Toulouse - Agen : Souvenirs de derbies

Par Rugbyrama
  • David Couzinet (SUA), en 2000
    David Couzinet (SUA), en 2000
  • Omar Hasan, Philippe Benetton et Matthieu Lièvremont (SUA) après la finale perdue face à Biarritz, en 2002 (25-22 a.p.)
    Omar Hasan, Philippe Benetton et Matthieu Lièvremont (SUA) après la finale perdue face à Biarritz, en 2002 (25-22 a.p.)
  • Top 14 2006/2007 : Rupeni Caucaunibuca (Agen) prend l'intervalle, face au Toulouse de Cédric Heymans
    Top 14 2006/2007 : Rupeni Caucaunibuca (Agen) prend l'intervalle, face au Toulouse de Cédric Heymans
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TOP 14 - Alors que Toulouse et Agen se retrouvent ce samedi à Ernest-Wallon pour un nouveau derby de la Garonne, les anciens protagonistes côté Rouge et Noir et côté Bleu et Blanc se livrent sur ces confrontations qui ont marqué les esprits.

Un Toulouse – Agen n'est vraiment jamais un match comme un autre, un affrontement estampillé "derby de la Garonne" qui a connu ses plus belles heures durant trois décennies, des années 80 aux années 2000. Aujourd'hui, s'il a perdu quelque peu de sa superbe, il n'en reste pas moins un match à fort enjeux.

Il suffit pour s'en rendre compte d'interroger Albert Cigagna, ancien troisième ligne international du Stade toulousain entre 1981 et 1995. Surnommé "Matabiau", en référence à la gare ferroviaire et de triage de Toulouse. Le joueur, aujourd'hui enseignant dans le milieu sportif universitaire toulousain, confie : "C'était des derbys engagés, rugueux mais dans la loyauté. Autant en championnat qu'en phases finales. Je ne sais pas vraiment si on peut parler d'un derby, dans l'esprit des gens ça le reste mais pour nous c'était un match comme un autre qu'il fallait gagner. Il y avait beaucoup de respect entre nous parce que les deux équipes étaient dans leur grande période. Il y avait de la suprématie en jeu mais aussi beaucoup de respect."

"À Montauban, ce huitième de finale, c'était d'une connerie pas possible" (Cigagna)

Champion de France en 1986 face à Agen (il récidivera en 1989 face aux Lot-et-Garonnais en demi-finale) après avoir vaincu Toulon l'année précédente au terme d'un grand spectacle de jeu, Cigagna ne se remémore pas d'une finale ayant "atteint des sommets". Non, le match qui l'a le plus marqué face au SUA de l'époque reste le huitième de finale retour de championnat, disputé en 1984 du côté de Montauban.

"Je m'en souviens car il s'agissait de ma première saison avec les professionnels et les deux équipes avaient été plus que limites dans l'engagement. C'était même lamentable, tristounet, d'une connerie pas possible. C'est le seul mauvais souvenir contre eux, après je n'en ai que des bons", confie le joueur qui connut la défaite ce jour-là (27-13) au cours d'une rencontre marquée par de nombreux mauvais coups et un carton rouge de chaque côté. Marqué par ce duel au couteau, il n'en a pas oublié non plus les longues années de disette face aux Bleu et Blanc : "Avant 1984, nous ne gagnions pas beaucoup face à eux. Après même si la finale de 1986 et la demi -finale de 1989 nous ont souri, nous ne la ramenions pas. Nous savions que contre eux ça allait être chaud jusqu'à la fin. Agen avait des joueurs de classe, des internationaux comme Philippe Sella, Dominique Erbani, Daniel Dubroca, Pierre Berbizier...Puis, nous avions deux styles de jeu qui se rapprochaient, basés sur l'offensive avec un pack qui tenait la route."

Une histoire de packs, une histoire d'hommes

Ces histoires de "gros", Omar Hasan ne les connaît que trop bien. Le pilier droit international argentin (65 sélection avec les Pumas) a la particularité d'avoir participé aux belles heures des deux clubs dans les années 2000. Celui qui fait aujourd'hui à 46 ans parler ses talents de baryton émet forcément de la réserve quant à la confrontation à venir : "J'ai le cœur partagé parce que j'ai joué cinq saisons à Agen (1999-2004), et quatre à Toulouse (2004-2008). J'ai eu de belles histoires dans les deux clubs." Au moment d'ouvrir la "boîte à souvenirs", le joueur se souvient forcément des deux demi-finales de 2002 et de 2003 disputés au stade de la Mosson, à Montpellier contre "l'ogre toulousain".

"La saison de 2002 avec Agen était énorme parce que nous sommes montés crescendo avec un pack redoutable, rappelle-t-il avant de développer. C'était ma première confrontation contre le Stade toulousain depuis mon arrivée en France. À l'époque on le présentait comme le grand Stade toulousain, la meilleure équipe de France et sans doute d'Europe. Nous avions surpris tout le monde, et les Toulousains ont eu ce match en travers de la gorge car ils avaient été dominés de partout dès le début de la rencontre." Il modère : "Bon, peut-être pas dès le début car nous avions commencé le match de manière catastrophique avec un essai de Cédric Desbrosse dès la première minute. Un vrai essai à la toulousaine, 'jeu de mains jeu de Toulousains' comme on dit. Ça avait mal commencé mais nous nous étions bien repris notamment en mêlée fermée. C'est pour ça que le Stade m'avait voulu deux saisons plus tard même si j'étais déjà vieux (rires)."

Omar Hasan, Philippe Benetton et Matthieu Lièvremont (SUA) après la finale perdue face à Biarritz, en 2002 (25-22 a.p.)
Omar Hasan, Philippe Benetton et Matthieu Lièvremont (SUA) après la finale perdue face à Biarritz, en 2002 (25-22 a.p.)

Et s'il doit ressortir un joueur de cette confrontation, Omar Hasan a une pensée pour le numéro 8 d'Agen, Thierry Labrousse : "Il y avait eu un grand Thierry Labrousse. C'était un numéro 8 qui n'était pas un grand perforateur mais qui savait faire jouer derrière lui. Il créait de l'espace pour faire jouer les autres, c'était un grand technicien, un gars intelligent." Un match particulier pour le staff lot-et-garonnais et notamment Christophe Deylaud passé par la maison rouge et noire entre 1992 et 1999. Le demi d'ouverture, grand artisan des quatre titres consécutifs de champion de France entre 1994 et 1997 avait pris place sur le banc agenais et avait su "surmotiver les joueurs et notamment ceux passés par Toulouse", comme le rappelle Hasan.

Parmi eux, le deuxième ligne international David Couzinet (3 sélections) natif de la Ville Rose : "C'était particulier pour moi car en 1997 lors de la demi-finale à Bordeaux face à Agen (victoire de Toulouse 23-16), j'étais remplaçant, j'avais 22 ans, ce sont mes débuts, ma première saison avec le Stade, j'étais rentré 15 minutes avant la fin en remplaçant Franck Belot. Cela reste un bon souvenir", confesse le joueur qui retrouvera ce sentiment, cinq ans plus tard.

"Toulouse, ce n'est pas un club que l'on quitte comme ça" (Couzinet)

"En 2002, c'était une des premières fois où je retrouvais Toulouse avec un autre maillot. Le match ? C'était plus qu'engagé, à la limite par moment. Christophe Deylaud nous avait bien remonté toute la semaine. C'était particulier pour moi, encore plus pour lui. Émotionnellement c'était fort. J'étais parti de Toulouse quand j'avais 23 ans, ce n'est pas un club que l'on quitte comme ça. J'avais envie de prouver, de montrer ma valeur. Il n'y avait pas forcément de rancoeur, mais j'avais envie de prouver des choses." Résultat ? Une victoire 21-15 et peut-être quelques regrets : "C''était un très beau sentiment d'avoir battu l'ogre toulousain. Je pense que cela nous a desservi la semaine de préparation de la finale face à Biarritz car dans les têtes nous nous sommes déjà vu champion de France. Inconsciemment, c'est ce que je me suis toujours déjà dit." Après l'exploit toulousain, Agen n'a pas passé l'obstacle biarrot (défaite 25-22 après prolongations).

En 2003, Toulouse et Agen se retrouveront une nouvelle fois à la Mosson. Cette fois-ci, les Lot-et-Garonnais ne font pas mordre la poussière aux Rouge et Noir et doivent s'incliner 22-16 malgré quelques belles frayeurs comme l'explique Omar Hasan : "J'ai l'image de Yann Delaigue, le demi d'ouverture du Stade toulousain qui loupe complètement son renvoi aux 22. Le ballon n'avait pas fait deux mètres (rires). Je me rappelle que Luc Lafforgue essaie de rattraper le ballon mais il commet un en-avant. Je pense que si nous avions pris ce ballon, nous aurions pu les embêter un peu plus et le sort du match avait été différent."

Pour l'Argentin ,l'histoire n'est pas terminée puisque Toulouse vient le chercher en 2004. Et là aussi il s'en explique : "Le passage entre les deux clubs ne se fait pas comme ça, il y a tout un processus derrière. Je devais arrêter le rugby au début pour continuer ma carrière de chanteur aux États-Unis à New York mais au dernier moment le Stade toulousain m'a proposé de venir. Je ne pouvais pas dire non , pour moi c'était la consécration de signer dans un tel club. Ma démarche était sincère. Les supporters agenais m'ont toujours porté de l'affection même après mon départ." Une rivalité donc poussée à son paroxysme à ce moment-là mais qui regorge aussi de passerelles. Nombreux sont les joueurs qui ont porté le maillot des deux équipes : Califano, Heymans, Huget, Caucaunibuca (ici tous les deux opposés) pour ne citer qu'eux...

Top 14 2006/2007 : Rupeni Caucaunibuca (Agen) prend l'intervalle, face au Toulouse de Cédric Heymans
Top 14 2006/2007 : Rupeni Caucaunibuca (Agen) prend l'intervalle, face au Toulouse de Cédric Heymans

Samedi, Omar Hasan sera aux premières loges pour vivre ce nouvel épisode de la saga entre Haut-Garonnais et rivaux du Lot-et-Garonne. Avec un petit mot pour chacune des deux équipes : "Le match de samedi ? Le Stade toulousain doit rester concentré, dans sa dynamique, pour éviter le piège agenais. Les joueurs du SUA doivent se racheter, ils ont besoin de points. Si ils viennent à Toulouse avec l'idée de prendre un seul point cela ne risque de pas marcher, ils doivent être ambitieux." En avant la musique !

Par Enzo Diaz

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