D'une main de fer, McKenzie a révolutionné les Wallabies

Imaginez: en cas de victoire samedi face au XV de France à Brisbane, l'Australie voguera alors sur une série de cinq succès, inédite depuis 2008. Qui aurait parié là-dessus en juillet 2013, quand le sélectionneur Robbie Deans, aux commandes depuis 2007, était éjecté dans les cendres de la tournée des Lions britanniques et irlandais, laissant des Wallabies en bien piètre état ? Depuis, c'est un homme du sérail et expérimenté qui a été appelé au secours d'une équipe minée par des résultats en berne et des problèmes de comportement.

Horwill déchu du capitanat

Ewen McKenzie, 48 ans, un des piliers les plus expérimentés de l'histoire australienne (51 sél.), champion du monde 1991, assistant des sélectionneurs Rod McQueen puis Eddie Jones entre 2000 et 2003, entraîneur des franchises de Super 15 des Waratahs et des Queensland Reds, sans oublier un passage houleux par le Stade français entre 2008 et 2009... Il fallait à la Fédération australienne un palmarès et une poigne, capable par exemple de manier l'ouvreur star Quade Cooper, qui avait décrit comme "toxique" l'environnement des Wallabies durant l'ère Deans.

Arrivé aux commandes à l'aube du Four Nations 2013, McKenzie s'est empressé d'apposer sa patte, à tous les niveaux. D'abord sur le plan sportif, en redonnant les clés du jeu à Quade Cooper - actuellement blessé - tout en n'accordant aucun passe-droit. Peuvent en témoigner le deuxième ligne James Horwill, déchu du capitanat, ou le N.9 Will Genia, absent de la feuille de match samedi, sommés d'améliorer leurs performances individuelles.

"Un libre-penseur" selon Eddie Jones

Aucune pitié non plus pour le trois-quarts polyvalent James O'Connor, écarté de la sélection pour ses frasques et obligé de s'exiler en Europe. Les problèmes de discipline sont radicalement traités: en novembre dernier, quinze joueurs sont sanctionnés d'un avertissement ou d'une suspension pour une sortie arrosée quelques jours avant la victoire - pourtant nette - en Irlande (32-15). "L'attitude, que ce soit le bon état d'esprit et le bon comportement, est une part importante des décisions que je prends", explique-t-il. "Il y a une part de technique et de tactique dans le métier d'entraîneur, mais il y a aussi la culture que vous voulez imposer et qui pour moi est le ciment de tout", ajoute-t-il au sujet de son intransigeance.

Plus inhabituel, McKenzie s'implique dans tous les rouages à la Fédération, avec voix aux chapitres commerciaux ou de popularisation du jeu. Et, en dépit de sévères restrictions budgétaires, il est aussi l'instigateur d'une commission destinée à dessiner le profil du rugbyman du futur et de modeler les jeunes joueurs en fonction, en vue du Mondial-2019. Sa différence, marquée par une réflexion globale, l'ancien pilier la cultive depuis ses jeunes années. Quand il était joueur, "Ewen était déjà un libre-penseur, brillant d'un point de vue académique et toujours dans l'analyse concernant le rugby", rappelle son ancien comparse Eddie Jones, qui l'avait affublé du surnom de "The Missing Link" (le chaînon manquant), en référence à un catcheur des années 80 à qui il ressemblait supposément.

Un public à reconquerir

Ses partenaires chez les Wallabies se souviennent ainsi l'avoir vu travailler sur sa thèse d'aménagement urbain la semaine de la finale du Mondial-1991 contre l'Angleterre. Et son expérience chez Collex, filiale australienne de l'entreprise française Veolia spécialisée dans le retraitement des déchets, l'a ouvert au monde de l'entreprise dans lequel il ne cesse de puiser pour insuffler une "culture de la performance" ou "conduire le changement" chez les Wallabies.

Loué pour avoir fait des Queensland Reds une machine spectaculaire, sacrée en 2011 en Super 15, McKenzie est prié de satisfaire un public très exigeant dans un contexte de désaffection du rugby, concurrencé par le XIII ou l'Australian Rules. Un défi vital pour les Wallabies mais aussi pour tout le rugby down under.