Blanchard, médecin du Racing 92 : "C’était mon devoir de demander l'arrêt du jeu"

  • Sylvain Blanchard
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  • L'intervention de Sylvain Blanchard, médecin du Racing, lors de Clermont - Racing 92 (23/09/17) / Capture d'écran Canal +
    L'intervention de Sylvain Blanchard, médecin du Racing, lors de Clermont - Racing 92 (23/09/17) / Capture d'écran Canal +
  • Tales tente de plaquer Raka, lors de Clermont - Racing 92 (23 septembre 2017)
    Tales tente de plaquer Raka, lors de Clermont - Racing 92 (23 septembre 2017)
Publié le Mis à jour
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TOP 14 - Samedi, Sylvain Blanchard, le médecin du Racing 92, a fait irruption sur le terrain de Clermont pour faire arrêter le jeu en raison d’une suspicion de commotion pour Rémi Tales. De quoi nourrir la polémique et poser une nouvelle fois la problématique des commotions cérébrales. Mis en cause, le médecin francilien répond.

Vous avez souhaité apporter une réponse à l’article publié lundi dans Midi Olympique, évoquant votre intervention lors de Clermont - Racing 92...

Sylvain Blanchard : Que vous me calomniez ou que vous remettiez en question ma compétence, c’est un point qui m’appartient. Mais ce qui me gêne profondément, c’est qu’en me faisant passer pour un filou qui aurait instrumentalisé l’état de santé d’un joueur, vous vous montrez préjudiciable vis-à-vis des gens qui essaient de faire avancer les choses au sujet des commotions cérébrales. Et donc de la santé des joueurs. C’est en cela que je voulais rétablir un certain nombre de vérités, expliquer ce qui est réellement en jeu lorsqu’on doit intervenir sur un terrain.

Quelle est votre version des faits ?

S.B. : C’est très simple. En tant que médecin, lorsqu’on voit un joueur victime d’une action susceptible d’avoir provoqué une commotion cérébrale, on ne se doit pas d’attendre et réfléchir, mais d’intervenir. De deux choses l’une : soit il y a des signes évidents de commotion, et la perte de connaissance n’en est qu’un parmi d’autres – il y a également les troubles de l’équilibre, ou tout un tas de symptômes qui nous permettent de détecter indéniablement une commotion, auquel cas le joueur doit sortir immédiatement ; soit il y a eu un traumatisme sans signe évident de commotion, mais l’attitude du joueur ou la violence de l’impact laissent suspecter qu’il y a pu en avoir une. Si le joueur est resté un peu au sol sans perdre connaissance, si on a un petit doute sur le fait qu’il ait été touché, il y a urgence d’effectuer une évaluation.

Le premier risque, si le joueur demeure sur le terrain, est qu’il prenne un deuxième choc et subisse le syndrome du deuxième impact, susceptible de créer des lésions cérébrales potentiellement graves. Le deuxième serait tout simplement qu’il n’ait pas totalement récupéré du fait que son cerveau ait été secoué, et que le joueur soit en risque de se blesser gravement sur une situation qu’il aurait normalement maîtrisée, du fait de ne pas être en pleine possession de ses moyens. Ce n’est pas parce que le joueur a été capable de se relever et de se remettre en place dans la ligne – et c’est exactement ce qui s’est passé avec Rémi Tales – qu’on doit attendre et voir ce qui se passe.

L'intervention de Sylvain Blanchard, médecin du Racing, lors de Clermont - Racing 92 (23/09/17) / Capture d'écran Canal +
L'intervention de Sylvain Blanchard, médecin du Racing, lors de Clermont - Racing 92 (23/09/17) / Capture d'écran Canal +

Pourquoi ne pas avoir simplement attendu l’intervention de l’arbitre ?

S.B. : Lorsque l’arbitre est témoin d’une scène comme celle-ci, c’est généralement lui qui prend la responsabilité d’arrêter le jeu et de demander l’intervention du corps médical. Cela m’est déjà arrivé en Coupe d’Europe : alors que je n’avais pas remarqué d’action particulièrement douteuse, M. Barnes a arrêté le jeu et réclamé un protocole commotion. Samedi dernier, M. Raynal n’a pas remarqué que Rémi était resté au sol à la suite d’un choc. Je rentre sur le terrain alors que Rémi, qui n’avait pas perdu connaissance, s’était relevé et avait repris sa place en défense.

Un joueur qui a été un peu secoué peut perdre son discernement -cela fait d’ailleurs partie des symptômes de la commotion- et donc refuser de sortir, parce qu’il n’est pas capable de se rendre compte qu’il a été victime d’un traumatisme crânien. Dans ce cas de figure, on n’a pas d’autre option que d’intervenir auprès de l’arbitre. On n’a pas le temps de retourner sur le bord du terrain pour discuter avec l’arbitre de touche ou les 4e et 5e arbitres qui, de toute façon, n’auront pas d’autre rôle que de retransmettre l’information que le médecin demande un protocole commotion !

Ce qui était spectaculaire dans cette situation, au-delà qu’elle intervenait dans une situation d’essai clermontois, c’est que Rémi Tales se trouvait sur le bord de la touche, et que le jeu et l’arbitre se situaient au milieu du terrain...

S.B. : Il faut comprendre que sur le terrain, on n’a pas beaucoup de temps, et qu’on est face à nos responsabilités. Imaginons que je n’aie pas demandé à M. Raynal d’arrêter le jeu, que Rémi soit resté sur le terrain et que les Clermontois soient venus attaquer sa zone, il aurait pu se passer quelque chose de grave ! Là, l’article n’aurait pas fait un bas de page dans le Midol, mais la une de tous les quotidiens. C’est ma responsabilité, je l’assume pleinement.

Il faut savoir que ce sont des attitudes et des décisions que mes confrères et moi prennent régulièrement. Le week-end précédent à Colombes, un de nos joueurs avait effectué une perte de connaissance assez brève et s’était retrouvé coincé sous un maul. Si vous revoyez le match, vous verrez que j’étais déjà allé directement demandé à l’arbitre d’arrêter le jeu, parce que je craignais un sur-accident. C’est pourquoi je veux insister sur le fait que j’ai effectué mon devoir, et que M. Raynal a également bien réagi, et que tout ça est effectué dans l’intérêt de la santé des joueurs, sans autre forme de calcul.

Tales tente de plaquer Raka, lors de Clermont - Racing 92 (23 septembre 2017)
Tales tente de plaquer Raka, lors de Clermont - Racing 92 (23 septembre 2017)

N’était-il tout de même pas plus simple de demander vous-même à Rémi Tales de sortir, plutôt que traverser le terrain pour demander à l’arbitre d’interrompre le jeu ?

S.B. : Non… J’avertis le joueur que je vais lui demander de sortir pour le protocole commotion, il me répond "oui, oui, très bien" puis repart en une fraction de seconde prendre sa place dans la ligne. Lui ne sort pas de lui-même, parce qu’il se sent capable – peut-être faussement, d’ailleurs – de continuer. Sur l’instant, je ne suis pas là pour prendre une décision sur le fait qu’il soit apte ou non à rester sur le terrain, mais sur le fait qu’il y a un impératif à l’évaluer. Ça doit se faire très rapidement. Je ne vais pas courir après un joueur ou le ceinturer… On n’est pas là pour sortir les joueurs par la force !

Il y a un acteur sur le terrain qui a la capacité d’arrêter le jeu et de contraindre un joueur à sortir, c’est l’arbitre. Il n’y en a pas cinquante autres. Dans ce cas de figure, voyant que le jeu continuait et qu’il y avait de fortes chances pour que Rémi soit concerné dans les secondes qui viennent par une action et se mette donc en danger, j’étais obligé de demander à l’arbitre d’arrêter le jeu. Cela peut arriver, dans le cadre d’une commotion, qu’un joueur reste au sol et que le jeu se déporte d’une trentaine de mètres, et on ne se trouve plus tout à fait dans le même cas de figure. Mais là, comme le jeu était rassemblé dans les vingt derniers mètres, la probabilité que le joueur soit mis en danger était importante. Je ne pouvais pas le laisser sur le terrain.

L’objet de l’article n’était pas de vous salir, mais de souligner que ce genre de situation peut donner de mauvaises idées à d’éventuels tricheurs. Étant déjà avéré que certains staffs se servent des protocoles commotion pour effectuer des remplacements supplémentaires, comme cela a pu être le cas voilà quelque temps avec les faux saignements.

S.B. : Ce qui est certain, c’est qu’on essaie actuellement de réfléchir à comment améliorer la santé et plus particulièrement la prise en charge des commotions pour les joueurs de rugby. Il y a des procédures qui sont en place, qui ne sont certainement pas parfaites, mais qui ont le mérite d’exister. Qu’il y ait des écueils à ces procédures-là, cela me paraît inévitable. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut systématiquement remettre en question les choses et les personnes qui les appliquent. Cela existe dans tous les domaines, et pas seulement la santé… Ne nous arrêtons pas de travailler, et je pense que l’on réussira à faire avancer les choses pour qu’à l’arrivée, ce soient les joueurs et le rugby qui se retrouvent gagnants à la fin.

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