Les statistiques permettent-elles vraiment de mesurer la qualité d'un match ?

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TECHNIQUE - Le choc entre le Racing et Toulon a été perçu de manière contrasté: décevant pour les uns, impressionnant pour les autres. Si la vérité se situe probablement entre les deux, peut-on se servir des statistiques pour y voir plus clair, et plus encore, pour juger de la qualité d’un match ? Éléments de réponse.

Ce Racing-Toulon, aura donc été une caricature du Top 14. Physique à outrance mais sans imagination, sans vitesse et sans magie. Mais terriblement intense. Les chiffres ? Paradoxalement supérieurs aux standards habituels du Top 14. Avec 276 passes, le match se situe déjà dans la moyenne haute de ce week-end européen. A titre de comparaison, le splendide match entre les Wasps et Exeter a connu 282 passes, contre 269 pour le très intense Sale-Montpellier.

Des chiffres honorables en comparaison de notre championnat domestique, avec à titre d'exemple les 154 passes dans le match entre Montpellier et Brive. Mais des données faméliques comparées au Super Rugby: le même week-end, les Chiefs et les Blues disputaient un match… à 373 passes !

La joie des joueurs de Wasps, qualifiés pour les demies de Champions Cup - 9 avril 2016
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Un gouffre qui s’explique en partie par la différence de qualité technique, évidemment. Mais des chiffres qu’il faut pondérer. Le nombre de passes est un simple indice sur le rythme et sur les volontés offensives. Mais cela n’est pour autant pas un gage de qualité. De manière logique, une action en première main peut se conclure dans l’en-but en 3 ou 4 passes quand une interminable séquence de pick and go permettra de multiplier les échanges. Dès lors, on pourrait considérer que le nombre de rucks servirait de valeur étalon.

Le nombre de rucks, indice de qualité ?

Là encore, la réponse ne pourrait être binaire. Elle se situe quelque part entre le sentiment infondé et la preuve. En partant de la moyenne des rucks par match du championnat de France – autour de 145 – on constate que les chiffres comme la qualité de jeu augmente. 160 rucks pour Leicester-Stade français, 181 pour Racing-Toulon. Et même 211 rucks pour Wasps Exeter !

Telusa Veainu (Leicester) face au Stade français - 10 avril 2016
Telusa Veainu (Leicester) face au Stade français - 10 avril 2016

Une corrélation entre la qualité du match et le nombre de mêlées ouvertes qui trouve une limite avec le très beau Saracens-Northampton… 142 rucks seulement, inférieur à la moyenne hexagonale. A ce stade, les statistiques apparaissent sous leur vrai visage: un indice mais pas une preuve. Mais quels indices seraient, malgré tout, les plus révélateurs ?

Le sacrosaint temps de jeu effectif

Il s’agit du seul et unique indice véritablement révélateur. Et il est en constante augmentation sur la scène mondiale. Il est ainsi passé de 26 minutes en 1995 à 35 en 2011 et près de 50 à en croire Philippe Saint-André (le temps de jeu effectif des tests de novembre, c'était 43 minutes. Il faut ajouter cette nouvelle règle de la mêlée qui fait qu'il y aura beaucoup moins de mêlées écroulées et qu'on gagnera 6-7 minutes, on est à ces 50 minutes). Pourtant, cette notion reste un immense mystère à l’échelon européen ou national. Premièrement parce que ce chiffre n’est malheureusement pas disponible très facilement. En tout cas, bien plus compliqué à calculer que le nombre de plaquages ou la possession.

Alex Goode (Saracens) face à Northampton - 9 avril 2016
Alex Goode (Saracens) face à Northampton - 9 avril 2016

Mais aussi parce que la volonté d’imposer un énorme temps de jeu effectif n’est pas toujours récompensée. Exemple avec Toulon, trois fois couronné sur la scène continentale, et qui brillait parfois par un jeu relativement restrictif. Exemple avec le match de l’angoisse contre Toulouse en 2012: 28 minutes de temps de jeu effectif en finale de Top 14. Un gouffre sans fond en comparaison aux 45 minutes souvent dépassées en Super Rugby.

Enfin, parce que le temps de jeu effectif ne permet de mesurer que le rythme du match et pas son intensité. Et c’est finalement peut-être ces deux caractéristiques qui donnent le sentiment d’un match de qualité ou non: le rapport entre combat et vitesse.

La subjectivité, critère inqualifiable

Reste le dernier argument, délicat à appréhender: la pure et simple subjectivité. Le match entre le Racing et Toulon a pu apparaître mauvais aux yeux de certains observateurs parce qu’il était tout simplement décevant. A l’inverse, les spectateurs du match entre Grenoble et le Connacht retiendront le suspense et l’intensité, à défaut de s'attarder sur la piètre qualité défensive des deux protagonistes (près de 25% de plaquages manqués).

Loick Jammes (Grenoble) face au Connacht - 9 avril 2016
Loick Jammes (Grenoble) face au Connacht - 9 avril 2016

Même les matches du Super Rugby sont soumis à la subjectivité. Une victoire écrasante ne pourra jamais séduire tout le monde, un succès sans combat ne pourra convaincre les pessimistes. Au final, un match dépend autant de ce que les joueurs et les entraîneurs y mettent que ce que les spectateurs en attendent. A la différence du bon chasseur, difficilement définissable, le "bon match" serait le fruit d’une équation simple: quand le contenu répond ou dépasse les attentes. Une question finalement... plus psychologique qu’arithmétique.

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