Lafond: "Le Racing va être champion de France, c'est inéluctable"

  • Jean-Baptiste Lafond, en compagnie du président francilien Jacky Lorenzetti
    Jean-Baptiste Lafond, en compagnie du président francilien Jacky Lorenzetti
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Jean-Baptiste Lafond, ancien ailier ou arrière international de Bègles, du Stade français et de Narbonne, aujourd'hui consultant sur Eurosport, se livre pour Rugbyrama. Comme à son habitude, sans langue de bois. Première partie: le Top 14, ses joueurs étrangers et la course à l'armement des plus grands clubs...

Vous êtes connu pour votre franc-parler. Que pensez-vous du rugby professionnel en France ?

Jean-Baptiste LAFOND: Je pense que c'est réellement un spectacle chaque week-end. Par rapport à ce que l'on a connu avant, la multiplication des temps de jeu, le spectacle offert...il n'y a pas photo, c'est top! Avant, les médias diffusaient très peu de matchs et maintenant, on ne sait plus où donner de la tête. Ça part dans tous les sens et au niveau du plaisir et du suspense, on est servis. Il y a deux championnats au sein d'un seul, le Top 14. Celui des équipes qui jouent pour la qualification pour être dans les six premiers et celui des équipes qui luttent pour éviter la descente, qui sont sympathiques à regarder. Selon moi, il est évident que les intérêts du XV de France et du championnat sont totalement antagonistes.

Après, si on parle des joueurs... Le joueur étranger ne peut pas jouer en équipe de France mais joue en Top 14. Et les Français font banquette, ont des morceaux de minutes ou évoluent en Pro D2. Le problème, il est là. Ils sont tous Fidjiens, Samoans, Géorgiens... Cela ne me gêne pas au niveau du spectacle mais surtout par rapport à l'équipe de France. Il y a des mecs qui prennent la place à au haut niveau mais bon, c'est le règlement. C'est comme les JIFF (Jeunes Issus de la Formation Française, ndlr), il suffit d'arriver à dix-huit ans, d'être en centre de formation ou d'avoir joué trois ans en France... Je le répète, cela ne me gêne pas pour le spectacle. Les Fidjiens sont les meilleurs trois-quarts et il suffit de regarder le rugby à 7. En revanche, il n'y a pas d'ouvreurs ou de piliers fidjiens dans le championnat et inversement, nous avons des Géorgiens, Roumains, Sud-Africains à ces postes-là.

Quand tu discutes avec les agents, tu comprends que c'est chez les Ciel et Blanc qui prennent le "gros caramel"

Ce qu'il serait intéressant de regarder, c'est non pas le pourcentage de joueurs étrangers dans le championnat mais la proportion de joueurs étrangers alignés dans le XV de départ de chaque formation pour chaque match de Top 14. A mon avis, il est supérieur à 50% au moins notamment pour les six meilleurs clubs à l'exception de Toulouse, me semble-t-il, et c'est un problème. Le Top 14 est en effet le championnat le plus relevé du monde. Les mecs viennent, prennent la monnaie notamment à Clermont, Toulon et le Racing-Metro qui pait le mieux les joueurs en France. Quand tu discutes avec les agents, tu comprends que c'est chez les Ciel et Blanc qu'ils prennent le "gros caramel".

Etes-vous heureux du retour au premier plan de votre club de cœur, le Racing-Métro ?

J-B.L: Ah oui, c'est sûr. J'adore le Racing. Ils se sont donnés les moyens pour être champions de France et ils le seront d'ici les trois ans à venir. Je suis content que l'un des plus beaux maillots du championnat de France de rugby soit dans les premières places. Je vois un très bon groupe et j'ai l'impression qu'il y a une bonne ambiance dans ce club avec des entraineurs de qualité. Mais voilà, on jugera encore une fois sur les résultats et on verra d'ici deux ans.

Comment expliquez-vous l'afflux depuis quelques saisons de joueurs étrangers dans nos championnats ? Est-ce le fait qu'ils sont moins chers pour la plupart, plus compétitifs, voire les deux ?

J-B.L: C'est surtout une question de facilité pour les clubs d'acheter plutôt que de former. C'est le pouvoir de l'argent et c'est pour cela que ce système favorise les gros budgets. Maintenant, avec moins de douze millions de budget, le club n'est plus invité. Le Racing-Metro va être champion de France, c'est inéluctable. Dans les deux ou trois ans à venir, ils seront champions du fait de cette escalade, cette course à l'armement. Et puis, c'est le but ultime, suprême du président Jacky Lorenzetti et il y mettra tous les moyens nécessaires. C'est quoi pour lui cinq millions d'euros par an quand on a une fortune individuelle pesant des milliards ? Certes, il sort l'argent de sa poche mais c'est "que dalle" pour lui et c'est pareil pour le Stade français avec Oberthur.

Je suis persuadé que dans les petits clubs, les clubs formateurs comme on dit, il y a de très bons joueurs que l'on ne connait pas, qui ne joueront jamais à haut niveau et qui le mériteraient pourtant. Il suffit de se balader dans les Landes, le Pays Basque, la région parisienne, la Côte d'Azur et toutes ces régions françaises pour se rendre compte qu'il y a des talents. Il faut aller les chercher ces mecs. Mais c'est la loi du marché où avec de l'argent, chacun fait ce qu'il veut. Et pourtant, je ne pense pas que le Fidjien ou le Géorgien soient très chers. Le rugby est surmédiatisé par rapport à d'autres sports sympathiques comme le hand, le basket, l'athlétisme.

Un jour on reverra le derby basque mais en Pro D2. C'est ce que veulent les gens donc ils seront contents

Pensez-vous que cette course à l'armement avec ces budgets et ces salaires qui augmentent soit dangereuse pour les clubs ne disposant pas d'un grand mécène ?

J-B.L: Oui, c'est dangereux pour les clubs soit qui n'ont pas de mécène, soit de grande compagnie nationale ou internationale à leurs côtés. C'est la course aux plus riches et davantage qu'au football où un petit peut battre un gros. C'est plus compliqué au rugby. C'est d'ailleurs aussi pour cela que je milite, enfin façon de parler car je suis seul donc je me réunis moi-même (rires) pour une concentration d'identité dans le Sud-Ouest, sur le littoral allant de Bordeaux à Biarritz. C'est une hécatombe avec la plupart des clubs qui sont en Pro D2 à l'exception de Bordeaux-Bègles et de Bayonne. Il faut regarder les choses en face et le constat est que la situation est devenue catastrophique. Alors on se satisfait de temps en temps d'un petit derby. On en parle avant, on en parle pendant mais on en parle plus après. Bayonne va continuer à jouer le maintien et puis un jour on reverra le derby basque mais en Pro D2. C'est ce que veulent les gens donc ils seront contents.

C'est un problème d'égos. Les dirigeants ne sont pas respectueux de la passion et de l'engouement qui existent encore de Saint-Sever à Saint-Jean-Pied-de-Port en passant par Hendaye, Saint-Jean-de-Luz... Ils ne s'en rendent pas compte et c'est dommage. Sur la Côte Basque-Landes, il y a trois clubs sur quatre en Pro D2 ! Et le seul qui est en Top 14 lutte pour s'y maintenir. Je suis Bayonnais et j'adore Biarritz. Il y a un public tellement fantastique et c'est ça le déséquilibre des moyens que l'on se donne par rapport au potentiel qu'il existe. Ils vont en "crever". De toute façon, les dés sont jetés. Comme on le disait précédemment, si il n'y a pas un émir ou un milliardaire amoureux du Pays Basque qui arrive...

Quand verra t-on Jean-Baptiste Lafond président d'un club professionnel ?

J-B.L: Je ne peux pas moi. Je dis les choses et je n'ai pas envie de "m'engueuler". Je vis ma vie, les gens savent que je suis libre, j'ai un boulot de folie, j'ai six gamins et donc au final, je n'en ai "rien à cirer". J'adore le rugby en tant que sport mais tout ce système me fatigue.

Retrouvez la seconde partie de notre entretien ce jeudi après-midi. Jean-Baptiste Lafond y aborde plusieurs sujets comme la situation du XV de France et l'évolution du rugby.

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