Jelonch : au nom du père, du gers et du rugby ​

  • Anthony Jelonch (Castres Olympique)
    Anthony Jelonch (Castres Olympique)
  • Anthony Jelonch (Castres) vs Stade Français
    Anthony Jelonch (Castres) vs Stade Français
  • Anthony Jelonch de Castres
    Anthony Jelonch de Castres
  • Christophe Urios (Castres)
    Christophe Urios (Castres)
Publié le Mis à jour
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Absent depuis le 18 mars, le troisième ligne castrais a fait son retour à la compétition lors des demi-finales. Déjà international à 21 ans, Anthony Jelonch va vivre sa première finale au stade de France. Retour sur son parcours avec son papa Jérôme, qui l’a entraîné pendant neuf ans.

"Un garçon qui sait d’où il vient, charmant, discret, intelligent." Sa terre, c’est celle du Gers. Elle lui colle aux crampons à écouter les personnes qui l’ont croisé pendant sa jeunesse et son adolescence. Enfant du Parré, petit village situé à moins d’un kilomètre du château de Castelmore, qui vit naître le plus célèbre des mousquetaires, Anthony Jelonch monte lui aussi à la capitale pour réaliser son rêve.

C’est un enfant de la terre, qui vient d’une famille d’agriculteurs, de travailleurs

Et pourtant, le joueur de Castres ne voulait pas écouter son père Jérôme, ancien troisième ligne de Vic-Fezensac : "Petit, il voulait jouer au foot avec ses copains du village, mais notre passion dans la famille, c’était le rugby. Comment faire pour l’en dissuader ? Un jour, j’ai eu de la chance. Il y avait une balançoire dans le jardin et il s’est cassé la figure et s’est fracturé le bras. Je me suis dit qu’il était temps d’enlever cette balançoire et je l’ai transformé en poteaux de rugby. Même s’il m’a dit qu’il ne jouerait pas pour autant au rugby, il a commencé à taper petit à petit vers les poteaux. À 6 ans, je lui ai dit :" Viens on va jouer ensemble au rugby à Vic. Je t’accompagne et tu verras le samedi on ira se promener en même temps." C’est parti comme ça. Cette balançoire et cette chute m’ont sauvé."

Plus vite Anthony, énerve-toi Anthony

Quinze plus tard, Jérôme Jelonch s’est activé toute cette semaine. Lui aussi monte au Stade de France et il ne sera pas seul. Un bus de cinquante personnes partira de Vic-Fezensac à 3 heures du matin dans la nuit de vendredi à samedi pour encourager le CO. Pensait-il un jour vivre pareille aventure ? "Quand il a démarré, je n’aurai jamais cru qu’il évoluerait à ce niveau-là un jour. Il est quand même d’un tempérament assez calme, très tranquille. Il fallait tout le temps être derrière lui : " Plus vite Anthony, énerve-toi Anthony !" Finalement son calme et sa façon d’être toujours positif, sans jamais trop de pression, lui ont été bénéfiques. Je l’ai toujours vu très calme. Je suis d’un tempérament très vif et je n’ai jamais compris comment j’avais pu faire un gosse aussi calme."

Anthony Jelonch (Castres) vs Stade Français
Anthony Jelonch (Castres) vs Stade Français

Le papa connaît aussi bien son fils en dehors que sur les terrains. Ancien troisième ligne de Vic-Fezensac en deuxième division, il a entraîné Anthony pendant toutes ses années vicoises. Comme tous les entraîneurs et les partenaires qui ont connu son fils, il a pu constater sa force physique "naturelle". "Moi, j’étais paysan. Il a d’ailleurs lui aussi une formation puisqu’il a un bac agricole. J’avais une petite exploitation et je m’étais mis à faire du bois de chauffage. C’est là que je l’ai un peu endurci. Il aimait bien la tronçonneuse, même tout jeune. Il était costaud et il avait l’occasion de se dépenser. C’était un entraînement assez naturel. Il ne rechignait pas à la tâche et il était plutôt content. Et quand il a réussi à prendre des bois plus gros que papa, ça l’a un peu motivé. Nous étions très complices."

D’ailleurs, le papa a toujours été au cœur des choix de son fils pendant toute sa carrière. Pas question de passer outre l’avis du paternel. Le club d’Auch s’y est cassé les dents à deux reprises avant de pouvoir attirer Anthony dans ses filets. "Je pensais, comme Jean Dupouy son éducateur, que l’on pouvait très bien apprendre le rugby à Vic." À raison, puisqu’il remporte le championnat d’Armagnac-Bigorre lors de sa première année en cadet. Son dernier fait d’armes avec son club de toujours avant de prendre la direction du FCAG et du lycée agricole de Beaulieu Lavacant où il fait la rencontre d’Antoine Dupont, le demi de mêlée du Stade toulousain avec qui il était encore dimanche dernier au lendemain de l’exploit face au Racing 92 à Lyon. Les premiers pas dans la préfecture gersoise ne sont pas vraiment du goût de Jérôme, son fils ayant été repositionné en deuxième ligne en raison de sa puissance.

Il a refusé clermont

Le niveau et la concurrence ont augmenté en débarquant à Auch alors Anthony ne dit rien. Mais c’est un appel inattendu qui a tout changé. "Un coup de téléphone de Clermont-Ferrand, raconte le papa. On me demande si mon fils serait intéressé par une journée de détection. L’ASM invitait dix-sept avants et treize trois-quarts. J’en parle à Anthony qui ne veut pas y aller. Mais, à ce moment-là, il effectuait sa conduite accompagnée. C’est toujours pareil avec lui, il faut le motiver. Je lui fais alors remarquer que ça serait une belle occasion de faire beaucoup de kilomètres avec papa. Il finit par me donner son accord. Nous partons donc à Clermont." Ce jour-là, Anthony Jelonch pousse sur une drôle de machine.

Anthony Jelonch de Castres
Anthony Jelonch de Castres

"Les mecs autour se consultent, se regardent, se penchent sur la machine. Je me dis qu’il a encore fait une connerie, qu’il a dû toucher un bouton qu’il ne fallait pas. On lui demande de pousser une nouvelle fois." Un quart d’heure plus tard, le verdict tombe alors qu’une opposition est prévue dans l’après-midi. "Si vous êtes d’accord, on garde Anthony au centre de formation." Le papa n’est pas du tout d’accord : "Nous sommes agriculteurs, nous avons des vaches. Je ne vais pas amener mon troupeau à Clermont-Ferrand. On va donc rentrer chez nous. Nous sommes venus parce que vous nous avez invités mais on n’est pas venu pour jouer à Clermont." Incrédules et désabusés, les éducateurs regardent Anthony inscrire trois essais lors du match de l’après-midi. La petite escapade en Auvergne est revenue aux oreilles des entraîneurs auscitains. Clermont le voulait en numéro huit, il jouera dorénavant à ce poste à Auch.

Une place dans le vestiaire

Jérôme Jelonch est d’ailleurs toujours persuadé qu’Anthony est fait pour ce poste même au plus haut niveau. C’est d’ailleurs avec le numéro huit dans le dos qu’il a disputé son premier match en professionnel. C’était à Jean-Bouin face au Stade français, il y a moins de deux ans. Depuis Christophe Urios préfère utiliser Anthony au poste de flanker. Mais pas question pour le père de discuter les choix du manager tarnais. Les deux hommes ont appris à se connaître : "Après les moins de 20 ans, j’ai demandé à rencontrer Urios. L’agent me dit que ce n’est pas possible. Je veux alors rencontrer le mec qui paye. Ce n’est toujours pas possible. Si je ne peux voir ni le gars qui paie, ni celui fait travailler mon fils, je ne signe rien du tout comme contrat. La démarche a plu à Christophe Urios."

Christophe Urios (Castres)
Christophe Urios (Castres)

Le papa demande alors à être rassuré car beaucoup de jeunes joueurs français disparaissent dans les effectifs pléthoriques du Top 14. "Urios m’a répondu qu’il ne voulait pas le prêter, qu’il était sûr qu’il pouvait jouer à ce niveau à condition de travailler. En revanche, il me prévient : "Le plus grand problème sera de se faire une place dans le vestiaire. Je ne peux rien faire sur ce point-là. Moi, je peux rendre les joueurs performants mais sa place dans le vestiaire, c’est à lui de se la faire."

Avec trente-quatre feuilles de matchs en Top 14 en deux saisons, le timide Anthony a su la gagner. Assez pour que sa titularisation en demi-finale ne pose aucun problème même s’il avait été éloigné des terrains depuis le mois de mars. Seul, le papa s’est fait surprendre, lui qui avait assisté au barrage mais n’avait pas pensé à prendre des places pour Lyon. Il avait tout misé sur un déplacement au Stade de France. Ce samedi, il sera certainement encore dans le bus quand son fils l’appellera une dernière fois avant d’entrer dans son match : "Je n’ai plus grand-chose à lui dire. Il en sait bien plus que moi. Mais on appelle quand même papa quand ça chauffe. On ne parlera pas technique. Je lui dirai simplement : "Ce n’est pas la guerre. Si tu veux le Bouclier, le but est de marquer plus d’essais que les autres. Et on marque des essais en faisant du jeu."

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