Grassineau : "Nous n'aurons pas le droit à l'erreur"

Par Rugbyrama
  • Camille Grassineau (France 7)
    Camille Grassineau (France 7)
  • Camille Grassineau face aux Fidji, lors des Jeux olympiques 2020.
    Camille Grassineau face aux Fidji, lors des Jeux olympiques 2020.
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SEVENS - Actuellement en stage de préparation avec l'équipe de France de rugby à VII pour la Coupe du monde en Afrique du Sud prévue du 9 au 11 septembre, Camille Grassineau revient sur l'évolution de son style de jeu ces dernières saisons et les ambitions des Bleues avant le Mondial.

Comment se passe votre stage au CREPS (centre national d'entraînement en altitude) de Font-Romeu ?

Le stage se passe bien. On a des blocs de trois semaines, avec du rugby et du travail en altitude, en salle d’hypoxie ou de wattbike. La semaine dernière, on a eu la venue d’une équipe développement composée d’une vingtaine de joueuses. Ça nous a permis d'avoir une opposition sur deux entraînements. Et en termes d’ambiance, c‘était assez chouette.

Quels sont les avantages d’une préparation en altitude ?

On en avait déjà fait une avant les Jeux olympiques de 2016 et également pour les Jeux de Tokyo l’année dernière. Le travail au niveau des globules fait que c’est intéressant d'avoir un retour au niveau de l’aérobie et de la condition physique en général. Parfois, les sensations ne sont pas très cool sur le moment, mais le but, c'est d’avoir un retour là-dessus.

Vous préparez la Coupe du monde avec un groupe de 21 joueuses, mêlant expérience et jeunesse. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai qu’on a un groupe assez large. Il y a des filles d’expérience mais d’autres qui sont aussi très jeunes et qui n’ont jamais fait de World Series. Certaines ont à peine 18 ans. Elles apportent de la fraîcheur et elles sont pétries de talent. C’est vraiment impressionnant de voir qu’elles sont capables d’encaisser les charges d'entraînement. Je pense qu’elles ont toutes leurs chances pour la Coupe du monde. Le mélange peut très rapidement fonctionner.

Quelles sont les ambitions que vous avez pu évoquer ?

On va à la Coupe du monde pour performer, pas juste pour participer. On va essayer de gagner les matchs au fur et à mesure. Notre chemin ne va pas être facile mais si on veut être les meilleures, il va falloir gagner contre tout le monde. Se confronter à des équipes solides fait partie du sport de haut niveau et là, nous serons servies.

En septembre, vous pourriez disputer la troisième Coupe du monde de rugby à VII de votre carrière, à 31 ans. Avec votre expérience, quel regard portez-vous sur cette compétition en comparaison avec les World Series ?

Le format est différent. On a pu le tester à San Francisco. La moindre erreur fait que l'on bascule dans le tableau bas. Nous serons encore plus concentrées que d’habitude sur chaque match parce que nous n’aurons pas le droit à l'erreur sur un seul match. Ça reste une compétition majeure donc on va essayer d'y aller en étant armées au maximum. Prendre les matchs les uns après les autres, c’est une réponse bateau (rires) mais c’est la réalité.

A quoi vous attendez-vous face aux Sud-Africaines, hôtes de la compétition que vous rencontrerez dès les huitièmes de finale au Cap?

Ça fait très longtemps que l’on n’a pas joué contre elles, donc on ne va pas avoir énormément d’images. Il y a une part d’inconnu, même si elles étaient en World Series il y a quelque temps. Des choses ont dû rester concernant leur philosophie de jeu. Elles seront chez elles et auront un regain d’agressivité car à la maison, on n’a pas envie de perdre un match. Ça va nous permettre de rentrer très fort dans la compétition et ce n’est pas plus mal car si tout se passe bien, on devrait rencontrer les Fidji par la suite.

Vous projetez-vous déjà vers ce possible quart de finale ?

L’avantage, c’est qu’on connait bien cette équipe. On l’a beaucoup rencontrée cette saison. C’était un petit peu du 50/50. Une fois on les battait, l’autre fois c’était l’inverse. Contre les Fidjiennes, ça peut basculer très rapidement. C’est une très grosse équipe avec des particularités, que ce soit en termes de gabarit ou de capacité à faire bouger le ballon. Ça demande une certaine adaptation. Ce sont des choses que l’on travaille car on se prépare à jouer les meilleures, que ce soit en Coupe du monde ou en World Series. Il va falloir être capable de répondre à leur jeu. Il y a un travail défensif particulier par rapport à ça, notamment sur le fait de bloquer les bras et les ballons. On pense à ce match comme on peut penser à jouer l’Australie ou la Nouvelle-Zélande plus tard. Les meilleures équipes tout simplement.

A l’issue de votre défaite face aux Fidji en quart de finale du Sevens de Toulouse, vous avez confié "avoir accumulé beaucoup de frustrations tout au long de cette saison". A cet égard, le Mondial est-il une occasion de vous libérer ?

Chaque compétition peut être prise dans ce sens-là. On se connaît toutes par cœur à force de s’affronter régulièrement. Face aux Fidji, ce sont vraiment des matchs particuliers, parce que ça peut être à quitte ou double, on a l'impression qu’on a plié le match, et au final, non. De la frustration, on en a accumulé tout au long de la saison sur toutes les finales qu'on s’est "mangées". On n’a pas fait les résultats qu’on aurait dû faire. Peut-être était-ce le signe qu’il fallait se remettre très fortement au travail. Ce n’était pas anodin. C'était certainement un mal pour un bien. Je l’espère, en tout cas.

Camille Grassineau face aux Fidji, lors des Jeux olympiques 2020.
Camille Grassineau face aux Fidji, lors des Jeux olympiques 2020.

Qu’est-ce que cela change d’arriver à une Coupe du monde dans la peau d’une vice-championne olympique ?

Très franchement, j’ai l’impression que ce titre est déjà très loin. Il y a eu tellement de choses entre temps. C’est du passé. C’est quelque chose de génial que je garde en moi mais il faut aller de l’avant si on veut continuer à rentrer dans l'histoire. Il faut voir les échéances qui arrivent et ne pas rester dans le passé. Mais c’est bien pour les souvenirs et la confiance.

Avec votre parcours bien rempli à la fois en rugby à XV (deux Grands Chelem avec les Bleues en 2014 et 2018) et à VII (médaille d’argent aux Jeux 2020, médaille d’argent au Mondial 2018), est-il possible de nous dire dans quelle discipline vous sentez-vous plus épanouie ?

Actuellement, je n’ai plus de licence à XV mais j’ai pris beaucoup de plaisir dans les deux disciplines. Quand on est à l’aile à VII, on est habitué à avoir beaucoup d'activités, enchaîner les plaquages, faire des mêlées, des touches. Ce sont des choses que je ne verrai jamais à XV parce que je n’ai pas le gabarit et je ne suis pas formée sur ces postes-là. C'est devenu une frustration car j’ai d’abord été repérée par le rugby à VII qui m’a fait beaucoup évoluer. Mais à XV, j’ai pris du plaisir à certains postes. Si mon parcours avait été différent, je n’aurais peut-être pas tout à fait la même vision. Le XV me manque un peu. Ça fait deux saisons que je me tâte à reprendre un club. Ça reste une discipline que j’affectionne.

Pensez-vous revenir prochainement au rugby à XV ?

Cette saison, je voulais reprendre les études à côté et ça laisse trop peu de temps pour s’investir en club, en sachant qu’il y aussi une grosse saison à VII. Il faut faire des choix et je sais que je ne pourrai pas faire trois choses à la fois et m’y donner à 100%.

Comment analysez-vous l’évolution de votre style de jeu personnel ces dernières saisons ? Y a t-il des points spécifiques que vous souhaitez améliorer ?

Tellement de choses ! (rires) Les dernières saisons, je n’étais plus du tout dans un profil de finisseur. J’avais plutôt un rôle de créatrice pour faire jouer derrière, notamment aux Jeux de Tokyo. J’ai joué moins de duels qu’à une certaine époque. Je pense qu’il y a plein de choses à travailler, ne serait-ce que le jeu au pied, la vision du jeu. Dans tous les cas, j’aimerais trouver un équilibre entre ce profil de créatrice et de finisseur, ce que j’ai du mal à faire sur les dernières saisons, sans m’enfermer dans l’un ou dans l’autre. J’aimerais être capable de faire les deux.

Vous êtes-vous sentie obligée de faire évoluer votre jeu ou était-ce une demande de la part du staff ?

Ni l’un ni l’autre. Ça s'est fait inconsciemment avec le changement de poste. Quand on joue ailière et qu’on passe en numéro 4, on n'est pas dans les mêmes dispositions pour finir des coups ou non. J’ai été très contente de changer de poste car j’ai beaucoup appris en faisant des choses très différentes au milieu du terrain où il y a peut-être un peu moins de décalage. Ce changement est lié aussi au profil de notre équipe avec de bonnes duellistes, des filles très physiques et puissantes, qui avaient l'habitude d’enclencher des duels.

Pensez-vous que la Coupe du monde sera un bon indicateur pour les Jeux olympiques 2024 ?

Oui et non. En deux saisons, tout peut basculer. L’Irlande sort d’une superbe saison alors qu’on la voyait un peu moins les saisons précédentes. Le VII va tellement vite. D’une saison à une autre, on peut dégringoler au niveau du World Series, car ça dépend aussi de beaucoup choses comme la maturité du groupe et les changements. Ça ne dépend pas que de nous mais des adversaires et du niveau auquel ils vont se retrouver. La Coupe du monde peut donner des indications sur certaines équipes, déjà très performantes avec un important renouvellement de joueuses, notamment l’Australie en haut du tableau qui a un groupe très jeune. Mais il se passe tellement de choses que le classement ne sera certainement pas le même dans deux ans.

propos recueillis par Rayane BEYLY

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