage parce qu’on a de bons joueurs en France. Il y a des jeunes qui rayonnent dans leur club et je ne comprends pas pourquoi en équipe de France, ils n’arrivent pas à jouer ensemble. Tu représentes ton pays, tu as la banane et tu ne devrais avoir qu’une envie, c’est d’y laisser ta peau.

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