"Drift défense", ouvreur non protégé, pack massif... Les Saracens sont-ils imbattables ?

  • Les Saracens n'ont pas perdu un match lors de cette édition de la Champions Cup
    Les Saracens n'ont pas perdu un match lors de cette édition de la Champions Cup
  • Petrus Du Plessis, le pilier des Saracens
    Petrus Du Plessis, le pilier des Saracens
  • Maro Itoje, le deuxième ligne de l'Angleterre
    Maro Itoje, le deuxième ligne de l'Angleterre
  • Le grosse défense d'Itoje sur Fotuali'i (Northampton)
    Le grosse défense d'Itoje sur Fotuali'i (Northampton)
  • Owen Farrell (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016
    Owen Farrell (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016
  • Chris Ashton (Saracens) - 16 avril 2016
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  • Billy Vunipola (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016
    Billy Vunipola (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016
Publié le Mis à jour
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TECHNIQUE - Entre le Racing 92 et son premier titre européen se dresse une équipe redoutable : les Saracens. Une formation qui s’appuie sur un jeu qui semble abouti. Quels sont les systèmes et les points forts des Sarries ? Éléments de réponse.

Les Saracens en quelques chiffres ? Meilleure attaque (273 points), numéro 1 des franchissements (80) en Europe et surtout première équipe à tenter de conquérir un titre continental sans perdre le moindre match. Des indicateurs qui font de cette équipe la favorite de la finale de Coupe d'Europe qui se profile. A moins que le Racing 92 ne puisse trouver les armes face à cette redoutable mécanique londonienne.

  • Un pack massif et aérien

Première difficulté qui attend l’encadrement francilien : prendre la mesure d’un paquet d’avants jusqu'à maintenant dominateur. Première arme des Rouge et Noir, leur capacité à gagner des duels et à remporter la bataille des rucks. Pour cela, les Saracens peuvent s’appuyer sur un groupe de joueurs tournés vers le combat. A l’image du duo Mako Vunipola-Petrus Du Plessis en première ligne. Deux joueurs qui ne bénéficient pas forcément de la douce lumière médiatique comme certains de leurs partenaires, mais qui ont jusqu’à maintenant dominé la plupart de leurs adversaires en mêlée fermée.

Petrus Du Plessis, le pilier des Saracens
Petrus Du Plessis, le pilier des Saracens

Idem pour les discrets Will Fraser, Michael Rhodes et Jackson Wray qui se livrent une terrible bataille pour deux places aux ailes de la troisième ligne. Une guerre "fratricide" qui a poussé Jacques Burger vers la sortie. C’est dire la qualité du trio. Un triumvirat où seul le sud-africain Rhodes se démarque par ses mensurations (1m97, 120 kilos) et son style peut-être plus direct que les deux autres. Fraser et Wray font figure de sosie dans leur jeu. Finalement, un peu à la manière de la doublette Le Roux-Lauret qu'ils défieront.

Enfin, comment ne pas parler de ce qui est à l’heure actuelle la meilleure deuxième ligne en Europe. Le puissant mais très aérien George Kruis, gros preneur de balle en touche (36 ballons gagnés dans l'exercice), est associé au formidable Maro Itoje. Capable de jouer deuxième ou troisième ligne, le jeune Anglais représente un casse-tête à lui seul : un joueur capable de jouer sur la vitesse ou sur la puissance, capable de plaquer et gratter, de contester les ballons aériens et ralentir les sorties de balles…

Maro Itoje, le deuxième ligne de l'Angleterre
Maro Itoje, le deuxième ligne de l'Angleterre
  • Un système défensif exemplaire

C'est probablement cette capacité à ralentir les ballons qui va représenter le frein majeur du Racing 92. Car le système défensif assez unique des Saracens s’appuie sur quelques idées fortes. Temporiser au maximum, défendre de manière agressive le milieu de terrain et enfin le faire au service d’une défense collective intelligente. Si l’on a tendance à confondre de manière abusive "rush-défense", "défense inversée" et "défense classique", cette erreur devient largement pardonnable avec les Sarries. Les joueurs de Londres ont en effet mis en place un mode de fonctionnement assez rare car très exigeant : la "drift défense", système combinant plusieurs autres.

Schématiquement ? Une montée agressive au milieu de terrain, puis des joueurs qui glissent sur les extérieurs une fois que la balle a franchi le milieu de terrain. Ce système nécessite deux choses. La capacité à ralentir les sorties de balle - pour ne pas devoir à passer tout le match à glisser en défense - et une communication exemplaire. Un système possible et applicable à une seule condition, à savoir que l’ensemble des joueurs soient concernés. Un investissement qui fait appel autant à la volonté d'agresser l'adversaire qu'à celle d'utiliser son cerveau. Délicat amalgame entre intensité et intelligence.

Le grosse défense d'Itoje sur Fotuali'i (Northampton)
Le grosse défense d'Itoje sur Fotuali'i (Northampton)
  • Un ouvreur non protégé… et décisif

C’est là l’une des autres grandes spécificités de cette formation. Contrairement à un courant général et assez moderne, l’ouvreur Owen Farrell n’est pas protégé en défense. Bien au contraire ! S’il est aujourd’hui à la mode de voir un ouvreur se "cacher" sur une aile et un ailier venir défendre à sa place, ça n’est pas le cas de Farrell. Capable d’évoluer au centre avec le XV de la Rose, ses qualités défensives sont pleinement exploitées avec son club. A l’image de ses 16 plaquages (pour un échec) face aux Wasps en demi-finale d'ERCC. Des chiffres qui n’empêchent pas l’ouvreur de 24 ans de briller dans le jeu et dominer le classement des meilleurs réalisateurs de la compétition. Un fait rare, à souligner.

Mais au-delà de son implication défensive, l’utilisation de Farrell va être aussi surprenante. Sa polyvalence, sa capacité à trouver des espaces en jouant premier centre et sa faculté à faire jouer après contact (11 passes après contact, un record cette saison en ERCC) vont conduire son staff à le faire parfois coulisser sur certaines phases de jeu. C’est ainsi un autre joueur polyvalent qui prendra à l'occasion le rôle d’ouvreur : Alex Goode se mue en chef d’orchestre de la ligne d’attaque, Farrell glissant au centre. Une manière de décharger la pression des épaules de Farrell mais aussi de susciter une forme d'incertitude dans la ligne défensive adverse.

Owen Farrell (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016
Owen Farrell (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016

Pour conclure sur l’utilisation de Farrell, il faut reconnaitre à Mark McCall une qualité : celle d’avoir construit cette équipe autour d’un ouvreur de talent. Mais de l’avoir poussé à s’investir autant en défense qu’en attaque, ce qui permet d’offrir des libertés à d’autres joueurs... A commencer par ceux qui peuvent se consacrer pleinement à leurs tâches habituelles : les ailiers.

  • Des "électrons libres" aux ailes

Avec deux ailiers de talent en la personne de Chris Wyles et Chris Ashton, les Saracens veulent capitaliser sur une ressource rare dans le rugby moderne : l’incertitude. Les deux joueurs se proposent assez librement dans la ligne et apportent une certaine forme de fraicheur dans la ligne d’attaque. Avec ses 11 franchissements nets et ses presque 40 duels gagnés, Ashton s’affirme, cette saison encore, comme un redoutable marqueur.

Wyles, moins décisif mais plus complet, va lui aussi avoir tendance à venir chercher les ballons. Y compris loin de son aile. Un casse-tête de plus à résoudre : empêcher les deux joueurs d’être servi dans le dos des premiers blocs d’attaquants avec de la vitesse. Pour cela, une solution simple existe : gagner la bataille du milieu de terrain. Encore et toujours la clef des grands matches.

Chris Ashton (Saracens) - 16 avril 2016
Chris Ashton (Saracens) - 16 avril 2016
  • Un milieu de terrain capital

Celui des Saracens est incarné par deux joueurs capitaux. D’un côté le "papa" de la défense, Brad Barritt. De l’autre, le cadre du système offensif, Billy Vunipola. Sud-Africain de naissance, Barritt a su convaincre Lancaster de son importance défensive avec le XV d'Angleterre. Un choix qui a coûté cher à Luther Burrell, titulaire pour le Tournoi 2015 mais absent pour la Coupe du monde. Puissant et surtout incroyablement solide en défense, "BB" est une des pierres angulaires de cette formation. Le numéro 8, lui, est LA plaque tournante du jeu anglais. En Coupe d'Europe ? 89 ballons portés, 21 défenseurs battus… Énorme pour un avant.

Véritable tank, museler Vunipola, c’est déjà limiter les options offensives adverses. Car le troisième ligne centre va avoir comme rôle de remettre son équipe dans l’avancée, de gagner le premier duel et de gagner les mètres nécessaires au lancement de jeu suivant. Un rôle identique à celui dévolu à Chris Masoe au Racing 92. Et un duel entre les deux hommes qui pourrait faire basculer le match.

Billy Vunipola (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016
Billy Vunipola (Saracens) face aux Wasps - 23 avril 2016

Enfin, dernière observation : Billy Vunipola a un peu peiné en fin de saison dernière, puis pendant la Coupe du monde, qu’il a même dû quitter sur blessure. Une baisse de forme qui s’explique, en partie et en club, par la longue absence de Schalk Brits. Quel rapport entre le talonneur et le numéro 8 ? Tout simplement que le Sud-Africain décharge assez largement Vunipola de son rôle de couverture, en évoluant dans le 3e rideau et en remontant lui-même les ballons. Un talonneur capable de jouer comme un 8... Tout un symbole de cette formation des Saracens, où la puissance, la polyvalence et la communication ont fait de cette équipe la référence européenne cette année. En attendant le résultat d'une finale qui s’annonce d'ores et déjà … épaisse.

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