Flashback : Afrique du Sud - France 2001, exploit à l'Ellis Park

  • Nicolas Jeanjean (France) file à l'essai contre l'Afrique du Sud - 16 juin 2001
    Nicolas Jeanjean (France) file à l'essai contre l'Afrique du Sud - 16 juin 2001
  • Patrick Tabacco avec le Stade français face au Perpignan de Colin Gaston
    Patrick Tabacco avec le Stade français face au Perpignan de Colin Gaston
  • Nicolas Jeanjean et Fabien Galthié
    Nicolas Jeanjean et Fabien Galthié
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TEST-MATCH - Privée de ses joueurs majeurs et promise à la Bérézina, l'équipe de France avait débuté sa tournée d'été 2001 par un succès éblouissant à l'Ellis Park de Johannesburg (23-32). Dans ce stade que les hommes de Novès retrouveront samedi, le XV de France n'a jamais perdu.

Juin 2001, l'équipe de France se voit promettre le pire. Après une cinquième place dans le Tournoi des 6 Nations, les Bleus s'avancent pour une trilogie infernale en guise de conclusion de la saison : deux tests en Afrique du Sud puis en dernier round en Nouvelle-Zélande. Voyage au bout de l'enfer résume Midi Olympique. Les Bleus, privés de nombreux cadors (les frères Ntamack, Garbajosa, Poitrenaud, Rougerie, Pelous, Juillet, Moni, Comba, ne font pas les fiers. L'Afrique du Sud, elle, va bien : deux de ses provinces viennent de disputer les demi-finales du Super 12.

Patrick Tabacco, qui vivait ses premiers pas en Bleus, résume : Le contexte était simple : l'Afrique du Sud était très solide et on devait prendre trente points à chaque match. Nous, on était une jeune génération sans trop de repères. À part les nouveaux, je crois que cette tourné ne faisait rêver personne. Mais un homme jure sa confiance : Bernard Laporte. Je suis excité à l'idée d'affronter ce qui se fait de mieux au monde. Excité et curieux, car j'ai vraiment envie de voir ce que l'on va donner. Il me tarde samedi, s'emballe "le Kayser".

Tabacco remplaçant toute l'année au Stade français

Samedi, c'est le 16 juin 2001 à l'Ellis Park de Johannesburg, premier volet de la tournée. Laporte avance ses pions : confiance maintenue à Magne et De Villiers, redonnée aux revenants Crenca, Chabal ou Brouzet et offerte aux trois néophytes Jeanjean, Jauzion et Tabacco. Un vrai pari.

En juin 2001, Tabacco n'est qu'un outsider. J'avais été remplaçant toute l'année au Stade français, raconte t-il. John Connolly avait un principe : établir un XV titulaire et conserver cette équipe. Il ne faisait quasiment pas tourner malgré le fait que Max (Guazzini) l'y incite. Il avait commencé par huit victoires sur ses huit premiers matches : ça l'avait conforté dans son opinion. Donc je suis resté remplaçant toute l'année et je l'ai vécu difficilement, même si Max m'a fait visiter Paris et découvrir tout ce que je voulais. Mais Max, dans le même temps, me disait de ne pas me décourager. Il me répétait "Ne lâche pas, t'auras une belle surprise". Je finis par comprendre que je suis sur la liste cachée en équipe de France. Et puis quand Thomas Lièvremont se désiste, Bernard Laporte m'appelle. J'avais pour moi mes qualités de sauter en touche. Et je me retrouve titulaire pour le premier match au poste de numéro 8 où je n'avais jamais joué.

Patrick Tabacco avec le Stade français face au Perpignan de Colin Gaston
Patrick Tabacco avec le Stade français face au Perpignan de Colin Gaston

Merci Jacques Brunel. J'avais connu Jacques à Colomiers, raconte Tabacco. Il était venu me voir : "J'ai poussé en ta faveur, ne me trahis pas et sois prêt". Évidemment, je me sentais responsable vis à vis de lui.

Jeanjean, lui, n'a pas l'air d'avoir conscience de ce qui l'attend. Seize ans plus tard, il reconnaît que ce n'était pas une impression. J'ai vécu toute ma carrière de façon assez naïve. Je ne calculais rien : je jouais en première au Stade toulousain, ça me paraissait normal. On venait d'être champions, je suis parti avec l'équipe de France après être passé avec toutes les sélections de jeunes. J'ai vécu ça avec insouciance. Ça me semblait être dans la logique.

Mais sur le terrain, très vite, l'enfer promis se dessine. Les Bleus ratent quatre plaquages sur la première action : l'ailier Breyton Paulse profite du cadeau pour marquer après seulement 16 secondes de jeu (5-0). Cela semblait cruel, c'était exactement ce qu'il fallait. C'est paradoxal mais prendre un essai d'entrée, ce n'est pas un drame : ceux qui l'ont encaissé se resserrent, ceux qui ont marqué se relâchent, raconte Tabacco. L'affaire se vérifie. Les Bleus se rebellent (après cet essai, il ne rateront que trois plaquages), les Boks déjouent. Les Springboks avaient peu d'infos sur nous et ils avaient surtout travaillé sur eux, devine Tabacco.

Galthié à Jeanjean : "Mais dis-moi, tu gagnes tout toi..."

Un essai de Dominici sonne la révolte, Merceron fait passer les Bleus en tête : 11-16 à la mi-temps. Si les Boks reprennent l'avantage grâce à leur buteur, la France ne se laisse pas déposséder de son exploit grâce notamment à une conquête admirable. On était tous asphyxiés après dix minutes, révèle pourtant Tabacco. Mais je fais mon boulot en touche où le contre avait pris de l'importance. On leur pique cinq ballons. Dans le jeu, je n'avais pas dû être très actif. Je gagne quand même ma place sur ce match.

Finalement, sur une combinaison Vermeulen - Galthié, Merceron sort la panoplie : feinte de passe, crochet, essai. Le break est fait (20-26), les Bleus triompheront 23-32. Que l'on gagne, c'était une surprise, se remémore Jeanjean. Je me rappelle d'un vestiaire heureux. J'étais à côté de Chabal. C'est un moment que je raconte aux jeunes qui ne savent pas me situer, raconte Tabacco. On avait le sentiment que cette tournée était déjà réussie.

Nicolas Jeanjean et Fabien Galthié
Nicolas Jeanjean et Fabien Galthié

Galthié se tourne vers Jeanjean : Mais dis-moi, tu gagnes tout toi... Jeanjean en sourit : Avec le recul, on réalise qu'une victoire en Afrique du sud, ce n'est pas commun. En 2001, je n'en avais pas pris conscience. En mettant fin à une série de cinq défaites consécutives, les Bleus confirmaient une incroyable invincibilité à l'Ellis Park, avec une quatrième victoires en quatre confrontations face aux Springboks (1958, 1967, 1993 et 2001). Sur quatre revers depuis 2009, les Bleus retrouvent samedi, pour la première fois, depuis l'exploit de 2001, l'Ellis Park devenu Emirats Stadium… Face à l'Histoire.

Le XV de France ce jour-là : Jeanjean ; Bory, Glas, Jauzion, Dominici ; (o) Merceron, (m) Galthié (cap) ; Chabal puis Vermeulen (50e), Tabacco, Magne ; Auradou, Brouzet puis Nallet (73e) ; Crenca, Ibanez, De Villiers puis Califano (73e).

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