Tillous-Borde : "On veut prendre du plaisir sur le terrain et faire se lever le public"

Après deux mois de travail, comment jugez-vous la préparation toulonnaise ?

Sébastien Tillous-Borde : On a fait une grosse préparation. Ça a piqué ! Beaucoup de choses ont changé. Il a fallu s'adapter, mais c'est très intéressant. On travaille différemment par rapport au jeu que l'on souhaite mettre en place. C'était constructif et épanouissant. On a découvert des choses, ça donne une nouvelle dynamique. On est aussi parti 15 jours en Argentine, ça permet de sortir de la routine habituelle. On a eu pas mal d'heures de voyage, c'est un peu la contrainte, mais en revanche, pour ce qui est de la cohésion, ce fut une très bonne chose. Avec les nouveaux joueurs et le staff, on a vécu ensemble 15 jours, ça nous a permis de mieux se connaître pas seulement sur le plan du rugby mais aussi dans notre vie de tous les jours.

Après ce stage, Toulon a disputé deux matches amicaux durant lesquels l'équipe semblait dans le dur physiquement, notamment face à Lyon. Est-ce le contrecoup de cette préparation ?

S. T-B : En Argentine, malgré l'hiver, on a fait deux matches avec beaucoup de rythme lors desquels on était bien. En revanche, les deux matches à la maison, face à Clermont et Lyon, on a un peu eu de mal, c'est vrai qu'on était moins bien. Mais le plus important est d'être prêt ce week-end. Il y a beaucoup d'incertitudes. C'est une nouvelle saison qui démarre. On a des repères, mais pas ceux d'une saison. Pau a certainement fait une grosse préparation comme nous... ces matchs d'ouverture ne sont jamais faciles.

D'autant que vous devez composer sans de nombreux joueurs, blessés. Ça devient une constante à Toulon...

S. T-B. : Si l'on regarde les trois dernières saisons, en comptant celle-là, chaque année on part avec cet handicap d'avoir beaucoup de blessures. C'est embêtant, on a un groupe de 40 joueurs et on aimerait pouvoir disposer de tout le monde. Cela nous permettrait d'être bien, de pouvoir tourner pour garder de la fraîcheur. Là, les coachs ont moins de choix et plus de contraintes dans ce turnover.

On aimerait mettre en place un rugby avec plus de volume de jeu, où on déplace plus le ballon

Les coachs, justement, viennent d'arriver. Quel regard portez-vous sur ce staff ?

S. T-B. : On savait que l'on partait sur un nouveau projet. Fabien (Galthié) amène son exigence, il a beaucoup réfléchi sur le rugby. Fabrice (Landreau) apporte également son côté perfectionniste sur les détails. C'est complet avec Marc (Dal Maso) qui était déjà là et Manny (Edmonds) qui est sur le spécifique trois quarts. J'espère qu'on va valider ce que l'on a travaillé avec eux depuis deux mois.

Avec un manager ancien numéro 9, retrouve-vous les séances de travail spécifique comme cela pouvait exister avec Pierre Mignoni ?

S. T-B. : On a la chance que Fabien soit un ancien numéro 9, il nous apporte sa vision des choses et donne des petits conseils. De temps en temps, il nous prend en spécifique et nous fait travailler les passes. Ça n'a pas été facile de le faire pendant la préparation avec la grosse charge de travail que l'on avait. Mais chaque fois que l'on a travaillé cet aspect, ce n'était pas juste les passes, mais il y a avait un objectif derrière. Il nous donne des détails à améliorer, des choses à changer. C'est intéressant.

Est-ce que le plan de jeu et la philosophie des entraîneurs correspondent à votre vision des choses ?

S. T-B. : Ça me correspond. On aimerait mettre en place un rugby avec plus de volume de jeu, où on déplace plus le ballon. Pour cela, il faut être en forme, individuellement et collectivement. Ça demande beaucoup de préparation. Il nous faut un peu de temps, mais on a besoin du terrain pour trouver les repères.

La saison passée a été fatigante mentalement

Le groupe semble adhérer, plus qu'au plan de jeu de Mike Ford l'an passé...

S. T-B. : Ce qu'il a voulu mettre en place... c'était compliqué. Il nous a récupéré au mois de novembre, on avait fait une préparation physique qui ne correspondait pas forcément à ce qu'il souhaitait que l'on fasse. Là, la préparation a été faite en fonction du jeu que l'on souhaite. On veut prendre du plaisir sur le terrain, se déplacer et faire se lever le public et gagner des matches.

En parlant du public, la ferveur semble être revenue autour de l'équipe. Vous percevez cela également ?

S. T-B. : Il y a un renouveau et les gens ont de l'engouement pour ce nouveau projet. Puis on travaille plus dans le calme cette année ! On va essayer de faire en sorte de prendre du plaisir pour en donner. L'année dernière était difficile, je ne sais pas comment on a fait pour faire quart-de-finale en coupe d'Europe et finale en Top 14 ! Ici, c'est toujours différent (rires). Avec cette instabilité chronique, on est arrivé à quelque chose, avec cette série de 6 ou 7 matches sans défaite pour aller en finale. Mais on a vécu une saison fatigante mentalement. J'espère que cette année, ce sera quand même différent et que l'on pourra faire une saison pleine. Et surtout ramener des titres.

Justement, le dernier titre de Toulon remonte à seulement 2015. Pourtant, on a l'impression que vous n'avez rien gagné depuis des années. C'est aussi ça Toulon ?

S. T-B. : C'est ça : deux saisons sans titre, et on a l' impression qu'on n'a pas gagné depuis 15 ou 20 ans ! Mais quand tu gagnes, le public et les joueurs s'habituent et après, il manque quelque chose. On en n'a pas été loin ces deux dernières années, mais on va essayer de gagner quelque chose cette année.

Une prolongation ? On en parlera avec Mourad quand ce sera le moment

Sur le plan personnel, vous êtes-vous fixés des objectifs pour cette saison ?

S. T-B. : J'ai envie de faire une grosse saison. Je suis très motivé. On a la chance que Fabien soit arrivé, il nous apporte des petits détails sur notre poste. Cela permet de pouvoir changer des choses qu'on a travaillé d'une façon pendant des années pour avoir de meilleures performances. C'est important. On peut toujours progresser. Fabien m'a déjà parlé sur certaines choses, ça m'aide. J'essaie de travailler quotidiennement pour mettre cela en place en match, j'espère qu'on le verra rapidement sur le terrain.

Cette année est d'autant plus particulière pour vous, car vous arrivez en fin de contrat au terme de la saison. C'est un facteur supplémentaire à gérer dans cette saison ?

S. T-B. : Je n'y pense pas trop. J'aurais pu essayer de négocier l'an passé mais je préfère jouer le début de saison. On va voir comment ça se passe mais ce sont mes prestations qui vont commander ce qui se fera après. Ce n'est pas une pression. Certes, quand il te reste 3 ans, tu as un certain confort. Là, il y a l'année d'après à penser. Mais il faut vivre le présent et se concentrer sur les matchs à faire. Quand ce sera le moment, on parlera avec Mourad.

Avec votre expérience, comment jugez-vous l'évolution du Top 14 ?

S. T-B. : On a beaucoup parlé sur les phases finales et notamment sur le jeu très dur qui avait été pratiqué. Mais je pense que le rugby est en train de changer. Cela évolue dans l'hémisphère Sud : si les Blacks jouent sur une autre planète, les Sud-Af changent leur style de jeu. Ça ne vient pas du jour au lendemain, mais on voit les équipes dans le nord qui évoluent également. C'est aussi la philosophie de certains coachs ici. L'évolution de notre rugby dans son ensemble, passera par les clubs. On voit dans la Ligue Celte que ça joue beaucoup. Je pense que le Top 14 va aller dans ce sens là. On a vu La Rochelle qui jouait beaucoup l'an passé, Clermont évidemment qui a cette philosophie. Le Top 14 est toujours un peu plus rude mais ça va tendre par là. On prend plus de plaisir dans ce jeu là quand le ballon circule plus. Mais il faut aussi trouver le juste milieu.