Histoire de grand chelem : 2010, l'apologie de la maîtrise

  • Histoire d'un Grand Chelem - 2010.
    Histoire d'un Grand Chelem - 2010.
  • Tournoi 2010 : Yannick Jauzion résiste à Gordon d'Arcy et marque face à l'Irlande.
    Tournoi 2010 : Yannick Jauzion résiste à Gordon d'Arcy et marque face à l'Irlande.
  • 2010, le dernier Grand Chelem du rugby français. Jusqu'à samedi ?
    2010, le dernier Grand Chelem du rugby français. Jusqu'à samedi ?
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TOURNOI DES 6 NATIONS 2022 - Le dernier grand chelem réalisé à ce jour par le XV de France, en 2010, avait été obtenu grâce à une mêlée souveraine et à un sens du réalisme précieux, des deux côtés du terrain.

Le neuvième grand chelem de l'histoire du XV de France reste marqué du sceau du pragmatisme et de la maîtrise froide. D'entrée, sous les chœurs de Murrayfield, les Bleus avaient donné le ton. Dans le sillage d'une mêlée dominatrice, Mathieu Bastareaud force la décision à deux reprises. A la mi-temps, Morgan Parra, jeune buteur aux nerfs d'acier, et ses partenaires comptent neuf points d'avance. Cet écart restera inchangé au coup de sifflet final (9-18). Le XV de France lance ainsi idéalement sa compétition.

Six jours après, les Bleus ont rendez-vous avec l'Irlande au Stade de France. D'entrée, le XV du Trèfle se montre dangereux et Gordon D'Arcy se retrouve à deux doigts d'aplatir le premier essai mais un rebond défavorable épargne la troupe de Thierry Dusautoir. Comme un joli présage du destin. En quatre minutes, à la demi-heure de jeu, les Tricolores posent leur empreinte sur les débats : William Servat, derrière un maul, et Yannick Jauzion, après une percée de l'inégalable Mathieu Bastareaud, permettent aux Bleus de mener 14-3 avant la pause.

Au retour des vestiaires, un dernier essai de Clément Poitrenaud, sur une action de trois-quarts, donne au succès des airs de démonstration, tout juste atténuée par une réalisation de David Wallace. D'un drop-goal, Frédéric Michalak parachève l'ouvrage et la sélection de Marc Lièvremont s'impose 33 à 10.

Tournoi 2010 : Yannick Jauzion résiste à Gordon d'Arcy et marque face à l'Irlande.
Tournoi 2010 : Yannick Jauzion résiste à Gordon d'Arcy et marque face à l'Irlande.

Cardiff, une courte frayeur

Après un week-end de relâche, les Bleus s'engouffrent dans la tanière du dragon rouge pour un duel aux allures de tournant. Cardiff se pose en carrefour de leur conquête : s'ils y gagnent, la voie vers la finale du grand chelem en Angleterre s'ouvrira en grand ; sinon, ils devront calculer en vue d'une hypothétique victoire aux points. Le Millennium leur réserve l'accueil habituel, avec flammes et décibels à fond. Rapidement, les visiteurs rafraîchissent l'ambiance. Alexis Palisson surgit depuis son aile pour intercepter une passe de James Hook dès la 6e minute. Deux pénalités de Morgan Parra et, surtout, une nouvelle interception de François Trinh-Duc à vingt secondes de la mi-temps mettent les Bleus sur une autoroute royale.

Au retour des vestiaires, l'orgueil des Gallois se rappelle au mauvais souvenir des Bleus et la crainte d'un renversement de situation devient crédible quand Leigh Halfpenny y va de son essai, après deux pénalités de Stephen Jones (13-20, 61e), Morgan Parra écopant d'un carton jaune sur la même action. Mais jamais la panique ne gagnera les Tricolores. L'expérimenté Frédéric Michalak ajoute trois précieux points (71e), pour le plus grand soulagement des siens. La réalisation de Shane Williams à la 80e minute restera anecdotique (20-26). En quittant la capitale galloise, Marc Lièvremont et ses protégés peuvent se projeter sereinement et avec détermination vers l'objectif ultime.

Avant de disputer la grande finale face au XV de la Rose, les Bleus doivent écarter l'Italie. 77 1588 spectateurs se massent dans les tribunes du Stade de France, signe d'une attente grandissante de la part de toute une nation. A la maison, Thierry Dusautoir et compagnie ne peuvent se permettre aucun faux pas face à de surprenants Transalpins, vainqueurs de l'Ecosse la journée d'avant après s'être inclinés de cinq points seulement contre l'Angleterre.

Dès la 5e minute, Imanol Harinordoquy, joliment servi par Morgan Parra dont la feinte de passe a surpris l'adversaire, rassure tout le monde. David Marty s'en donne ensuite à coeur joie avec un doublé et, quand Alan Lewis accorde dix minutes de repos aux deux équipes, les hôtes mènent déjà largement, 22 à 3. Le second acte permettra aux trente acteurs présents sur la pelouse de se mettre en valeur offensivement avec trois réalisations supplémentaires côté tricolore, de Marc Andreu, Yannick Jauzion et Alexandre Lapandry, Carlo Del Fava et Pablo Canavosio sauvant l'honneur des Italiens (46-20).

"Une équipe un peu tout-terrain"

Sept jours après la répétition grandeur nature, le grand jour est enfin arrivé : la finale tant attendue face à l'Angleterre. De finale, il n'est question que pour les Français, les Anglais ayant depuis longtemps perdu tout espoir dans la compétition après s'être incliné contre l'Irlande à la maison (16-20) et avoir concédé le nul en Ecosse (15-15).

Si la victoire finale est promise aux Bleus, en raison d'un différentiel de points nettement favorable vis-à-vis de l'Irlande, toute la France du rugby n'attend rien d'autre que son neuvième grand chelem. Mais en ce 20 mars, la météo est ô combien capricieuse et les visiteurs férocement déterminés à priver leur ennemi préféré d'un sacre. François Trinh-Duc lance parfaitement les hostilités avec un drop-goal plein de maîtrise (4e) mais, sur le renvoi, Ben Foden, lancé par Toby Flood, préféré à Jonny Wilkinson, remonte le terrain et marque en coin.

Le spectre de la demi-finale de la Coupe du monde 2007 ressurgit alors. La partie est âpre, hachée, indécise. Heureusement, la mêlée permet à la bande à Dusautoir de prendre progressivement l'ascendant. No scrum, no win... Morgan Parra concrétise le travail de démolition du trident Domingo-Servat-Mas avec trois pénalités (18e, 24e, 34e).

A la mi-temps, la tension reste prégnante avec seulement cinq points d'avance en faveur des locaux (12-7). Elle devient presque insoutenable quand Jonny Wilkinson réduit l'écart avec un coup de pied excentré des 50 mètres, à treize minutes de la délivrance attendue. Tout le Stade de France pousse derrière son équipe. Plus rien ne sera marqué et, dans la nuit de Saint-Denis, les Tricolores peuvent enfin soulever leur trophée. Ils viennent d'entrer dans l'histoire comme les neuvièmes "chelemards" de l'histoire du rugby national.

Marc Lièvremont savoure la consécration : "Depuis deux ans, on a montré qu'on était capables de jouer un rugby intéressant, tantôt spectaculaire, tantôt réaliste, parfois désordonné et pas très abouti, mais cohérent. C'est le rugby d'une équipe un peu tout-terrain. La maturité, c'est arriver à enchaîner les matchs et les performances individuelles et collectives. (...) Ce qui domine, c'est l'état d'esprit qui règne dans l'équipe, la pudeur, l'humilité, le travail, la solidarité, la façon dont elle a préparé ce grand chelem. A travers des matchs heurtés comme celui de samedi, ou la deuxième mi-temps au Pays de Galles, c'est cet état d'esprit qui fait que le groupe avance, qu'il a envie de se battre ensemble." Un an plus tard, il échouera en finale de la Coupe du monde. Le dernier sommet du rugby français avant un long moment.

2010, le dernier Grand Chelem du rugby français. Jusqu'à samedi ?
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