Wolff: "Le rugby n’est plus le même sport qu’il y a 15 ans. Mais quand on le dit, on est mal vu"

  • Patrick Wolff a donné sa démission à Paul Goze
    Patrick Wolff a donné sa démission à Paul Goze
  • Laurent Sempéré (Stade français) - 2015
    Laurent Sempéré (Stade français) - 2015
  • Photo de groupe un peu désordonnée pour les joueurs du Stade français avec le Bouclier de Brennus - 14 juin 2015
    Photo de groupe un peu désordonnée pour les joueurs du Stade français avec le Bouclier de Brennus - 14 juin 2015
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RUGBY - Cofondateur de la LNR avec Serge Blanco en 1999, Patrick Wolff a donné sa démission au président Paul Goze le 29 janvier dernier. Dans la première partie de cet entretien, l’ancien dirigeant de Montferrand a accepté de revenir pour nous sur les sujets d’actualité du rugby français : les doublons et la suspension levée de Laurent Sempéré.

Lundi, la commission mixte d’extension réunie à Marcoussis a décidé d’aller à l’encontre de la commission de discipline de l’EPCR pour la suspension de Laurent Sempéré. Qu’en pensez-vous et ce cas pourrait-il faire jurisprudence ?

Patrick WOLFF: On a enfin pris une décision de rejet de la Commission de discipline de l’EPCR. Je regrette toutefois que tout le travail effectué pour que l’EPCR sorte des mauvaises habitudes anglo-saxonnes en matière de sanctions n’ait pas servi à grand chose. Mais je me réjouis énormément de la décision de la Commission mixte (composée de deux membres de la FFR, trois de la LNR et présidée par Jean-Pierre Karaquillo, NDLR) de ne pas transférer cette sanction en France (suspension initiale de 15 semaines pour une fourchette présumée, NDLR).

Ne craignez-vous pas, à moyen terme, un conflit d’intérêt avec l’EPCR ?

P.W: Mais je pense qu’il faut un conflit. La France a largement prouvé sa valeur et sa compétitivité. A un moment donné, on ne peut pas continuer à traiter le rugby français avec ce genre de postures excessives. Ce qui m’indigne, c’est de me rappeler que trois jours avant des matches importants de l’équipe d’Angleterre contre la France, il y a quelques années, certains joueurs anglais, qui avaient fait des choses aussi graves, bénéficiaient comme par hasard d’une remise de peine. Quand on se prétend professionnel, on l’est pour tout. On ne l’est pas uniquement sur l’aspect financier mais aussi sur l’éthique. Les 15 semaines de Laurent Sempéré sont inadmissibles.

Laurent Sempéré (Stade français) - 2015
Laurent Sempéré (Stade français) - 2015
Les 15 semaines de Laurent Sempéré sont inadmissibles

Quelle serait la solution pour harmoniser les choses ?

P.W: Il y a beaucoup de choses à penser sur l’international et pas uniquement sur les sanctions. Le chantier est en état depuis une dizaine d’années. Il est plus que temps de le reprendre. On avait fait un grand séminaire mais qui a débouché sur rien.

Autre sujet d’actualité, les doublons, avec ce week-end la 16e journée de Top 14 disputée en même temps que Galles-France. Ce problème est-il insoluble ?

P.W: On est dans un domaine de torts partagés entre la LNR et la FFR. Pour réfléchir à la révision des calendriers internationaux, on nous a annoncé la constitution d’une Commission. Sauf que les clubs n’y étaient pas représentés (les Fédérations y siègent) alors que c’est un élément essentiel. C’est aberrant.

La solution immédiate pour éviter les doublons, on en connaît le remède: c’est de passer à 12 clubs

Les propositions de réduire le Championnat et de supprimer les Tournées d’été du XV de France ne sont-elles pas pertinentes pour éviter ces doublons ?

Patrick WOLFF: La solution immédiate pour éviter les doublons, on en connaît le remède: c’est de passer à 12 clubs. Mais cela aura des répercussions extrêmement importantes sur toute la chaîne du rugby, notamment sur son implantation géographique et sa valeur économique. Si on prend le problème par ce côté là, ce sera le bouton qu’on se gratte. Il n’y a pas de solutions simples mais ces propositions sont des rustines. Il faut surtout reprendre le problème de fond qui est la géographie et l’architecture du rugby mondial. Si on se contente de faire un travail sacrificiel en disant qu’on va enlever certaines journées de Championnat ou enlever des matches internationaux, on ne répondra pas au problème.

Photo de groupe un peu désordonnée pour les joueurs du Stade français avec le Bouclier de Brennus - 14 juin 2015
Photo de groupe un peu désordonnée pour les joueurs du Stade français avec le Bouclier de Brennus - 14 juin 2015

Et les barrages… Étaient-ils vraiment indispensables dans un calendrier déjà surchargé ?

P.W: Je n’étais pas contre. Étant donné ce système un peu perturbant des doublons, des impasses, on arrivait en qualifiant les équipes pour les barrages à rendre le Top 14 attrayant. Il y avait un enjeu jusqu’au dernier moment. Supprimer les phases finales ou les réduire, cela déséquilibrerait le championnat. Je ne crois pas à un Top 14 construit sur le modèle de la Ligue 1. Et quand je vois le Championnat de foot, ça ne me donne pas envie.

Aujourd’hui, avec l’évolution de la Coupe d’Europe, on se rend compte que les Celtes ont pratiquement disparu de la carte

Autre compétition qui pose aussi problème : la Coupe d’Europe. Dans son format actuel, est-elle en harmonie avec le Top 14 ?

P.W: Disons que c’est un petit peu facile de toujours demander au championnat de France de s’ajuster. Il faut se rappeler qu’à l’origine de la Coupe d’Europe, on avait prévu 9 dates pour que les Celtes puissent vivre. Mais aujourd’hui, avec l’évolution de la Coupe d’Europe, on se rend compte que les Celtes ont pratiquement disparu de la carte. Il faut peut-être que la Coupe d’Europe se remette en cause. Lors de sa restructuration, on a dit plus d’argent à l’Angleterre et à la France. Et c’est curieux, les Celtes sont moins forts. Ce fut une évolution exclusivement économique. On a éludé l’aspect sportif et ça donne ces grincements.

Mais comment faire pour essayer d’harmoniser le calendrier international ?

P.W : Un chantier énorme a été arrêté pendant dix ans. Pour pouvoir avancer, il faut un respect mutuel. Mais le respect mutuel n’existe plus. La première chose à faire, c’est de le rétablir. Vous ne pouvez pas demander à des gens de s’autodétruire. A partir du moment où vous avez une prédominance forte de l’Angleterre et de la France et que certains présidents en France ne prennent pas suffisamment en compte le fait que ce développement franco-anglais nuit au reste de la planète, vous ne pouvez pas obtenir d’aménagement de calendrier favorables aux clubs. Les Celtes et l’Hémisphère Sud ne sont pas fous. Ils ne vont pas se tirer une balle dans le pied en acceptant une réorganisation du calendrier au profit de gens qui sont en train de les tuer.

A vous écouter, le rugby français ne se donne pas vraiment les moyens de résoudre ces difficultés…

P.W: Je vais vous donner un exemple qui résume assez bien la situation actuelle de notre sport. Quand on a créé la Ligue en 1998, le temps de jeu effectif était de 23 minutes, il est aujourd’hui de 40. On avait des joueurs avec des masses graisseuses, ce n’est plus le cas. Le nombre de plaquages a été multiplié par 3. C’est un tout autre sport. Il faut désormais partir du joueur, du jeu, ce qu’on n’a pas fait depuis fort longtemps. On a fait que de l’économie. Il faut reprendre les choses à la base. Ce n’est plus le même sport qu’il y a 15 ans. Mais quand on le dit, on est mal vu.

La suite de cet entretien exclusif de Patrick Wolff lundi matin sur notre site...

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