Ledesma : "En France, vous vous trompez"

  • Test match - Mario Ledesma
    Test match - Mario Ledesma
  • Agustin Pichot (vice-président de World Rugby)
    Agustin Pichot (vice-président de World Rugby)
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TEST MATCH - Sélectionneur de l’Argentine Nommé officiellement le 1er août dernier, "Super Mario" a évolué durant treize ans en France. Avant d’affronter les Bleus, il a accepté de livrer son sentiment, sans filtre, sur l’évolution du rugby hexagonal. Mais aussi d’évoquer son nouveau rôle auprès des Pumas. Attention, ça décoiffe…

Seriez-vous favorable au fait que les joueurs argentins évoluent plus en Europe ?

M.L : Aujourd’hui, la politique, c’est d’appeler des joueurs évoluant en Europe quand il y a une situation d’urgence à un poste précis. C’est pourquoi j’ai appelé parfois Herrera ou Figallo. Mais la priorité, c’est de permettre à nos jeunes joueurs de se développer. C’est aussi pourquoi notre Fédération négocie actuellement pour obtenir une équipe en Currie Cup. Ce serait une super opportunité. Ça nous permettrait d’avoir un vivier plus large.

Mais pour la Coupe du monde, appellerez-vous les meilleurs joueurs, même si ces derniers évoluent en France ?

M.L : Prenons l’exemple de Juan Imhoff : son cas est compliqué. À son poste, nous avons de très bons gamins. Nous ne le sélectionnerons que si nous avons besoin de lui. En première ligne, le problème était différent, nous avions un vrai besoin.

Justement, votre mêlée a été en difficulté le week-end dernier en Irlande. Pourquoi ?

M.L : Parce qu’on a joué avec deux gamins. Le droitier (Santiago Medrano) a 22 ans, le gaucher que 20 (Juan Pablo Zeiss, remplaçant entré en jeu à la 58e minute). Nous travaillons avec eux pour les faire progresser. Mais ils ont besoin de temps.

En 2007, Agustin Pichot déclarait : "Nous sommes les derniers romantiques." Est-ce encore vrai ?

M.L : Nous sommes toujours un peu différents. Quand on joue le Rugby Championship, si vous regardez la feuille de match, il n’y a pas photo. Il faut bien que nous ayons des leviers pour rivaliser. Mais ce n’est pas un jeu, nous sommes comme ça. Nous sommes un peu barjots. Argentins, tout simplement. La fierté de porter le maillot, c’est quelque chose d’important. Je suis un dingue de ça.

Agustin Pichot (vice-président de World Rugby)
Agustin Pichot (vice-président de World Rugby)

Avez-vous senti une évolution des mentalités en Argentine avec l’arrivée du professionnalisme ?

M.L : Oui, bien sûr. C’est sociétal. Je ne peux pas dire que c’était mieux avant… À notre époque, nous étions les amateurs qui jouaient contre les gros capitalistes. Mais, ce n’est plus le cas. Il faut puiser dans d’autres ressources et continuer à offrir cette image attachante.

Justement, ressentez-vous l’attachement que le rugby français porte encore aujourd’hui aux Pumas ?

M.L : En 2007, nous l’avions bien senti (rires). Les gens étaient contents pour nous. C’était incroyable.

À titre personnel, vous avez toujours été apprécié en France…

M.L : (il coupe) Thibault Privat me disait toujours que les gens s’identifiaient facilement à moi parce que j’étais petit, gros et chauve. J’étais monsieur tout le monde. Ils devaient se dire que si moi je pouvais jouer en Top 14, tout le monde en était capable (rires).

Souhaitez-vous revenir un jour en France pour entraîner ?

M.L : Non. Si j’ai la chance d’aller jusqu’à la Coupe du monde 2023 avec les Pumas, j’arrêterai juste après.

La Fédération argentine est-elle aujourd’hui en mesure de rivaliser avec l’Angleterre ou la France sur le plan financier ?

M.L : Mais, vous êtes dingues ? Bien sûr que non. Nos joueurs touchent 6 000 dollars (5 300 euros) par match quand les Anglais en touchent 28 000 euros. Ce n’est pas le même monde.

Tomas Lavanini est annoncé par exemple au Racing avec insistance, Nicolas Sanchez va rejoindre le Stade français. Est-ce le début d’un nouvel exode ?

M.L : Nico a 28 ans, c’est normal qu’il s’en aille. Cela va nous permettre de développer de nouveau ouvreurs.

Mais sera-t-il sélectionné pour la Coupe du monde au Japon bien qu’il ne sera plus sous contrat avec l’UAR ?

M.L : Si nous n’avons personne d’autre, nous l’appellerons. Un mec comme Nico est très important dans notre système. J’aimerais que les clubs européens viennent chercher tous nos joueurs parce qu’ils sont bons, parce qu’ils représentent des valeurs. Mais que ces derniers décident de rester en Argentine. Chez nous, ils progressent. En France, sur certains postes comme le cinq de devant, les joueurs peuvent s’améliorer. Mais sinon…

Qu’est ce qui vous fait dire ça ?

M.L : Dans un club, si un entraîneur pense qu’il va gagner le match du week-end grâce aux ballons portés, les joueurs ne feront que ça durant toute la semaine. C’est logique parce qu’il y a l’obligation de résultats immédiats. Sinon les entraîneurs se font virer. D’ailleurs, Collazo a la chance que Boudjellal a déjà viré quinze mecs en trois ans, sinon… Le rugby en France, c’est comme le football en Argentine. De notre côté, nous prenons plus de temps pour travailler les skills, pour faire évoluer les joueurs.

Avez-vous le sentiment que le rugby français a avancé ces dernières années ?

M.L : (il souffle longuement) Je n’avais jamais vu un entraîneur de l’équipe de France se faire virer. Jamais. Franchement, je ne sais pas quoi dire. Je vois bien que ça galère un peu, ce que je ne comprends pas. Vous vous rendez compte du potentiel que vous avez ? Vous avez cinq ou six mecs de qualité par poste. Quand j’ai entendu que vous alliez appeler Willemse et Raka en équipe de France, je n’ai pas compris. Vous êtes devenus dingues ou quoi ? C’est fou quand même. Les moins de 20 ans sont champions du monde, faites les jouer ! Si j’avais la qualité et la quantité de joueurs que les Français ont, jamais je n’appellerai un joueur étranger. Jamais de la vie. Là, vous vous trompez.

Retrouvez l'intégralité de l'interview sur www.midi-olympique.fr/pdf

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