Clerc : "Le rugby est un sport traumatique depuis toujours"

  • Vincent Clerc - Toulon
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  • Vincent Clerc
    Vincent Clerc
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L'annonce de la retraite de Sam Warburton a fait l'effet d'une bombe il y a quinze jours. Alors que les chiffres publiés par les enquêtes épidémiologiques de la LNR montrent que les blessures augmentent d'année en année, notre sport atteint-il la cote d'alerte ? Midi Olympique pose la question dans un dossier ce vendredi. L'ancien ailier international Vincent Clerc prône la prudence et la mesure.

Que vous a inspiré la retraite à 29 ans de Sam Warburton ?

Vincent Clerc : C'est tellement propre à chacun... De nombreux paramètres entrent en compte dans une blessure. Il y a le facteur malchance, le facteur fatigue, le facteur rééducation, le facteur surutilisation du joueur aussi... Si tu te dépêches de reprendre, tu es plus sensible à une rechute. C'est vraiment dommage qu'un joueur comme lui s'arrête comme ça. Cela doit être hyper frustrant pour lui. Mais je trouve aussi cela hyper raisonnable et hyper courageux de sa part d'avoir pris une telle décision.

Personnellement, vous venez de prendre votre retraite. Comment vous sentez-vous physiquement ?

V.C. : Vraiment bien. Lors de ma blessure à un tendon d'Achille il y a deux ans, j'ai eu une grosse hésitation quant à la poursuite de ma carrière. Finalement, j'ai fait une saison supplémentaire. J'ai bien fait. J'ai énormément travaillé et j'ai retrouvé des sensations alors j'ai pris beaucoup de plaisir l'an passé. Du coup, je suis sur la lancée de cette dernière saison : j'ai envie de faire du sport, de m'éclater. Je me sens bien et apaisé d'avoir réussi à revenir de cette blessure et d'avoir pu finir ma carrière comme je le souhaitais.

Etait-ce important pour vous de ne pas finir sur une blessure ?

V.C. : Je l'aurais accepté mais je savais que j'avais encore envie et besoin de jouer. Je sentais que j'en avais toujours les capacités. Ça aurait été frustrant de ne pas finir sur le terrain... Je m'y étais préparé et j'étais prêt à embrasser les deux chemins mais je suis heureux d'avoir emprunté celui-là.

Vous sentez-vous mieux maintenant que vous avez arrêté ?

V.C. : Pas spécialement. Forcément, on a plus de mal à récupérer quand on a 37 ans mais je n'avais pas de douleurs au réveil après les matchs, je n'ai jamais mis deux heures à me déplier en me levant etc. Je n'ai jamais connu ça et si cela avait été le cas, j'aurais fait le choix d'arrêter. Franchement, j'aurais stoppé ma carrière plus tôt si j'avais eu des douleurs récurrentes.

Vincent Clerc
Vincent Clerc

Avez-vous déjà effectué le compte de vos blessures ?

V.C. : J'en ai eu trois grosses durant ma carrière. Je me suis rompu les ligaments croisés des deux genoux, la première fois à 28 ans et la deuxième cinq ans plus tard. Ces deux blessures sont vraiment liées à la fatigue. Elles sont arrivées après deux Coupes du monde. En fait, je me suis toujours blessé tout seul, à la sortie de grosses saisons où j'avais beaucoup joué et où j'avais eu des signes d'alarme que je n'avais pas écoutés. Quand tu es "dans le truc", tu as envie d'en faire plus, jusqu'à que ça pète. On est plus exposé quand on est très en forme finalement parce qu'on enchaîne les matchs et on accumule la fatigue. Je me suis ensuite rompu le tendon d'Achille il y a deux ans. Mais cela aurait été difficile d'éviter les blessures en 17 ans de carrière. Ces pépins étaient sûrement nécessaires. Le rythme était tellement élevé, mon corps n'en pouvait plus.

Vous pensez que vous ne vous êtes pas assez écouté ?

V.C. : C'est certain. Tu ne se sens jamais de dire à ton coach que tu ne peux pas jouer... Et s'il te donne donne le choix, tu feras toujours celui du terrain. Si on ne lui impose pas l'arrêt, le joueur lui-même ne prendra pas de repos et se mettra en danger tout seul.

Le rugby va plus vite et plus fort, les impacts sont plus violents depuis quelques années. L'avez-vous senti durant votre carrière ?

V.C. : Je ne sais pas si on peut dire ça. Peut-être que ça tape un peu plus fort depuis cinq ou six ans mais les blessures viennent-elles vraiment de là ? Je me pose la question. À un moment donné, je voyais beaucoup de commotions qui survenaient sur des interventions défensives où les joueurs cherchaient à plaquer avec leur épaule forte et mettaient la tête du mauvais côté. Du coup, n’est-ce pas une mauvaise technique de plaquage qui engendre plus de blessures plutôt que la vitesse d’impact elle-même ? On voit aussi des joueurs plaquer de plus en plus haut et se faire mal comme ça... Alors tout cela est-il plus lié à l'évolution du rugby, de sa vitesse et de sa puissance, ou est-ce plutôt qu'on veut tellement marquer l'adversaire qu'on se met plus en danger ? La question se pose. Après, on n'évitera jamais les blessures d'un genou sur un mauvais appui par exemple. Ça fera toujours partie du rugby...

Fin du anglet beach rugby festival!
C’était top à l’année prochaine!?#parrain #beachrugby #capique pic.twitter.com/xGWC9DKXuj

— Vincent Clerc (@VincentClerc) July 22, 2018

Le rugby d'aujourd'hui n'est-il pas un rugby qui détruit ?

V.C. : Bien sûr que le rugby est traumatisant. Moins on récupère entre les matchs et les saisons, moins on laisse le temps au corps de se régénérer pour encaisser les chocs. Mais c'est un sport traumatique depuis toujours. Si le joueur est exemplaire, va faire correctement sa récup' après tous les entraînements et tous les matchs, a une bonne hygiène de vie et prend le temps de s'étirer, sa carrière va sûrement durer plus longtemps qu'un autre qui ne le fera pas. Le paramètre de la blessure à lui seul ne suffit pas. Il y a l'hygiène de vie donc mais aussi la nourriture, le sommeil, la récupération, les soins etc. On ne peut pas prendre en compte uniquement le traumatisme sur le terrain. Ce serait trop facile.

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