Histoire de grand chelem - 1987, des Coqs en liberté

  • Tournoi des 6 Nations - grand chelem 1987
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  • Tournoi des 6 Nations 1987 - Philippe Sella (XV de France)
    Tournoi des 6 Nations 1987 - Philippe Sella (XV de France)
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TOURNOI DES 6 NATIONS - Si 1977 demeure une référence en termes de bravoure et de gauloiserie, le grand chelem de 1987 reste aux yeux des puristes rugbyphiles comme le plus abouti, celui d’une certaine idée du jeu à la française dans toute sa quintessence.

Il n’incarne pas le charme des pionniers de 1968, ni la gauloiserie des moustachus de Fouroux en 1977, et n’eut même pas la saveur imprévue de l’édition de 1981. Mais aux yeux de bien des suiveurs et amoureux du XV de France, le grand chelem de 1987 demeure une édition à part, qui vit le XV de France encore tout auréolé de son exploit de Nantes face Aux All Blacks réciter son rugby somme une poésie, à quelques mois de la première Coupe du monde de l’histoire dont ils seraient les brillants finalistes.

Une année mémorable, parce qu’elle vit les Bleus réconcilier à la fois les puristes et les partisans d’un rugby physique, les romantiques et les pragmatiques, dans le sillage d’un paquet d’avants dévastateur et d’une ligne de trois-quarts estampillée French flair, dont l’aclhimie produite peut-être l’un des plus beaux jeux observés toute époques confondues.

Premier volet de "Questions pour un Chelemard" ! Sacré en 2010 Fulgence Ouedraogo nous raconte ses souvenirs de grand chelem, à quelques jours de France - Angleterre ??️ pic.twitter.com/BIdTRuWcfE

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) March 15, 2022

Ce récital ? Il commença plutôt mollement, le 7 février face aux Gallois emmenés par le génial ouvreur Jonathan Davies. Il faut dire que les Bleus, exemptés de la première journée, misaient beaucoup sur l’observation de leurs futurs adversaires face à l’Irlande. Las, la vague de froid qui sévissait cet hiver-là obligea les organisateurs à décaler la rencontre à la fin du Tournoi, laissant les Bleus dans l’expectative avant de les affronter. d’où un long round d’observation qui ne cessa vraiment qu’à la pause.

Une mi-temps atteinte sur le score de 9-3 en faveur des Gallois, après trois buts de pénalité de l’arrière Paul Thorburn auxquels l’ailier-buteur Jean-Louis Bérot n’avait pu répondre qu’à une reprise. Heureusement, un discours musclé du sélectionneur Jacques Fouroux à la pause permit de réveiller les attaquants bleus, qui frappèrent par deux fois lors du second acte : par l’ouvreur Franck Mesnel dès la reprise puis par l’ailier Erik Bonneval à six minutes du terme, scellant avec la manière ce qui devait rester dans les mémoires comme une entame plutôt poussive, qui ne préfigurait en aucun cas la suite des événements…

Sella, une chevauchée de légende à Twickenham

Le vrai début de l’épopée, au vrai ? Il coïncida avec le déplacement des Bleus à Twickenham. Face à des Anglais incapables de les battre depuis quatre ans, les Bleus s’attendaient logiquement à une tempête qui eut bien lieu, avec une entame sur les chapeaux de roue des boys de Rob Andrew. "L’atmosphère était plutôt électrique, rien à voir avec le rugby d’aujourd’hui, se souvenait Philippe Sella. Sans vidéo ni carton jaune, il y avait de nombreux coups bas ça pouvait partir à tout moment. Chaque action était synonyme d’accrochages pour affirmer sa supériorité. Personne n’allait au-delà, mais c’était vraiment limite…"

Tournoi des 6 Nations 1987 - Philippe Sella (XV de France)
Tournoi des 6 Nations 1987 - Philippe Sella (XV de France)

Un contexte de muerte qui desservait une nouvelle fois les Bleus, rentrés aux vestiaires avec un débours de 12-3 (3 pénalités de Rose et un drop d’Andrew côté anglais). Mais la suite sera, encore, d’un autre acabit. Recollant immédiatement au score à la grâce d’un drop de Blanco puis d’un essai en première main – magnifié par une double croisée Charvet-Champ – conclu par le Toulousain Erik Bonneval, les Bleus allaient finalement planter l’estocade définitive.

Sur une attaque anglaise à trente mètres de l’en-but tricolore, Philippe Sella anticipait la passe du demi de mêlée anglais Richard Hill après une redoublée. Un coup gagnant. "Le coup était risqué car on avait une défense très serrée, et avec la redoublée, ils étaient en surnombre. Mais en défendant haut, il y a cette possibilité de jaillir, de chiper la balle. Je me souviens de ce moment. Je vois le jeu comme s’il y a un ralenti me permet- tant d’aller chercher le ballon. Je cueille le ballon sur la paume de ma main, comme un garçon de café."

La suite ? Elle s’inscrit dans la légende, avec cette course fabuleuse de soixante mètres ponctuée d’un crochet sur Rose, avant de résister à la course aux fusées Harrison et Underwood. Une course de légende, qui lançait définitivement les Bleus vers leur destin.

Triplé de Bonneval contre l’Ecosse, doublé de Champ en Irlande

Ensuite ? Il s’agissait encore de se défaire de l’Ecosse au Parc des Princes, adversaire d’autant plus particulier qu’il serait aussi celui des Bleus en phase de poules, lors de la prochaine Coupe du monde. Un défi largement relevé avec la manière et quatre essais tous plus beaux les uns que les autres marqués par les lignes arrières, dont un triplé d’Erik Bonneval entré dans la postérité. Un récital tempéré par un essai inscrit en toute fin de match grâce aux frères Hastings, comme le signe que les esprits tricolores étaientd éjà tournés vers l’ultime étape de Dublin. Probablement la plus rude de l’année…

La preuve ? Elle est que, pour la première fois du Tournoi, ce ne sont pas les lignes arrières qui s’illustrèrent dans le vent irlandais. Mais bien le pack, après un début de match des plus heurtés… Bousculés par la furia irlandaise, les Tricolores se trouvaient ainsi menés 10-0, après deux essais marqués par l’ailier Ringland et le demi de mêlée Bradley, concrétisant une entame terrible.

En 1981, c’est une équipe de France en proie au doute qui se lance à la conquête du troisième grand chelem bleu...

L'histoire du grand chelem 1981 > https://t.co/bXK2pKjZxJ pic.twitter.com/pHD7DnW3fL

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Reste que ces Bleus avaient de la patience et de l’expérience, qui leur permirent de faire – encore – basculer la rencontre en deuxième période malgré la sortie sur blessure de Serge Blanco, avec en fer de lance le troisième ligne Eric Champ. Auteur d’un doublé, le Toulonnais concrétisiat d’abord en force un travail de toute la troisième ligne, avant de contrer Bradley pour un essai opportuniste, après un bon relais de Bonneval.

Deux buts de Bérot parachevaient l’ouvrage, qui offraient à Jacques Fouroux l’occasion de distiller ce bon mot entré dans la légende : "Gagner le Tournoi des Cinq Nations, c’est une belle victoire. Remporter un Grand Chelem c’est fonder une nouvelle famille." On ne souhaite ainsi rien d’autre aux Bleus de 2022 que de s’en construire une nouvelle, samedi soir...

Les 17 Chelemards :

Avants : Ondarts, Dubroca (acp.), Garuet, Lorieux, Condom, Haget, Champ, Erbani, Rodriguez

Arrières : Berbizier, Mesnel, Charvet, Sella, Bonneval, Bérot, Lafond, Blanco.

Les résultats :

France – Pays de Galles 16-9

Angleterre – France 15-19

France – Ecosse 28-22

Irlande – France 13-19

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